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insuffisamment nourries (CYON, 52, p. 207). Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les graphiques obtenus avant et après COATS à l'aide des mêmes appareils enregistreurs par des expérimentateurs qui avaient également travaillé dans le laboratoire de LUDWIG. Les diminutions constatées par COATS étaient, d'ailleurs, de peu d'importance, et ne peuvent aucunement être invoquées comme preuve sérieuse que le pneumogastrique diminue les battements du cœur.

La même objection s'applique avec beaucoup plus de force encore à toutes les expériences sur des cœurs détachés du corps, soit dans leur intégrité, soit par fragments, et chez lesquels une abondante circulation de liquide nutritif n'a pas été soigneusement

entretenue.

L'enregistrement des battements du cœur par de petits leviers appliqués sur la surface du cœur ou par des pinces cardiographiques ne peut, d'ailleurs, donner aucune indication rigoureuse sur la force des contractions. Seules méritent d'être prises en considération dans cette question les expériences faites à l'aide des manomètres à mercure, celles qui enregistrent les variations du volume du cœur, celles enfin qui mesurent directement la quantité de sang que le cœur expulse à chaque contraction. Avec le manomètre à mercure appliqué au cœur des vertébrés, on observe toujours une augmentation des excursions de la colonne de mercure pendant l'excitation des pneumogastriques (fig. 17). Certes, quand on expérimente sur des cœurs restés en communication avec le système vasculaire, les excursions de la colonne manométrique ne comportent pas toujours des conclusions aussi exactes sur les pulsations cardiaques, que quand il s'agit de cœurs séparés du corps. Mais dans certaines limites de fréquence et d'amplitude les oscillations de mercure donnent des indications d'une précision suffisante sur les variations de la force des contractions cardiaques. Ces limites sont même très larges dans les applications habituelles du mauomètre, où les oscillations du mercure ont à vaincre des résistances provenant de l'élasticité des vaisseaux, et elles suffisent largement pour résoudre la question qui nous occupe ici. « Ces limites, dit CYON (52, 254), sont le plus souvent très faciles à établir. Mais, même en dehors de ces limites, les augmentations de ces oscillations pendant les contractions trop rares et leurs diminutions dans le cas contraire ne sont pas de nature à induire en erreur sur la nature de leur origine. Quand on obtient des oscillations de 1 à 2 millimètres pendant l'excitation des nerfs accélérateurs ou de 100 millimètres et au delà pendant l'excitation des pneumogastriques, comme cela est arrivé si souvent dans nos expériences, on ne peut réellement avoir de doute que le travail du cœur ne soit considérablement plus fort dans ce dernier cas que dans le premier. » Les graphiques (pages 116-117, fig. 17, 18 et 19), empruntés aux derniers travaux de Cron, ne laissent subsister aucun doute sur la justesse de cette appréciation.

Plus sérieuse est une autre objection qu'on a opposée aux preuves tirées des observations faites sur l'action des pneumogastriques à l'aide du manomètre à mercure : la grandeur des excursions de la colonne manométrique peut dépendre non seulement de la quantité du sang jeté par chaque contraction dans l'aorte, mais aussi de la diminution des résistances dans l'aorte par suite de la baisse de la pression sanguine. A cette objection Cron (52) répond, premièrement que cette baisse de pression, on peut la diminuer en sectionnant dans le thorax toutes les branches du pneumogastrique, hormis celles qui se rendent au cœur. Il cite, en outre, les observations où l'excitation des pneumogastriques produit des augmentations de ces excursions, quoique la pression sanguine reste sans changement ou même soit considérablement augmentée, comme, par exemple, après l'ablation des thyroïdes, ou après l'injection de substances qui augmentent la pression sanguine, ou même simplement lorsque la compression de l'aorte augmente d'elle-même la pression sanguine et excite les pneumogastriques (Fig. 11).

Les recherches faites à l'aide d'appareils mesurant les variations et le volume du cœur pendant ses contractions témoignent également que leur force augmente sous l'influence de l'excitation des pneumogastriques. De telles expériences furent exécut ées par Roy et ADAMI (111), qui observèrent toujours une augmentation de ces variations pendant l'excitation des nerfs inhibitoires. Par contre, TIGERSTEDT et JOHANSSON (112), usant de méthodes analogues, ne constatèrent de pareilles augmentations que dans les cas d'excitation faible. Le résultat variait dans l'un ou l'autre sens quand les courants excitateurs augmentaient de force; les variations diminuaient avant l'arrêt complet du cœur

quand les excitations devenaient très fortes. Dans son traité (Physiologie de la Circulation), TIGERSTEDT, pour expliquer la contradiction entre ses recherches et celles de Roy et ADAMI,

dit que les excitations employées par ces derniers étaient relativement peu fortes. La contradiction ne serait donc qu'apparente, « puisque, tous les observateurs étant d'accord qu'avec l'excitation faible des pneu

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FIG. 17. Excitation du nerf pneumogastrique chez un chien, d'après CYON. Ce tracé, comme les tracés suivants, se lit de droite à gauche.

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mogastriques, les contractions du coeur devie.inent plus étendues » (106, p. 248). Il est évident que les excitations par des courants faibles se rapprochent le plus des excitations naturelles, surtout quand il s'agit d'appareils nerveux d'une sensibilité si extrême.

FIG. 18. Pulsations accélérées. (Ibidem.)

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Or ce qui importe le plus dans de pareilles études physiologiques, c'est d'établir le mode de fonctionnement normal des organes.

Avant de passer aux travaux de PAWLOW (109) qui a fait des mensurations directes des quantités de sang lancées par le ventricule dans l'aorte, rappelons encore que les recherches de Roy et d'ADAMI ont démontré qu'on ne peut juger des variations de la force du cœur en se servant des résultats obtenus par la mesure des changements de son diamètre. D'autre part, BAYLISS et STARLING, qui ont observé une diminution de la force cardiaque pendant l'excitation des pneumogastriques, l'attribuent à l'asphyxie du cœur, à une dilatation de ses parois, etc., c'est-à-dire à des circonstances incidentes. Ils sont d'avis qu'en réalité cette force ne diminue pas sous l'influence des pneumogastriques.

MC WILLIAM (114) a, pour ses expériences, fait usage de pinces cardiographiques et de leviers enregistreurs posés sur le cœur, c'est-à-dire de méthodes peu aptes à résoudre définitivement le problème. Néanmoins lui aussi a pu constater que les excitations faibles des pneumogastriques augmentent la force des contractions cardiaques. Les recherches de PAWLOW (109) ouvrent une nouvelle voie dans l'étude de l'action des pneumogastriques. Des expériences antérieures (115) avaient déjà amené ce physiologiste à rechercher s'ils ne contiendraient pas deux sortes de fibres nerveuses, les unes diminuant, les autres augmentant la force des battements du cœur, et cela indépendemment des variations dans leur fré

quence. Avant PAWLOW, GASKELL (116) et HEIDENHAIN (110), prenant pour point de départ les expériences de COATS (110), avaient cherché à élucider dans quelles conditions une diminution de la force cardiaque pouvait se produire sans une modification de nombre des pulsations. HEIDENHAIN avait observé que la force des battements diminuait, sans changement dans leur fréquence, lorsqu'on excitait les pneumogastriques chez les grenouilles avec de doubles coups de courants induits se succédant à des intervalles de 2" à 5"; encore ne constatait-on ce phénomène que sur des cœurs fatigués. Cette observation, qui concordait, d'ailleurs, avec une autre de GASKELL - qu'un arrêt cardiaque ne s'obtient que sur des cœurs en parfait état de nutrition, - aurait dû attirer d'autant plus l'attention de ces auteurs que les résultats de COATS avaient été obtenus, comme nous l'avons dit plus haut, sur des cœurs épuisés et mal nourris, que par conséquent ils ne prouvaient rien.

En réalité, les conclusions des deux expérimentateurs tendaient plutôt à reconnaître que

FIG. 19, Pulsations ralenties et renforcées par suite de l'excitation du pneumogastrique avec baisse de la pression sanguine chez un chien. (Ibidem.

l'arrêt de cœur, à la suite de l'excitation des pneumogastriques, pouvait être amené non seulement par une prolongation de la diastole, mais même par la diminution constante de l'amplitude des pulsations du cœur. GASKELL parvint même à trouver une troisième cause d'arrêt du cœur dans la faculté que posséderaient les pneumogastriques de diminuer considérablement dans le muscle cardiaque la transmissibilité des excitations. Ces conclusions légèrement contradictoires étaient, en somme, peu satisfaisantes. Les preuves dont on les appuyait, même en dehors des nombreuses objections soulevées par d'autres expérimentateurs, ne pouvaient pas les faire considérer comme définitives.

Bien plus tentante fut l'initiative prise par PAWLOW de rechercher, s'il ne se trouvait pas dans le pneumogastrique des fibres ayant des fonctions physiologiques diverses, les unes qui diminueraient, les autres qui augmenteraient la force des battements du cœur. La question pouvait être résolue par deux voies: la voie pharmacologique et la voie anatomique. Si l'on réussissait à trouver des substances susceptibles de paralyser certaines fibres nerveuses du pneumogastrique en laissant les autres intactes, le problème pouvait être soumis à une expérimentation directe. BOGOJAVLENSKY ayant constaté que dans certaines phases de l'empoisonnement par la Convallaria maialis, l'excitation des pneumogastriques provoque une diminution de la pression et un abaissement de la hauteur des pulsations sans influencer leur fréquence; cette observation décida PAWLOW à choisir ce poison pour ses expériences. En même temps, il eut recours à l'excitation isolée de diverses branches qui se détachent du ganglion cervical inférieur après sa jonction avec le pneumogastrique. La première branche intérieure de ce ganglion paraissait n'agir que sur la force des battements du cœur, dont elle ne modifiait le nombre que d'une manière insuffisante. Cette action consistait en un abaissement de la pression sanguine.

PAWLOW hésita pourtant à tirer de cette série d'expériences des conclusions positives. Un pareil abaissement n'implique d'ailleurs pas forcément une diminution de la force cardiaque. Notons, en outre, qu'il ressort de la disposition anatomique des nerfs en question donnée par PAWLOW à la page 5121 que le nerf qui provoquait cet abaissement était celui que CYON (51.et 72) a indiqué comme le prolongement du nerf dépresseur.

Les expériences de PAWLOW, pour démontrer l'existence de nerfs susceptibles d'augmenter la force des battements du cœur sans modifier leur nombre, ont donné des résultats plus certains, surtout depuis que PAWLow, pour mesurer les variations de cette force, a eu recours à l'appareil perfectionné de LUDWIG, dont STOLNIKOW s'était servi pour mesurer la quantité de sang projeté par le cœur dans l'aorte à chaque systole (109). II résultait de ces expériences que cette quantité augmente constamment par suite de l'excitation d'une certaine branche du pneumogastrique, la forte branche antérieure, - (ou le grand nerf cardiaque antérieur de WOOLDRIDGE) (118) qui se détache au-dessous du laryngé inférieur ou avec lui (voir ce nerf chez le cheval dans la figure 15, p. 104). La fréquence des battements du cœur peut augmenter pendant cette excitation, mais l'augmentation des forces cardiaques paraît en être indépendante, puisqu'elle se produit également en dehors de cette accélération.

L'excitation directe du pneumogastrique ayant dans plusieurs cas provoqué aussi une augmentation du volume du sang projeté par chaque contraction, PAWLow a répété la même expérience sur un chien atropinisé. Le résultat variait suivant que l'expérimentateur excitait le pneumogastrique gauche ou le droit; ce dernier paraissait inefficace, tandis que le premier augmentait notablement le volume du sang projeté.

Presque en même temps que furent exécutées les premières expériences de PAWLOW, GASKELL (116) publia ses recherches sur le nerf coronaire des tortues; l'excitation de cette branche du pneumogastrique, qui se rend du sinus veineux au ventricule, produisit tantôt une diminution, tantôt une augmentation des pulsations cardiaques. GASKELL semble, d'ailleurs, attribuer aux nerfs accélérateurs la propriété d'augmenter les pulsations du cœur et aux pneumogastriques celle de les diminuer (119). D'après ses expériences sur le nerf coronaire, il contiendrait donc des fibres d'origine différente.

Tout récemment, CYON (52) a repris l'importante question de l'influence des pneumogastriques sur la force des contractions du cœur. Ses études sur les rapports entre les

1. Cette disposition est reproduite dans la Physiologie de la circulation de TIGERStedt, à la page 273.

corps thyroïdes et les nerfs du cœur ont révélé, quant à l'action de ces dernières, de nombreuses particularités qui jettent une vive lumière sur le problème en question. On trouvera ces recherches exposées plus loin dans le chapitre des poisons physiologiques du cœur. Disons seulement içi qu'elles ont permis de varier dans de larges limites l'excitabilité et le fonctionnement des nerfs pneumogastriques et accélérateurs. CYON a trouvé notamment que la brusque suppression des deux glandes thyroïdes doit amener des troubles très variés dans le fonctionnement des nerfs du cœur, troubles dont l'aspect peut encore se modifier sous l'influence des actions réparatrices ou compensatrices par lesquelles d'autres organes, les parathyroïdes (GLEY) et l'hypophyse, cherchent à remédier à l'absence des thyroïdes. On observe ainsi, dans le sphère de l'activité des nerfs cardiaques, des manifestations extrêmement curieuses une vraie anarchie des nerfs du cœur, comme s'exprime Crox, et ces anomalies aident puissamment à comprendre le jeu régulier des organes à l'état normal.

Plusieurs de ces déviations dans le fonctionnement des pneumogastriques se rapportent directement au problème de l'augmentation de la force cardiaque sous l'influence de ces nerfs. Parmi les nombreuses variations de leur excitabilité, CYON a rencontré des cas où le seul résultat de l'excitation des pneumogastriques consistait dans une augmentation de la force des battements du cœur avec ralentissement des battements; mais sans aucune variation de la pression sanguine. Ces augmentations des excursions manométriques peuvent aller jusqu'à 15 ou 20 fois la hauteur normale, et cela aussi bien si les pneumogastriques sont excités directement que s'ils subissent une excitation réflexe ou due à l'injection d'extraits organiques comme, par exemple, l'extrait de l'hypophyse (voir plus loin au chapitre des poisons physiologiques). CYON propose de désigner ces pulsations sous le nom de pulsations renforcées (Aktionspulse), pour les distinguer des pulsations habituelles des pneumogastriques qui sont accompagnées d'une forte diminution de la pression sanguine. Ces pulsations renforcées (Aktionspulse) se distinguent encore par ce trait caractéristique qu'elles ne sont interrompues par aucune pause diastolique: l'ascension systolique commence aussitôt que la courbe diastolique a achevé sa descente (Voir les fig. 22 et 25, p. 142).

Ces pulsations sont-elles identiques à celles observées par PAWLow et obtenues par l'excitation de la forte branche interne du ganglion cervical inférieur? Il est difficile à première vue de l'affirmer avec certitude. Malheureusement PAWLOW, dans son travail exécuté chez LUDWIG (109), ne donne point d'indications précises sur les variations de la pression sanguine qui ont pu accompagner l'augmentation de volume du sang projeté dans l'aorte par les contractions du cœur. Les graphiques et tableaux que cet auteur reproduit dans l'exposé de ses recherches antérieures n'indiquent que des augmentations de la pression sanguine, sans aucune élévation perceptible des excursions cardiaques. Or l'augmentation de la pression sanguine seule peut être obtenue par l'irritation d'autres branches du ganglion cervical inférieur, qui ne sont nullement des nerfs cardiaques. Ainsi déjà, dans ses premiers travaux sur les nerfs accélérateurs, CYON (75) avait constaté que l'excitation des deux branches qui forment l'anneau de VIEUSSENS élève la pression sanguine d'une dizaine de millimètres, mais ne modifie aucunement les battements du cœur. Poursuivant ses études plus tard avec ALADOF (122), CYON trouva que par ces deux branches passent les nerfs vasoconstricteurs du foie leur excitation élève la pression de 50 millimètres et plus dans l'artère hépatique. Leur section provoque le diabète.

Néanmoins CYON incline à admettre l'analogie des pulsations renforcées obtenues dans ses expériences avec celles que PAWLOW a constatées en irritant la forte branche externe du pneumogastrique. Les battements du cœur sont figurés, dans le travail de PAWLOW (109) par deux graphiques obtenus à l'aide du manomètre à ressort de FICK. Les augmentations des excursions cardiaques que ces dessins indiquent, comme se produisant au moment de l'irritation du nerf en question, sont incontestables, et, quoiqu'elles ne soient pas à comparer pour l'intensité avec les pulsations renforcées (Aktionspulse) de CYON, il faut tenir compte non seulement de la diversité des circonstances au milieu desquelles elles se manifestent dans les expériences des deux physiologistes, mais aussi de la différence des appareils enregistreurs employés par l'un et par l'autre.

Après avoir mesuré la vitesse de la circulation sanguine dans les veines pendant l'excitation des pneumogastriques, CYON s'est convaincu que cette vitesse augmente con

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