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faire? Après avoir si longtemps troublé le repos du monde entier, ne sauriez-vous me laisser le mien ?

CH. Je trouve qu'en se levant ici de bon matin, on est encore bien en repos dans cette profonde solitude.

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LE M. Je vous entends, sacrée Majesté : quand vous vous êtes levé ici de bon matin, vous y trouvez la journée bien longue : vous êtes accoutumé à un plus grand mouvement; avouez-le sans façon. Vous vous ennuyez de n'avoir ici qu'à prier Dieu, qu'à monter vos horloges, et qu'à éveiller de pauvres novices qui ne sont pas coupables 10 de votre ennui.

CH. J'ai ici douze domestiques que je me suis réservés. LE M. C'est une triste conversation pour un homme qui était en commerce avec toutes les nations connues.

CH. J'ai un petit cheval pour me promener dans ce beau 15 vallon orné d'orangers, de myrtes, de grenadiers, de lauriers et de mille fleurs, au pied de ces belles montagnes de l'Estramadure couvertes de troupeaux innombrables.

LE M. Tout cela est beau; mais tout cela ne parle point. Vous voudriez un peu de bruit et de fracas.

CH. J'ai cent mille écus de pension.

LE M. Assez mal payés. Le roi votre fils n'en a guère de soin,

CH. Il est vrai qu'on oublie bientôt les gens qui se sont dépouillés et dégradés.

LE M. Ne comptiez-vous pas là-dessus quand vous avez quitté votre couronne?

CH. Je voyais bien que cela devait être ainsi.

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LE M. Si vous avez compté là-dessus, pourquoi vous étonnez-vous de le voir arriver? Tenez-vous-en à votre 30 premier projet : renoncez à tout; oubliez tout; ne désirez plus rien; reposez-vous, et laissez reposer les autres.

CH. Mais je vois que mon fils, après la bataille de SaintQuentin, n'a pas su profiter de la victoire ; il devait être

déjà à Paris. Le comte d'Egmont lui a gagné une autre bataille à Gravelines; et il laisse tout perdre. Voilà Calais repris par le duc de Guise sur les Anglais; voilà ce même duc qui a pris Thionville pour couvrir Metz. Mon fils 5 gouverne mal: il ne suit aucun de mes conseils ; il ne me paye point ma pension; il méprise ma conduite, et les plus fidèles serviteurs dont je me suis servi. Tout cela me chagrine et m'inquiète.

LE M. Quoi! n'étiez-vous venu chercher le repos dans 10 cette retraite qu'à condition que le roi votre fils ferait des conquêtes, croirait tous vos conseils, et achèverait d'exécuter tous vos projets?

CH. Non; mais je croyais qu'il ferait mieux.

LE M. Puisque vous avez tout quitté pour être en repos, 15 demeurez-y, quoi qu'il arrive; laissez faire le roi votre fils comme il voudra. Ne faites point dépendre votre tranquillité des guerres qui agitent le monde ; vous n'en êtes sorti que pour n'en plus entendre parler. Mais, dites la vérité, vous ne connaissiez guère la solitude quand vous 20 l'avez cherchée ; c'est par inquiétude que vous avez désiré le repos.

CH. Hélas! mon pauvre enfant, tu ne dis que trop vrai ; et Dieu veuille que tu ne te sois point mécompté comme moi en quittant le monde dans ce noviciat!

NOTES.

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206.-3. Fénelon reprend, en effet, dans un sens, la suite de l'Odyssée. Le séjour d'Ulysse dans l'île de Calypso est raconté au long par Homère.-Ulysse, le héros de l'Odyssée, est l'un des principaux chefs des Grecs qui ont fait le siège de Troie.

5. Résonner, to re-echo: ne pas confondre avec raisonner, to reason. 8. Cette île était Ogygie, aujourd'hui Gozo, à 5 milles de Malte.

27. Minerve, déesse de la sagesse, l'Athéné des Grecs.

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207.-1. Mentor était un des plus fidèles amis d'Ulysse. 25. Virgile dit: Italiam sequimur fugientem.

208.- 5. "Travaux"= fatigues.

33. Description pour dire: des orangers.-Beaucoup des détails de ce tableau sont tirés du poème d'Homère.

209.-2. "Prairies." Notez que le mot en français signifle meadows. 15. "Superbes." Dans le sens latin

=

orgueilleuses.

23. "A souhait," just what one would wish.

210.-11. "Plus vil," of less value.

18. Que sort." Quel est le sujet de ce verbe?

27. "Usée," worn out: non pas used.

28. "Ses entrailles sont encore pleines," inside it is yet full.

211.-1. "Se manquent à eux-mêmes," fail to do what is due to themselves. 7. "Mille," thousand: milliers, thousands.

14. "Terroirs" variétés de terrains.

=

212.-30. "Ne laissent pas de s'élever," yet rise: "ne pas laisser de," and yet. Cf. note 1. 28, p. 25.

213.-28. Le nouveau (monde).

214.-21. En 1556, Charles-Quint, roi d'Espagne et empereur, malade et fatigué du gouvernement, abdiqua toutes ses couronnes et se retira au monastère de Saint-Just, en Espagne. Mais comme la vie et le pouvoir n'étaient qu'un pour lui, il s'en repentit. Le chagrin abrégea ́sa vie.

24. "Novice," on probation.

28. "L'office," religious service.

33. "Vous n'avez plus rien de meilleur," you have nothing better left. Maintenant, on dit: rien de mieux.

215.-5. "Sacrée Majesté." L'emploi du mot sacré devant un nom est devenu désagréable. Il faudrait dire de nos jours: Majesté sacrée.

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9. "Monter vos horloges." Charles-Quint avait plusieurs horloges qu'il s'amusait à faire marcher.

22. "Votre fills," Philippe II d'Espagne, sous qui fut tentée l'expédition de l'Armada.

33. "La bataille de Saint Quentin," remportée par les Espagnols sur les Français. Saint-Quentin n'est pas bien loin de Paris. 216.-22. "Que tu ne te sois point mécompté," peu employé maintenant. On dirait: que tu ne te sois point mépris.

QUESTIONS.

1. Que rappelle le nom de Fénelon?-2. Donnez les détails de sa vie.-3. Quels ouvrages a-t-il écrits? et pour qui principalement?— 4. Quelle impression a-t-il faite sur ses contemporains? et par quelles

qualités?-5. Que pouvez-vous dire du Télémaque ?-6. Quel est le sujet de la douleur de Calypso?—7. Qu'aperçoit-elle?—8. Qui voitelle?-9. Que dit Calypso? et que répond Télémaque?-10. Que propose la déesse?-11. Description de la grotte de Calypso et de ce que l'on voit de la colline.-12. Comment traite-t-elle les nouveaux venus?-13. Qu'est la terre en soi? et que devient-elle par le travail de l'homme?-14. Que dit l'auteur de la guerre?-15. Quels avantages découlent de la variété des terrains?-16. Quelles qualités spécifiques possède l'eau?-17. Quels avantages spéciaux en découlent?-18. Quel parti sait en tirer l'homme?-19. Quelle mesure Dieu a-t-il imposée aux mouvements des eaux?—20. Quels sont les personnages du dialogue?-21. Sur quel sujet commence la discussion?-22. Qu'est-ce que l'ex-empereur a pour s'occuper?— 23. Quelles préoccupations a-t-il?—24, Quels sages conseils lui donne le novice?

CHAPITRE XI.

BOILEAU-DESPRÉAUX (1635-1711). SES ŒUVRES.

LA BRUYÈRE (1639-1696), LES CARACTÈRES.

L'œuvre de Boileau ressemble singulièrement à celle du fameux poète anglais Pope, qui vint trente ans après lui. Boileau, en effet, a écrit des Satires, des Epîtres, un Art poétique et un poème héroïcomique, le Lutrin. Comme Pope, le satirique français a quelque peu perdu en considération devant les idées de liberté qui dominent la littérature moderne. Cependant, il est moins artificiel que le poète anglais.

Longtemps Boileau a régné en souverain, comme le maître absolu de la critique: il avait continué avec une autorité plus grande encore l'œuvre épurative de Malherbe (Voir p. 17). Il fut en réalité le précepteur de son siècle, et il instruisit non seulement les écrivains, mais aussi, et peut-être surtout, le public dont il forma le goût.

Boileau étudia d'abord le droit, et fut reçu avocat, sans jamais plaider. Il étudia la théologie avec tout aussi peu de succès. Son génie l'entraînait à la poésio, et il se fit l'imitateur d'Horace. Dans ses premières productions, les Satires, il attaqua avec beaucoup d'esprit et de succès les mauvais poètes et le mauvais goût. La plupart de ses Epîtres, où se rencontrent encore quelques traits mordants, montrent une grande perfection de style. On lit moins maintenant son Art poétique, exposition fort claire de la doctrine littéraire de son temps.

Sa grande qualité est de s'être attaché à faire prévaloir en littérature les idées de sens commun. C'est par là, aussi bien que par la forme excellente de ses vers, qu'il mérite encore d'être lu. Son rare jugement, son exquise culture a esprit Feleverent au rang des écrivains de génie.

Boileau fut élu à l'Académie française en même temps que La Fontaine, en 1684

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