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d'Angleterre, que du côté de l'empereur, on était bien déterminé à rompre les engagements pris pour le mariage de Marie avec l'Autriche; mais aucun des deux ne voulait en convenir. Durant les mois de mai et de juin, Henri VIII ne cessait d'écrire les lettres les plus pressantes pour hâter ce mariage; l'empereur parlait de le différer, mais non de le rompre; et Marguerite, la seule de bonne foi, se fatiguait à solliciter, à la prière de l'empereur, son père, des délais auprès du roi d'Angleterre, qui affectait la plus grande répugnance à les accorder.

Cependant les ambassadeurs de Marguerite en Angleterre lui écrivirent que Louis XII avait envoyé à Londres Thomas Bohier, général des finances en Normandie, sous prétexte de payer la rançon du duc de Longueville; mais qu'il était aisé de deviner qu'un négociateur tel que lui, était chargé de quelque commission plus importante: au reste, ce n'étaient que des soupçons. Il est bien étonnant qu'avec le nombre d'ambassadeurs qu'on entretenait dans les cours respectives, où chaque ambassade était alors composée de trois ou quatre personnages accrédités, on ne fût pas mieux informé de ce qui s'y passait. Les pleins pouvoirs pour signer le mariage de Marie avec Louis XII, avaient été expédiés en France dès le 29 juillet; Marie avait fait le lendemain une réclamation solennelle contre les promesses faites en son nom à l'archiduc; enfin, le 7 août, le contrat avait été signé à Londres par les plénipotentiaires, et Marguerite ne faisait encore que soupçonner.

Ce ne fut même que quelques jours après qu'elle fit partir pour Londres le grand-bailli de Flandre, Jacques de Thiennes, seigneur de Castres, dans l'espérance de

détourner un coup qui était déjà porté. Les instructions fort amples qu'elle lui donna, ne servent qu'à prouver combien elle était mal instruite. Elle se flattait que le mariage qui se négociait à Londres pour Louis XII, était celui de la reine douairière d'Ecosse, sœur aînée de Marie mais cette reine avait d'autres vues; elle préparait un exemple que Marie suivit depuis; fille et veuve d'un roi, elle songeait à épouser un de ses sujets.

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L'archiduchesse ne croyait donc pas que les bruits qui se répandaient sur le mariage de Marie avec Louis XII, eussent un fondement réel; elle chargea Castres d'affirmer expressément au roi d'Angleterre qu'elle n'y avait jamais ajouté foi. Si cependant ce prince avait pensé, en effet, à marier sa sœur au roi de France dans la crainte que Louis n'épousàt ou Marguerite elle-même ou sa nièce Éléonore, Castres devait assurer que ces propositions n'avaient été que paroles vaines. Enfin, dans le cas où il s'agirait sérieusement du mariage de Louis et de Marie, Castres devait présenter au roi d'Angleterre l'acte signé de lui, par lequel il promettait Marie à l'Autriche; le sommer de sa parole s'il en était temps encore, ou lui reprocher dans les termes les plus forts

de l'avoir violée.

Castres ne partit que vers la moitié du mois d'août, le traité de mariage de Louis avec Marie était signé depuis le 7 du même mois, et le 13 Longueville épousa la princesse au nom du roi.

Un acte aussi solennel et aussi public convainquit enfin Marguerite de ce dont elle avait voulu douter jusqu'alors elle se plaignit avec véhémence, et menaça le roi d'Angleterre de publier la promesse qu'il avait stipulée de sa propre main en faveur de l'archiduc. Les ambas

sadeurs anglais eurent ordre de répondre que leur roi avait, en effet, promis sa sœur à l'archiduc, mais que l'empereur avait aussi promis que ce mariage se ferait dans un terme fixé, et que c'était lui qui le premier avait manqué à sa parole; qu'au reste, quand Marguerite menaçait de publier la promesse signée par le roi d'Angleterre, elle devait se souvenir qu'il y avait aussi des promesses secrètes signées par elle, que Henri pourrait publier, si elle l'y contraignait. Nous ignorons quelles étaient ces promesses secrètes, que, sans doute, Marguerite ne voulut pas le mettre dans le cas de révéler.

Outrée de colère, Marguerite tenta de rendre suspectes au roi les promesses de la cour de France, et de lui faire craindre que Marie n'y fût traitée comme elle l'avait été elle-même. Mais ce prince lui fit répondre qu'elle prenait trop de souci, et que ses mesures étaient telles que tout honneur et nul desplaisir ne pouvoit s'ensuivre.

Marguerite ne poussa pas plus loin les efforts d'un dépit inutile; elle sentit que l'empereur et le roi d'Angleterre, quoi qu'ils rejetassent l'un sur l'autre la cause de la rupture, la désiraient également tous les deux.

Si l'on met à part la politique qui décide impérieusement des mariages des princes, il n'y en avait guère de plus mal assorti que celui de Louis avec Marie. Vieux, infirme, goutteux, cacochyme, économe avec cette parcimonie qui ne convient guère à l'amour, il épousait une princesse de dix-huit ans, vive, tendre, passionnée, et la plus belle personne de son siècle (1). Louis ne survécut pas trois mois à son mariage.

(1) J'ai pris ces détails dans le curieux mémoire de Bréquigny, sur la vie de la reine Marie. Académie des inscriptions, t. XLIII, p. 485, suivantes.

Après la mort de ce prince, Marguerite ne se montra pas moins l'ennemie de François Ier, son successeur, qui réclamait Naples et le Milanais; ce fut elle qui, en 1515, décida l'Angleterre à entrer dans une nouvelle ligue tendant à expulser, par la force, les Français de I'Italie.

Dans l'intervalle, le lion de Gueldre avait rugi de nouveau en 1514, Charles d'Egmont avait reparu, plus entreprenant, plus terrible que jamais ; le 21 mai il s'était emparé de la place importante d'Arnhem, sur le bord d'un des bras du Rhin. Marguerite lui apposa Henri III de Nassau, neveu d'Engelbert, qui épousa Claude de Châlons, princesse d'Orange. C'était une des premières capacités militaires de l'époque, et le seul commandant d'armes qui pût imposer à ce qu'il y avait de plus terrible dans les Pays-Bas : le duc de Gueldre et la garde noire (1).

Les états de Hollande, las enfin de cette guerre de truands, sollicitèrent Marguerite d'obtenir au moins une trève. Charles, touché des démarches de la princesse, se laissa fléchir : il députa auprès d'elle un jurisconsulte distingué, maître Guillaume de Lang, qui, à la grande satisfaction des parties belligérantes, parvint rapidement à conclure un armistice pour quatre ans, à dater du 10 août 1514 (2).

D'autres événements réclamaient toute l'attention, toute la sollicitude de la régente il s'agissait du gouvernement de la West-Frise, portion de l'ancien royaume des Frisons, une des nations les plus puissantes de la

(1) Münch, Geschichte des Hauses Nassau-Oranien, t. II, p. 162-167.

(2) Leo, t. II, p. 276.

Germanie occidentale. Ce royaume dont l'indépendance ne fut jamais contestée sous les Romains, fut anéanti par Charlemagne. Au moyen-àge, la Frise fut partagée en diverses seigneuries, possédées par des familles nobles du pays, qui en étaient souveraines sous le titre de chefs et qui s'assemblaient près de l'Orich sous trois chênes. La dernière de ces assemblées se tint en 1361. Parmi les seigneurs, ceux de Gretshyl, surnommés Syresena ou Syrksena furent les plus célèbres et devinrent dans la suite les propriétaires de toute l'Ost-Frise en 1475, l'empereur Frédéric III érigea ce pays en comté et le donna à Ulric Syrksena (1).

A l'époque dont nous nous occupons régnait, dans l'Ost-Frise, le comte Edzard IV, qui était aux prises avec l'archevêque de Brême, l'évêque de Munster et le comte Henri de Schwartzbourg. Cette lutte se termina à l'avantage d'Edzard, et l'an 1497, il fut à même de fournir des secours à Albert, cadet de la maison de Saxe, qui venait d'être nommé stadhouder de la West-Frise par Maximilien, et que ses nouveaux sujets refusaient de reconnaître. La paix n'était pas encore rétablie, lorsque le duc Henri de Saxe succéda à son père dans la podesdarie de la West-Frise. De tous les pays sur lesquels devait s'étendre la jurisdiction du nouveau souverain, la ville seule de Groningue ne voulut pas se soumettre. Son admirable situation, son commerce étendu, son titre de ville hansiatique, l'avaient enorgueillie; elle était décidée à secouer le joug de la Saxe. Ses bourgeois avaient fait des excursions dans les Ommelandes, rasé un grand nombre de châteaux féodaux, et dans

(1) L'Art de vérifier les dates et le dictionnaire de Moréri.

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