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Philippe II son héritier; car nous avons perdu, vous et moi, un bon lit de repos. » Parole d'autant plus flatteuse, qu'elle venait de Charles-Quint, de ce prince qui savait si bien apprécier les hommes.

Entré sans éclat, sans naissance, dans la vie, le fils du maréchal ferrant d'Ornans en sortait seigneur de Granvelle, de Chantonnay, d'Apremont, Mazière, Rosey, Maîche, Cromary, Scey, Champagney, Cantecroix, premier conseiller d'État, garde des sceaux de l'Empire, commandeur de l'ordre d'Alcantara, chevalier de l'Éperon d'Or, maréchal héréditaire de l'archevêché de Besançon; il en sortait avec l'orgueil d'avoir vu se personnifier en lui la plus haute fortune plébéienne de la FrancheComté au seizième siècle. Ses biographes lui reprochent de s'être un peu trop occupé d'élever et d'enrichir sa famille; mais il racheta cette faiblesse par ses éminentes qualités et ses rares talents, et par la bienveillance qu'il montra toujours envers ses compatriotes: il ouvrit à plusieurs d'entre eux, à Simon Renard entre autres, la carrière des fonctions publiques. Tenons-lui compte aussi des services qu'il rendit à son pays natal: il y seconda, pour sa part, le mouvement des lettres, en fondant à Besançon un collége où l'on enseignait la théologie, la grammaire, la poésie et l'éloquence; en même temps il s'occupait d'y faire pénétrer le goût des arts, en réunissant dans son palais Granvelle une collection de tableaux, la première qu'ait possédée la province.

Nicolas Perrenot ne mourut pas tout entier. Parmi les enfants que laissait ce glorieux père, il s'en trouvait un qui devait, sinon l'effacer, du moins le surpasser encore en éclat et réputation c'est nommer le plus illustre des Franc-Comtois du seizième siècle, cet Antoine Perrenot de Granvelle, qui fut tour à tour évêque d'Arras, archevêque de Malines et de Besançon, garde des sceaux, cardinal, viceroi de Naples, président du conseil suprême d'Italie et de Castille, et qui resta trente ans ministre.

Antoine Perrenot de Granvelle naquit à Besançon le 20 du mois d'août 1517. Il étudia d'abord à l'université de Padoue, et ses succès y furent remarquables. C'était un de ces élèves à qui l'on ne dispute pas la première place. Il faut dire qu'il joignait aux plus brillantes facultés une ardeur infatigable pour le travail; il la poussa même si loin, que sa santé ne tarda pas à s'en ressentir, et que son père, alarmé, se hâta de le rappeler auprès de lui. Dès ce moment il ne voulut plus se séparer de son fils. Il le mit au collège de Louvain, pour lui faire suivre un cours de théologie; mais il l'initia de bonne heure au secret de la politique, parce qu'un jeune homme élevé dans la pratique des affaires, et garanti par l'habitude contre les entraînements du pouvoir, lui semblait beaucoup plus propre aux fonctions de la vie d'homme d'État. A vingt ans, l'éducation de Granvelle était complète : il connaissait jusqu'à sept langues, qu'il parlait avec une heureuse facilité. A vingttrois ans on le nommait évêque d'Arras, et bientôt après il accompagnait son père aux diètes de Worms et de Ratisbonne. A vingt-cinq ans il assistait, en qualité d'ambassadeur de Charles-Quint, à l'ouverture du concile de Trente et y prononçait

C'est lui, le chancelier de Granvelle, qui a fait construire ce palais. M. Alex. Guenard en donne la description (pages 194 à 199) dans l'intéressant petit livre qu'il a publié en 1844, sous ce titre: BESANÇON, Description historique des monuments et établissements publics de cette ville.

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