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et par le clergé de France affemblé à Bourges. C'était une digue oppofée aux vexations de la cour de Rome; digue trop faible, qui fut bientôt renverfée. On avait décidé dans cette affemblée, avec les ambaffadeurs du concile de Bâle, que les conciles étaient fupérieurs aux papes, et pouvaient les dépofer. La cour de Rome, depuis long-temps, avait impofé fur les peuples, fur les rois et fur le clergé, un joug étonnant dont on ne trouvait pas la fource dans la primitive Eglife des chrétiens. Elle donnait presque par-tout les bénéfices: et quand les collateurs naturels en avaient conféré un, le pape difait qu'il l'avait réfervé dans fon cœur, in petto; il le conférait à celui qui le payait le plus chèrement, et cela s'appelait une réserve. Il promettait auffi les bénéfices qui n'étaient pas vacans, et c'étaient des expectatives. Avait-on enfin obtenu un bénéfice, il fallait payer au pape la première année du revenu; et cet abus, qu'on nomme les annates, subsiste encore aujourd'hui. Dans toutes les caufes que l'Eglise avait su attirer à elle, on appelait immédiatement au pape; et il fallait qu'un français allât à trois cents lieues fe ruiner pour la validité de fon mariage, ou pour le teftament de fon père.

Une grande partie de ces inconcevables tyrannies fut abolie par la pragmatique de Charles VII. Louis XI voulut obtenir du pape Pie II le royaume de Naples pour fon coufin-germain, Jean d'Anjou, duc titulaire de Calabre. Le pape, encore plus fin que Louis XI, parce qu'il était moins emporté, commença par exiger de lui l'abolition de la pragmatique. Louis n'héfita pas à lui facrifier l'original

même; on le traîna ignominieufement dans les rues de Rome; on en triompha comme d'un ennemi de la papauté: Louis XI fut comblé de bénédictions et de remercîmens. L'évêque d'Arras, qui avait porté la pragmatique à Rome, reçut le même jour le bonnet de cardinal. Pie II envoya au roi une épée bénite; mais il se moqua de lui, et ne donna point à fon coufin le royaume de Naples.

Louis XI, avant de tomber dans ce piége, avait demandé l'avis de la cour de parlement, elle lui préfenta un mémoire en quatre-vingt-neuf articles, intitulé: Remontrances touchant les priviléges de l'Eglife gallicanne: elles commencent par ces mots: En obéiffant comme de raifon au bon plaifir du roi notre fire. Et il eft à remarquer que depuis le LXXIIIe jufqu'au LXXX article, le parlement compte quatre millions fix cents quarante-cinq mille huit cents écus extorqués à la France par la chambre apoftolique, depuis l'invention de ces monopoles. Obfervons ici qu'il n'y avait pas trente ans que Jean XXII, réfugié dans Avignon, avait inventé ces exactions, qui le rendirent le plus riche de tous les papes, quoiqu'il n'eût prefque aucun domaine en Italie.

Le roi Louis XI, s'étant depuis raccommodé avec 1469. le pape, lui facrifia encore la pragmatique; et c'eft alors que le parlement, foutenant les intérêts de l'Etat, fit de fon propre mouvement de très-fortes remontrances que le roi n'écouta pas; mais ces remontrances étant le vœu de la nation entière, et Louis XI s'étant encore brouillé avec le pape, la pragmatique, traînée à Rome dans la boue, fut en honneur et en vigueur dans toute la France.

C'est ici que nous devons obferver que cette compagnie fut dans tous les temps le bouclier de la France, contre les entreprises de la cour de Rome. Sans ce corps, la France aurait eu l'humiliation d'être un pays d'obédience. C'est à lui qu'on doit la reffource des appels comme d'abus, reffource imitée de la loi pramunire d'Angleterre. Pierre de 1329. Cunières, avocat du roi, avait propofé le premier ce remède contre les ufurpations de l'Eglife.

Quelque defpotique que fût Louis XI, le parlement protefta contre les aliénations du domaine de la couronne; mais on ne voit pas qu'il fît des remontrances. Il en fit, en 1482, au fujet de la cherté du blé, elles ne pouvaient avoir que le bien public pour objet. Il fut donc en pleine poffeffion de faire des représentations fous le plus abfolu de tous les rois; mais il n'en fit, ni fur l'adminiftration publique, ni fur celle des finances. Celle qu'il fit au fujet du blé n'était qu'une affaire de police.

Son arrêt au fujet de l'imprimerie fut caffé par Louis XI, qui favait faire le bien quand il n'était point de fon intérêt de faire le mal. Cet art admirable avait été inventé par des allemands. Trois d'entre eux, en 1470, avaient apporté en France quelques épreuves de cet art naiffant; ils exercèrent même leurs talens fous les yeux de la Sorbonne. Le peuple, alors très-groffier, et qui l'a été très-longtemps, les prit pour des forciers. Les copiftes, qui gagnaient leur vie à tranfcrire le peu d'anciens manufcrits qu'on avait en France, préfentèrent requête au parlement contre les imprimeurs, ce tribunal fit faifir et confifquer tous leurs livres. Le

roi lui défendit de connaître de cette affaire, l'évoqua à son confeil, et fit payer aux allemands le prix de leurs ouvrages; mais fans marquer d'indignation contre un corps plus jaloux de conferver fes anciens ufages, que foigneux de s'inftruire de l'utilité des

nouveaux.

CHAPITRE XII.

Du parlement, dans la minorité de Charles VIII, et comment il refufa de fe mêler du gouvernement et de fes finances.

APRÈS la mort de Louis XI, dans l'extrême jeuneffe de Charles VIII, qui entrait dans fa quatorzième année, le parlement ne fit aucune démarche pour augmenter fon pouvoir. Au milieu des divifions et des brigues de madame de Bourbon-Beaujeu, fille de Louis XI; du duc d'Orléans, héritier préfomptif de la couronne, qui fut depuis Louis XII; et du duc de Bourbon, frère aîné du prince de Bourbon-Beaujeu, le parlement resta tranquille : il ne s'occupa que du foin de rendre la juftice, et de donner au peuple l'exemple de l'obéiffance et de la fidélité.

Madame de Beaujeu qui avait l'autorité principale, quoique conteftée, affembla les états généraux, en 1484. Le parlement ne demanda pas feulement d'y être admis. Les états donnèrent le gouvernement de la perfonne du roi à madame de Beaujeu, fa fœur, felon le teftament de Louis XI. Le duc d'Orléans, ayant levé des troupes, crut qu'il mettrait la ville

de Paris dans fon parti, fi le parlement fe déclarait en fa faveur. Il alla au palais, et repréfenta aux rojanvier chambres affemblées, par la bouche de Denis le 1484. Mercier, chancelier de fon apanage, qu'il fallait qu'on ramenât à Paris le roi, qui était alors à Melun, et qu'il gouvernât par lui-même avec les princes.

Jean de la Vaquerie, premier préfident, répondit au nom des chambres ces propres paroles: Le parlement et pour rendre juflice au peuple; les finances, la guerre, le gouvernement du roi ne font point de fon reffort. Il l'exhorta pathétiquement à demeurer dans fon devoir, et à ne point troubler la paix du royaume.

Le duc d'Orléans laiffa fes demandes par écrit, le parlement ne fit point de réponse. Le premier préfident, accompagné de quatre confeillers et de l'avocat du roi, alla recevoir à Melun les ordres de la cour qui donna de juftes éloges à fa conduite.

Cette conduite fi refpectable ne se démentit, ni dans la guerre que le duc d'Orléans fit à fon fouverain, ni dans celle que Charles VIII fit depuis en Italie.

Sous Charles VIII, il ne fe mêla des finances du royaume en aucune manière ; cette partie de l'adminiftration était entièrement entre les mains de la chambre des comptes et des généraux des finances : il arriva seulement que Charles VIII, dans fon expédition brillante et malheureufe d'Italie, voulut emprunter cent mille écus de la ville de Paris : chaque corps fut invité à prêter une partie de la fomme; l'hôtel-de-ville prêta cinquante mille francs;

1496.

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