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de cuiffage, de prélibation, c'eft-à-dire, de coucher avec toutes fes vaffales, la première nuit de leurs

noces.

Au milieu de cette épaiffe barbarie, les rois affemblaient encore des parlemens, compofés des hautsbarons qui voulaient bien s'y trouver, des évêques et abbés. C'était, à la vérité, une chose bien ridicule de voir des moines violer leurs vœux de pauvreté et d'obéiffance, pour venir fiéger avec les principaux de l'Etat ; mais c'était bien pis en Allemagne, où ils fe firent princes fouverains. Plus les peuples étaient groffiers, plus les eccléfiaftiques étaient puiffans.

Ces parlemens de France étaient les Etats de la nation, à cela près que le corps de la nation n'y avait aucune part : car la plupart des villes, et tous les villages, fans exception, étaient en esclavage.

L'Europe entière, excepté l'empire des Grecs, fut long-temps gouvernée fur ce modèle. On demande comment il fe put faire que tant de nations différentes femblaffent s'accorder à vivre dans cette humiliante fervitude, fous environ foixante ou quatre-vingts tyrans, qui avaient d'autres tyrans fous eux, et qui tous ensemble compofaient la plus détestable anarchie. Je ne fais d'autre réponse, finon que la plupart des hommes font des imbécilles, et qu'il était aifé aux fucceffeurs des vainqueurs Lombards, Vandales, Francs, Huns, Bourguignons, étant poffeffeurs de châteaux, étant armés de pied en cap, et montés fur de grands chevaux bardés de fer, de tenir fous le joug les habitans des villes et des campagnes qui n'avaient ni chevaux, ni

armes, et qui, occupés du foin de gagner leur vie, fe croyaient nés pour fervir.

Chaque feigneur féodal rendait donc juftice. dans fes domaines comme il le voulait. La loi en Allemagne portait qu'on appelât de leurs arrêts à la cour de l'empereur; mais les grands terriens eurent bientôt le droit de juger fans appel, jus de non appellando; tous les électeurs jouiffent aujourd'hui de ce droit, et c'eft ce qui a réduit enfin les empereurs à n'être plus que les chefs d'une république de princes.

Tels furent les rois de France jufqu'à PhilippeAugufte. Ils jugeaient fouverainement dans leurs domaines; mais ils n'exerçaient cette juftice fuprême fur les grands vaffaux, que quand ils avaient la force en main. Voyez combien il en coûta de peines à Louis le Gros pour foumettre feulement un feigneur du Puifet, un feigneur de Mont-lheri.

L'Europe entière était alors dans l'anarchie. L'Espagne était encore partagée entre des rois mufulmans, des rois chrétiens et des comtes. L'Allemagne et l'Italie étaient un chaos; les querelles de Henri IV avec le pontife de Rome, Grégoire VII, donnèrent commencement à une jurifprudence nouvelle et à cinq cents ans de guerres civiles. Cette nouvelle jurifprudence fut celle des papes qui bouleversèrent la chrétienté pour y dominer.

Les pontifes de Rome profitèrent de l'ignorance et du trouble, pour fe rendre les juges des rois et des empereurs; ces fouverains, toujours en guerre avec leurs vaffaux, étaient fouvent obligés de prendre le pape pour arbitre. Les évêques, au

milieu de cette barbarie, établiffaient une juridic tion monftrueufe; leurs officiers eccléfiaftiques, étant prefque les feuls qui fuffent lire et écrire, fe rendirent les maîtres de toutes les affaires dans les Etats chrétiens.

Le mariage étant regardé comme un facrement; toutes les causes matrimoniales furent portées devant eux, ils jugèrent prefque toutes les contentions civiles, fous prétexte qu'elles étaient accompagnées d'un ferment. Tous les teftamens étaient de leur reffort, parce qu'ils devaient contenir des legs à l'Eglife; et tout teftateur qui avait oublié de faire un de ces legs, qu'on appelle pieux, était déclaré déconfès, c'est-à-dire, à peu-près fans religion; il était privé de la fépulture, fon teftament était caffé; l'Eglife en fefait un pour lui, et s'adjugeait ce que le mort aurait dû lui donner.

Voulait on s'oppofer à ces violences, il fallait plaider à Rome, et l'on y était condamné.

Les inondations des barbares avaient, fans doute, caufé des maux affreux; mais il faut avouet que les ufurpations de l'Eglife en causèrent bien davantage.

Ce n'eft pas ici le lieu d'entrer dans ces recherches, dont toutes les hiftoires font pleines; contentonsnous d'examiner quels furent les parlemens de France, et quels furent les tribunaux de juftice.

LES

CHAPITRE I I.

Des parlemens jufqu'à Philippe le bel.

ES parlemens furent toujours les affemblées des hauts-barons. Cette police fut celle de toute l'Europe, depuis la Viftule jufqu'au détroit de Gibraltar, excepté à Rome, qui était fous une anarchie différente; car les empereurs prétendaient en être les fouverains. Les papes y difputaient l'autorité temporelle, le peuple y combattait fouvent pour fa liberté; et tandis que les évêques de Rome, profitant des troubles et de la fuperftition des autres peuples, donnaient des couronnes avec des bulles, et fe difaient les maîtres des rois; ils n'étaient pas les maîtres d'un faubourg de Rome.

L'Allemagne eut fes diètes, l'Espagne eut fes cortès, la France et l'Angleterre eurent leurs parlemens. Ces parlemens étaient tous guerriers, et cependant les évêques et les abbés y affiftaient, parce qu'ils étaient seigneurs de fiefs, et par-là même réputés barons et c'eft par cette feule raifon que les évêques fiégent encore au parlement d'Angleterre car le clergé n'a jamais fait dans cette île un ordre de l'Etat.

Dans ces affemblées, qui fe tenaient principalement pour décider de la guerre et de la paix, on jngeait auffi des caufes: mais il ne faut pas s'imaginer que ce fuffent des procès de particuliers, pour une

rente, pour une maison, pour des minuties dont nos tribunaux retentiffent, c'étaient les causes des hauts-barons mêmes et de tous les fiefs qui reffortiffaient immédiatement à la couronne.

Nicole Gilles rapporte qu'en 1241, Hugues de Lufignan, comte de la marche, ayant refufé de faire hommage au roi faint Louis, on assembla un parlement à Paris, dans lequel même les députés des villes entrèrent.

Ce fait eft rapporté très - obfcurément, il n'eft point dit que les députés des villes aient donné leurs voix. Ces députés ne pouvaient être ceux des villes appartenantes aux hauts - barons, ils ne l'auraient pas fouffert. Ces villes n'étaient prefque compofées alors que de bourgeois, ou ferfs du feigneur, ou affranchis depuis peu, et n'auraient pas donné probablement leurs voix avec leurs maîtres. C'étaient, fans doute, les députés de Paris et des villes appartenantes au roi; il voulait bien les convoquer affemblées. Les grands-bourgeois de ces villes étaient affranchis, le corps de l'hôtel-de-ville était formé. faint Louis put les appeler pour entendre les délibérations des barons affemblés en parlement.

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à ces

Les députés des villes étaient quelquefois, en Allemagne, appelés à l'élection de l'empereur; on prétend qu'à celle de Henri l'Oifeleur, les députés des villes d'Allemagne furent admis dans le champ d'élection; mais un exemple n'est pas une coutume. Les droits ne font jamais établis que par la néceffité, par la force, et enfuite par l'ufage; et les villes en ces temps-là n'étaient ni affez riches, ni affez puiffantes, ni affez bien gouvernées, pour fortir de

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