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commentateurs et les scoliastes eux-mêmes demeurent court, si fertiles d'ailleurs, si abondants et si chargés d'une vaine et fastueuse érudition dans les endroits clairs, et qui ne font de peine ni à eux ni aux autres. Achevez ainsi de vous convaincre, par cette méthode d'étudier, que c'est la paresse des hommes qui a encouragé le pédantisme à grossir plutôt qu'à enrichir les bibliothèques, à faire périr le texte sous le poids des commentaires; et qu'elle a en cela agi contre soi-même et contre ses plus chers intérêts, en multipliant les lectures, les recherches et le travail, qu'elle 10 cherchait à éviter.

I

DE LA CHAIRE.

1. Le discours chrétien est devenu un spectacle. Cette tristesse évangélique qui en est l'âme ne s'y remarque plus : elle est suppléée par les avantages de la mine, par les inflexions de la voix, par la régularité du geste, par le choix 15 des mots, et par les longues énumérations. On n'écoute plus sérieusement la parole sainte : c'est une sorte d'amusement entre mille autres, c'est un jeu où il y a de l'émulation et des parieurs.

3. Jusqu'à ce qu'il revienne un homme qui, avec un style 20 nourri des saintes Écritures, explique au peuple la parole divine uniment et familièrement, les orateurs et les déclamateurs seront suivis.

4. Les citations profanes, les froides allusions, le mauvais pathétique, les antithèses, les figures outrées, ont fini: les 25 portraits finiront, et feront place à une simple explication de l'Évangile, jointe aux mouvements qui inspirent la conversion.

20. Devrait-il suffire d'avoir été grand et puissant dans le monde pour être louable ou non, et devant le saint autel et dans la chaire de la vérité, loué et célébré à ses funé- 30

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railles? N'y a-t-il point d'autre grandeur que celle qui vient de l'autorité et de la naissance? Pourquoi n'est-il pas établi de faire publiquement le panégyrique d'un homme qui a excellé pendant sa vie dans la bonté, dans l'équité, dans la 5 douceur, dans la fidélité, dans la piété? Ce qu'on appelle une oraison funèbre n'est aujourd'hui bien reçue 1 du plus grand nombre des auditeurs qu'à mesure qu'elle s'éloigne davantage du discours chrétien, ou si vous l'aimez mieux ainsi, qu'elle approche de plus près d'un éloge profane.

DES ESPRITS FORTS.

I

10. J'exigerais de ceux qui vont contre le train commun et les grandes règles, qu'ils sussent plus que les autres, qu'ils eussent des raisons claires, et de ces arguments qui emportent conviction.

19. Les hommes sont-ils assez bons, assez fidèles, assez 15 équitables, pour mériter toute notre confiance, et ne nous pas faire désirer du moins que Dieu existât, à qui nous pussions appeler de leurs jugements et avoir recours quand nous en sommes persécutés ou trahis?

35. La religion est vraie, ou elle est fausse : si elle n'est 20 qu'une vaine fiction, voilà, si l'on veut, soixante années perdues pour l'homme de bien, pour le chartreux ou le solitaire; ils ne courent pas un autre risque. Mais si elle est fondée sur la vérité même, c'est alors un épouvantable malheur pour l'homme vicieux; l'idée seule des maux qu'il 25 se prépare me trouble l'imagination; la pensée est trop faible pour les concevoir, et les paroles trop vaines pour les exprimer. Certes, en supposant même dans le monde moins de certitude qu'il ne s'en trouve en effet sur la vérité de la religion, il n'y a point pour l'homme un meilleur 30 parti que la vertu.

NOTES.

NOTES

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DESCARTES.

DISCOURS DE LA MÉTHODE.

1. Descartes explains the title of this work in a letter to his life-long friend, Father Marin Mersenne (1588-1648), a distinguished theologian and mathematician: "car je ne mets pas, Traité de la méthode, mais Discours de la méthode, ce qui est le même que Préface ou Avis touchant la méthode, pour montrer que je n'ai pas dessein de l'enseigner, mais seulement d'en parler; car, comme on peut voir de ce que j'en dis, elle consiste plus en pratique qu'en théorie; et je nomme les traités suivants des essais de cette méthode, pource que je prétends que les choses qu'ils contiennent n'ont pu être trouvées sans elle, et qu'on peut connaître par eux ce qu'elle vaut. Comme aussi, j'ai inséré quelque chose de métaphysique, de physique et de médecine dans le premier discours, pour montrer qu'elle s'étend à toutes sortes de matières."(Cousin's edition, vol. vi, pages 138-139.) In a previous letter (of March, 1636) to the same friend, he speaks of his work in manuscript, and adds: "le titre en général sera: Le projet d'une science universelle qui puisse élever notre nature à son plus haut degré de perfection; plus, la dioptrique, les météores et la géométrie, où les plus curieuses matières que Pauteur ait pu choisir, pour rendre preuve de la science universelle qu'il propose, sont expliquées en telle sorte que ceux mêmes qui n'ont point étudié les peuvent entendre" (op. cit. vol. vi, pages 276-277).

The Discours and essays were finally printed at Leyden, June 8, 1637. -The essays are now published separately, and may be found in volume V of Cousin's edition.

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2. en une fois de suite. Notice, also, the use of en, line 2 (en la première, etc.), where it stands for dans. The employment of the different prepositions was not so strictly regulated in the seventeenth century as it is to-day.

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3. distinguer diviser. Notice also the construction, le pourra distinguer, which was formerly quite common, and is not unknown to-day with certain writers.

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