XXIIII. Or, dis-je bien, mon esperance est morte. L'un en rigueur et l'autre en amitié. XXV. J'ai tant vescu, chetif, en ma langueur, Prest à laisser la vie soubs le faix; Qu'y feroit-on sinon ce que je fais? Piqué du mal, je m'obstine en ma peine. XXVI. Puts qu'ainsi sont mes dures destinées, Le jour est prés que mes forces jà vaines Ne pourront plus fournir à mon tourment. C'est mon espoir, si je meurs en aymant, A donc, je croy, failliray-je à mes peines. Lors XXVII. que lasse est de me lasser ma peine, Amour, d'un bien mon mal refreschissant, Flate au cœur mort ma playe languissant, Nourrit mon mal et luy faict prendre alaine. Lors je conçoy quelque esperance vaine; Mais aussi tost, ce dur tyran, s'il sent Que mon espoir se renforce en croissant, Pour l'estoufer cent tourmens il m'ameine Encor tous frez: lors je me veois blasmant D'avoir esté rebelle à mon tourmant. Vive le mal, ô dieux, qui me devore! Vive à son gré mon tourmant rigoureux! O bien-heureux, et bien-heureux encore, Qui sans relasche est tousjours malheureux! XXVIII. Si contre amour je n'ay autre deffence, Le tort qu'il faict à ma dure constance. Ce sera peu que de perdre ma voix. S'on sçait l'aigreur de mon triste soucy, Et fut celuy qui m'a faict cette playe, Il en aura, pour si dur cœur qu'il aye, Quelque pitié, mais non pas de mercy. XXIX. Ja reluisoit la benoiste journée Que la nature au monde te devoit, Pour l'enrichir, cette terre où nous sommes. CHAPITRE XXX. De la Moderation. OMME si nous avions l'attouchement infect, nous corrompons par nostre maniement les choses qui d'elles mesmes sont belles et bonnes. Nous pouvons saisir la vertu de façon qu'elle en deviendra vicieuse, comme il advient quand nous l'embrassons d'un desir trop aspre et trop violant. Ceux qui disent qu'il n'y a jamais d'excés en la vertu, d'autant que ce n'est plus vertu si l'excés y est, ils se jouent de la subtilité des parolles. Insani sapiens nomen ferat, æquus iniqui, Ultra quam satis est virtutem si petat ipsam. C'est une subtile consideration de la philosophie. On peut et trop aimer la vertu, et se porter immoderément en une action juste et vertueuse. A ce biaiz se peut accommoder la parolle divine: «Ne soyez pas plus sages qu'il ne faut, mais soyez sobrement sages. >> L'amitié que nous portons à nos femmes, elle est trés-legitime la theologie ne laisse pas de la brider pourtant et de la restraindre. Il me semble avoir leu autresfois chez sainct Thomas, en un endroit où il condamne les mariages des parantes és degrez deffandus, ceste raison parmy les autres, qu'il y a danger que l'amitié qu'on porte à une telle femme soit immoderée : car, si l'affection maritalle s'y trouve entiere et perfaite comme elle doit, et qu'on la surcharge encore de celle qu'on doit à la parantelle, il n'y a point de doubte que ce surcroist n'emporte un tel mary hors les barrieres de la raison, soit en l'amitié, soit aux effects de la jouïs sance. Les sciences qui reglent les meurs des hommes, comme la religion et la philosophie, elles se meslent de tout. Il n'est action si privée et secrette qui se des‐ robe de leur cognoissance et jurisdiction. Je veux donc de leur part apprendre encore cecy aux maris (car il y a grand dangier qu'ils ne se perdent en ce débordement) c'est que les plaisirs mesmes qu'ils ont à l'acoin tance de leurs femmes, ils sont merveilleusement reprouvez, si la moderation n'y est observée; et qu'il y a dequoy faillir en licence et desbordement en ce subjet là, comme en un subjet estranger et illegitime. C'est une religieuse liaison et devote que le mariage: voilà pourquoy le plaisir qu'on en tire, ce doit estre un plaisir retenu, serieux et meslé à quelque peu de severité; ce doit estre une volupté prudente et conscientieuse. Et parce que sa principale fin c'est la generation, il y en a qui mettent en doubte si, lors que nous sommes sans l'esperance de cet usage, comme lors que les femmes sont hors d'aage ou enceintes, il est permis d'en rechercher cette accointance: cela tiens je pour certain qu'il est beaucoup plus sainct de s'en abstenir. Certaine nation abomine la conjonction avec les femmes enceintes, comme elle faict aussi avec celles qui ont leurs flueurs. Zenobia ne recevoit son mary que pour une charge et, cela fait, elle le laissoit courir tout le temps de sa conception, luy donnant lors seule |