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et l'aide à retenir l'ensemble et les parties principales du discours.

On prétend, de l'autre côté :

1° Que la partition est d'invention moderne ; que les anciens ne l'ont pas pratiquée; que les Pères mêmes n'en ont pas fait usage; qu'elle nous vient de la scolastique.

Cette première considération a peut-être plus d'apparence que de force: a) D'abord, les anciens ne sont pas sans l'avoir quelquefois pratiquée et recommandée (1). b) S'ils l'ont moins pratiquée que ne font les orateurs de la chaire, il y a pour cela les raisons que Théremin indique.

Laissons donc ce premier argument et voyons les au

tres.

2° Les autres genres d'éloquence ne font pas usage de la partition.

Cela n'est pas absolument vrai; mais quand cela serait, on pourrait répondre: a) qu'en général ils ont affaire à des auditeurs plus exercés; b) que le plan est

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(1) Recte habita in causa partitio illustrem et perspicuam totam efficit orationem.... Ex qua conficitur, ut certas animo res teneat auditor, quibus dictis intelligat fore peroratum. » (CICERO, De Inventione. Lib. I, cap. XXII.) Quintilien ne supprime la partition que pour les cas où l'on veut prendre le juge par surprise ou au dépourvu; cette suppression n'est donc pour lui qu'une ruse de guerre. Interim etiam fallendus est judex, ut aliud agi quam quod petimus, putet. Mais ce n'est que l'exception :

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Opportune adhibita, partitio plurimum orationi lucis et gratiæ confert. Neque ⚫ enim solum id efficit, ut clariora fiant quæ dicuntur, rebus velut ex turba extractis ⚫et in conspectu judicum positis; sed reficit quoque audientem certo singularum " partium fine, non aliter quam facientibus iter, multum detrahunt fatigationis notata inscriptis lapidibus spatia. Nam et exhausti laboris nosse mensuram voluptati est, et hortatur ad reliqua fortius exsequenda, scire quantum supersit; nihil enim ⚫ longum videri necesse est, in quo, quid ultimum sit, certum est. » (QUINTILIEN, liv. IV, chap. V.)

le plus souvent commandé par le sujet ; c) que le genre didactique, qui est celui de la chaire, peut avoir des règles à part.

Nous n'insisterons donc pas sur cette seconde raison, qui n'est qu'une présomption.

3° Les preuves doivent être distinctes par ellesmêmes. Les articulations bien marquées suffisent. 4° On leur ôte quelque chose de leur force en les annonçant, à moins que cette annonce ne soit tellement vague qu'elle soit oiseuse. Que servirait d'annoncer qu'on va expliquer un devoir et dire ses motifs, ou exposer une vérité et dire ses conséquences?

5° En soulageant la mémoire, on connive à la paresse de l'esprit.-Ne vaudrait-il pas mieux mettre la division à la fin du discours, à titre de récapitulation? 6° Pour soulager la mémoire, on commence par la charger.

7° Pour la soulager, on est entraîné à faire des divisions symétriques, artificielles, et à préférer l'ordre extérieur à l'ordre intérieur. C'est la symétrie qui enchâsse la division dans la mémoire. Si, au contraire, on ne faisait pas de partition, on serait dans une position qui obligerait à plus d'efforts pour donner au discours de la suite et de la cohésion. Le meilleur soulagement pour la mémoire ne serait-il pas précisément cet ordre et cette cohésion, dans un tel enchaînement, que, le premier anneau soulevé, toute la chaîne est soulevée (1)?

(1) On peut retenir fort bien la division et n'en être pas beaucoup plus avancé. Si le peuple, dit Fénelon, retient mieux la division que le reste, c'est qu'elle

......

8° Ce qui donne lieu de le penser, c'est l'argument même de Hüffell en faveur de la partition. Il parle de la façon étrange dont les sermons sont compris, à la campagne surtout; mais il oublie que ces sermons si mal compris sont des sermons bien et dûment divisés; car on n'en fait pas d'autres.

9° On voudrait se borner à annoncer la division générale du discours (1); mais, dans le point de vue de Hüffell, ce n'est pas assez; il faut diviser aussi chacune des grandes parties. Et c'est en effet ce que demande Ammon (2).

Il me semble qu'en accordant à ces considérations tout ce qu'on peut leur accorder, elles ne vont pas à commander absolument de supprimer la partition. La partition ne saurait suppléer l'ordre intérieur et l'exact enchaînement des parties; mais elle peut, en certains cas, aider à l'effet qu'on attend d'une bonne construction du discours oratoire. Je crois cette pratique moins préjudiciable à l'auditeur directement qu'elle n'est dangereuse à l'orateur lui-même. Je voudrais qu'en la conservant, il fit tout pour pouvoir s'en passer, et que la construction de ses discours la fit juger inutile. Du reste, quant à l'emploi de la partition, qu'on distingue entre les différents sujets et entre les différents auditoires. Et peut-être qu'on attende, pour s'affranchir de cette forme, l'âge de la maturité et de la force.

« a été plus souvent répétée. Généralement parlant, les choses sensibles et de pra⚫tique sont celles qu'il retient le mieux. » (Dialogues sur l'Éloquence, deuxième dialogue.)

(1) Voyez HUFFELL, tome I, p. 296. (2) Voyez le passage cité page 370.

D

Il est sans doute remarquable que, depuis et malgré Fénelon, presque tous les orateurs l'aient conservée.

Quand on fait une partition, je pense qu'il faut la borner à l'énoncé du plan général, rejetant un programme plus détaillé.

Je demanderais que cette partition fût claire et simple dans l'expression. Il peut être utile de présenter sous plusieurs formes successives les articles de la division; mais il y aurait une vraie puérilité à multiplier sans nécessité ces variantes d'une même idée (1).

(1) Voyez la partition du sermon de Bourdaloue sur la Fausse conscience, critiquée par ROQUES, dans le Pasteur évangélique, page 406.

CHAPITRE IV.

DES TRANSITIONS.

De même que la ponctuation, dans le discours écrit, sert à la fois à marquer les intervalles et les rapports des pensées entre elles, les transitions ont deux buts opposés, l'un de distinguer, l'autre de réunir. C'est une sorte de ponctuation en grand.

L'idéal d'un discours bien construit serait le corps humain, où les articulations ne sont qu'une flexion des membres et n'occupent aucune place, moins qu'une charnière ou qu'un gond. Un discours répondrait à son idéal quand les alinéa sortiraient les uns des autres par une vraie nécessité, par le procédé d'une vraie génération, en sorte que chaque paragraphe contînt le germe ou la raison du suivant. La conclusion d'un paragraphe serait l'exorde du paragraphe suivant; mais il n'y aurait rien entre les deux, comme il n'y aurait rien entre les pierres d'un mur taillées de manière à se

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