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ÉVERARD.

Et que Dieu soit juge! (La porte s'ouvre; Élise paraît.)

ÉLISE, jetant un cri.

Ah! (Elle va pour s'élancer vers Éverard, mais frappée d'une pensée subite se tourne du côté de Dellemare.) Mon père!

Son père!

ÉVERARD, laissant tomber son épée.

DELLEMARE.

Le combat n'est qu'interrompu, monsieur, et nous le reprendrons quand vous voudrez.

ÉVERARD, d'une voix brisée.

Non! je m'avoue vaincu. Vous voyez bien que vous êtes le plus fort... avec elle !

SCÈNE VIII.

LES MÊMES, VARADE, entrant le premier, puis LE COMMISSAIRE GÉNÉRAL, PÉRINETTE, PÉRINET, JEAN-FRANÇOIS, TÉMOINS, AMIS, PAYSANS ET ENFANTS.

VARADE, à lui-même.

Je crois que mademoiselle Élise est arrivée une minute trop tôt !... (A Dellemare.) Voici, mon cher, nos amis et nos témoins.

Ses témoins!

ÉVERARD.

VARADE, désignant Éverard au Commissaire général.

M. le maire de Mijoux, qui vient pour procéder au mariage.

ÉVERARD.

Moi! oh! non, c'est impossible! Laissez-moi, laissez-moi me retirer!

LE COMMISSAIRE GÉNÉRAL.

Et pourquoi, monsieur le maire? les formalités d'usage n'ontelles pas été remplies?

DELLEMARE.

Vous aurait-on adressé quelque opposition... valable?

ÉVERARD.

Non... Mais qu'on ne me demande pas, à moi, de sanctionner ce mariage!

LE COMMISSAIRE GÉNÉRAL.

Vous oubliez que vous n'êtes pas ici une personne privée, monsieur le maire. Vous êtes la commune, vous représentez la loi.

ÉVERARD.

C'est vrai, mais, par grâce, ne m'ordonnez pas !...

ÉLISE, se plaçant sur son passage.

Si pourtant je vous priais, moi, monsieur. Je voudrais bien avoir en ce moment un ami près de moi. Ne refusez pas de m'assister, je vous en supplie.

ÉVERARD.

Vous le voulez ! vous le voulez, vous !... Je suis prêt.

LE COMMISSAIRE GÉNÉRAL.

Greffier, lisez le procès-verbal.

JEAN-FRANÇOIS, lisant.

<< Par-devant nous maire de Mijoux, ont comparu : M. CharlesEdmond Varade, fils de Pierre-Charles Varade et de Catherine Berson, décédés; et demoiselle Élise-Marie Dellemare, fille de Jean-Jules Dellemare, présent et consentant, et de Marie de Montières, décédée. Lesquels nous ont requis de procéder à la célébration du mariage projeté entre eux. Et faisant droit à leur réquisition, avons procédé publiquement audit mariage... » (Parlé.) M. le maire, aux termes de la loi, va donner lecture des principaux articles de la loi sur le mariage. (11 remet le volume ouvert à Éverard.)

ÉVERARD, lisant.

« Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance.

« Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari. »

Charle-Edmond Varade, consentez-vous à prendre pour femme Élise-Marie Dellemare?

Oui.

VARADE.

ÉVERARD.

Et vous, Élise-Marie Dellemare, consentez-vous à prendre pour mari Charles-Edmond Varade?

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Soyez sans crainte, mon enfant ! la loi vous garde.

DELLEMARE.

Ab! vous la protégez contre moi, vous !

ÉVERARD.

Non pas moi ! mais la loi !

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE QUATRIÈME.

Carrefour gazonné dans un creux de la montagne. Pour perspective, les deux versants de la vallée, un ruisseau au fond, les hauteurs couvertes de sapins. A droite, au premier plan, parmi les blocs de granit, l'entrée du passage secret; au second plan, chemin en zigzag conduisant au village. A gauche, un autre sentier, qui mène en Suisse, avec une passerelle de bois jetée sur le ruisseau. Il fait nuit. La lune se lève au-dessus de la montagne. Feux de bruyère allumés çà et là. Aspect de la fin d'une fête rustique en plein air. Mais et banderolles au vent.

SCÈNE PREMIÈRE.

LORIOT, JEAN-FRANÇOIS, GÉNÉREUSE, PAYSANS, PAYSANNES, PÉRINET allant et venant à l'écart.

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TOUS, dansant et chantant.

J'avais une maîtresse à Moret,

J'avais une maîtresse,

Parfaite en beauté, liron, ma lirette,
Parfaite en beauté, liron, ma liré.

Me présenta son verre à Moret,
Me présenta son verre,

Pour boire à sa santé, liron, ma lirette,
Pour boire à sa santé, liron, ma liré.

Je pris en main le verre à Moret,
Je pris en main le verre,

Au plancher le jetai, liron, ma lirette,
Au plancher le jetai, liron, ma liré.

GÉNÉREUSE, tombant sur un quartier de roc.

Ouf! un fauteuil! Ah! c'est dommage, mais c'est heureux tout de même que ce soit la fin!

LORIOT.

Généreuse, vous ne m'avez pourtant donné que treize

danses.

JEAN-FRANÇOIS, avec satisfaction.

Et à moi quatorze!

GÉNÉREUSE.

Ne v'là pas moins huit heures d'horloge qu'on s'amuse, c'est exterminant!

JEAN-FRANÇOIS.

Et il faut pourtant que demain nous soyons tous debout avant le lever du soleil.

Pourquoi donc ?

LORIOT.

JEAN-FRANÇOIS.

Eh mais! mademoiselle Élise part au petit jour. Son père l'emmène à Paris. Et qui sait si on la reverra? Depuis hier matin qu'elle a dit non si bravement, on n'a laissé personne l'approcher; il paraît qu'elle est enfermée et comme prisonnière. Eh bien, nous voulons aller tous demain l'attendre au grand carrefour, où sa voiture doit passer... oui tous, petits et grands, les vieux tête nue et les enfants à genoux, afin qu'au moins elle se voie encore une fois saluée et bénie par le village qu'elle a tant aimé.

Oui, oui! · Partons!

TOUS.

GÉNÉREUSE, à Jean-François et à Loriot.

Allons, mes deux cavaliers, votre bras!

JEAN-FRANÇOIS.

Non! pas tous les deux, Généreuse.

LORIOT.

Cette fois, il faut qu'il n'y en ait qu'un qui vous reconduise.

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