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Viennent ensuite, Messieurs, plusieurs chapitres où l'auteur, en communauté d'idées avec les autres mémoires, déplore la circulation des étalons belges, notre cruauté envers les chevaux, notre ignorance pour leur éducation et le peu d'amour que nous avons pour eux. Dans un passage, dont je ne signalerai pas particulièrement la touche fine et spirituelle, car nous la rencontrons partout, l'auteur parle de la répression légale des mauvais traitements en Angleterre, et il nous montre ces mêmes Anglais niquetant leurs chevaux, leur coupant les oreilles. Mais, se hâte-t-il de dire, inculquons l'amour du cheval à nos éleveurs, et il sera toujours plus puissant que les lois que nous pourrions faire.

Après avoir traité les différents modes d'alimentation, l'influence du climat et l'hygiène, l'auteur arrive à la discussion en elle-même de la question qui nous occupe en ce moment.

Entrant dans les plus grands détails sur la race percheronne, il établit que l'arrondissement de Mortagne produit presqu'à lui seul cette espèce de chevaux. Le cheval, dit-il, habite le centre, les juments la circonférence. Les communes de Mont-Doubleau, de Nogent, de la Chapelle, Duteil, produisent les poulains qui doivent plus tard devenir étalons. Dans celles de Saint-Julien, Perrenchères, Coulmier, La Mesnières, Buré, Champeaux, se trouve l'espèce légère qui fera les chevaux de demi-trait.

Le poulain percheron est vendu, de sept à huit mois, 250 à 500 francs; les pouliches, 200 à 400 francs. Sevré brusquement lors des foires où il est vendu, le poulain est élevé moitié en liberté, moitié à l'écurie, avec des trèfles, farineux, ou prés naturels. Ce n'est qu'à

l'âge de quinze mois à deux ans qu'il commence à travailler et à recevoir un peu d'avoine, et non la plus belle. Alors ce frêle animal est chargé du barbare collier qu'un stupide orgueil et l'ignorance se plaisent à grandir encore.

A l'âge de deux ans à trente mois, après avoir procuré bénéfice à son second maître, le jeune cheval s'expatrie, c'est-à-dire qu'il est vendu aux fermiers de la Beauce, qui lui donnent une nourriture plus substantielle et lui font prendre le grain ; puis, à quatre ou cinq ans, on le voit figurer aux foires de Chartres, d'où il s'élance pour tous nos services.

Voilà donc ce cheval, dit l'auteur, arrivé à cinq ans, après avoir connu quatre maîtres et procuré bénéfice à chacun des trois premiers. Ce n'est qu'à son arrivée dans la Beauce, qu'assez maltraité jusqu'alors, il prend le développement et la figure que nous lui connaissons; mais jugez de ce qu'il pourrait devenir si, dès son jeune âge, il recevait une nourriture abondante.

Ce cheval nous prouve, dit l'auteur, que la liberté de la prairie n'est pas absolument nécessaire à son éducation, et qu'il n'a pas non plus besoin du coffre à l'avoine comme les chevaux anglais.

Il vous prouve encore qu'un travail modéré, pendant le jeune âge, n'est pas une cause de ruine, et que c'est à tort qu'on voudrait lui imputer de paralyser à tout jamais les moyens et les facultés du poulain.

Et, dès lors, l'auteur conclut que, sans rien craindre du changement de température et de nourriture, et en considération, au contraire, de notre sol et de ses produits, nous pourrions nous livrer à cette im

portation, et que nous n'aurions qu'à nous féliciter de ses résultats.

C'est, comme vous l'a dit l'auteur de ce savant mémoire, un seul arrondissement, celui de Mortagne, qui produit cet excellent et digne cheval ; et le premier et le meilleur résultat de cette industrie a été de doter ce pays de 40,000 hectares de prairies artificielles et naturelles.

C'est en présence de ce fait qu'appréciant nos progrès croissants à cet égard, l'auteur reproche cependant à l'arrondissement d'Epernay de n'en récolter que 24,000 hectares; à celui de Reims que 20,000; Vitry 46,000; Châlons 13,000, et Sainte-Ménebould seulement 40,000 hectares.

L'arrondissement de Vitry, ajoute-t-il, en le comparant à celui de Mortagne, a produit 1,696 poulains en 1843, et, la même année, le Haut Perche n'en avait produit que 2,404, et pourtant la production fourragère est bien différente. Devant un tel résultat, n'estce point une véritable erreur de produire mal quand on pourrait bien faire?

Examinant ensuite la production chevaline des autres arrondissements, il montre par la statistique, dont il énonce les chiffres, que les uns ne produisent pas assez et que les autres n'élèvent pas en proportion de la récolte de leurs fourrages.

Pour les cultivateurs, qui ne sont pas à même de garder leurs poulains jusqu'à quatre ou cinq ans, favorisez, dit l'auteur, la coutume de les emmener dans les foires encouragez leur achat, et, enfin, régularisez un fait qui se produit sans ordre et sans suite.

Nous rencontrons la mise en pratique du système de déplacement des poulains partout où l'on veut sérieu

sement la production. Vous savez, Messieurs, que maintenant une Société s'est formée pour aider à la transmigration des poulains limousins, et par là éviter la perte totale de cette précieuse race.

Nous le trouvons encore ce système en Angleterre et dans toute l'Allemagne ; nous le trouvons en Belgique et dans la Franche-Comté. Nous le voyons encore en Bretagne, en Normandie, dans le Bigorre, partout enfin.

C'est d'après ces faits, que l'auteur pense vous avoir prouvé que ce qui était un problème il y a cinquante ans, n'en est plus un aujourd'hui, et que la moyenne culture peut se livrer avec fruit à l'élève du cheval.

La Commission, Messieurs, qui a suivi l'auteur dans ses admirables développements, qui s'est associée à chacune de ses pensées, va se trouver encore en complète harmonie avec lui quand il nous dira ce qu'il pense des chevaux fins.

Les Ardennes, vous a-t-il dit déjà, ont renoncé à l'étalon percheron parce qu'il n'avait rien apporté de meilleur que ce qu'elles possédaient. Or, comme votre race est inférieure, vous ferez bien de vous en tenir d'abord au percheron; mais au percheron bien choisi pour amener déjà votre espèce à sa hauteur.

Puis, dit-il, comme vous voulez transformer, si vous avez les fonds nécessaires, recourez aux juments et aux poulains. Ces jeunes élèves, mieux acclimatés, vous donneront de beaux étalons plus tard.

Vous ferez approuver tous vos nouveaux reproducteurs par l'administration des haras, de manière à en obtenir des primes. Vous combattrez l'étalon rouleur par son moyen même, c'est-à-dire en faisant circuler les vôtres, et surtout vous aurez des registres matricu

les qui, en établissant parfaitement votre race et fixant l'origine des produits, doivent établir des relations durables entre les vendeurs et les acheteurs.

Enfin, quand vous aurez amélioré votre espèce, qu'en un mot vous aurez importé chez vous la race percheronne, vous l'améliorerez avec le cheval de demi-sang. Car, rien n'est fatal comme de vouloir marcher trop vite; au lieu d'avancer on reste en arrière ; au surplus, tout vient à point à qui sait attendre, dit un proverbe.

L'auteur du n° 3 est complètement d'accord avec celui du n° 6 pour condamner ces accouplements monstrueux des chevaux de sang, ou de demi-sang, avec les misérables juments qu'on leur présente le plus sou

vent.

Et l'auteur du n° 6 regarde comme une perfidie nouvelle de l'Angleterre de nous avoir suggéré le cheval de pur sang pour régénérer de suite nos races perdues.

Les Arabes tiennent en quelque façon plus de compte de la jument que du cheval parce qu'elle a indirec tement une influence plus grande sur son produit. Au contraire, comme nous n'avons que fort peu de juments d'une origine certaine, nous ne procédons qu'avec la noblesse des étalons, et de là nos fautes et nos erreurs.

Après avoir usé du demi-sang dans notre race améliorée, après l'avoir transformée sans secousses et insensiblement, et avoir produit des chevaux parfaitement harmonisés, nous pourrons introduire le pur sang; mais seulement le pur sang arabe. L'auteur est loin de contester, et il a bien établi, du reste, le prix qu'il attachait au pur sang anglais; mais, dit-il, ce n'est toujours qu'un métis, métis le plus parfait, si

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