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quoi leur en refuserions nous, lorsque nous trouvons qu'ils donnent un charme de plus à la beauté?

Des volontés et des moyens de les satisfaire; c'est ce qui paraît le plus extraordinaire, et ce qui n'est cependant pas douteux.

Examinez la plante qui veut grimper, et que vous croyez dépourvue du sens de la vue; elle saura chercher et découvrir autour d'elle, l'appui dont elle a besoin; mettez cet appui à droite, et la plante s'y dirigera; dérangez-le et mettez-le à l'opposé, elle changera de direction pour le chercher; voyez celles qui aiment le soleil, se tourner sur leurs tiges, pour suivre l'astre dans sa course. Leur goût pour la lumière est si grand, que celles qui dorment habituellement dans les ténèbres, se réveillent et se rouvrent à l'aspect des rayons d'une lumière vive factice; ce qui a fait dire à Delille :

<< De ces crédules fleurs le calice est trompé.»

Remarquez les plantes destinées à s'accrocher contre les murs et contre les arbres, et que la nature a douées de petits crampons, de petits bras ; chose admirable! si leur appui est d'un côté, vous verrez sortir ces bras du côté où ils peuvent se cramponner; mettez l'appui ailleurs, non-seulement elles étendront leurs membres, mais encore il leur en poussera d'autres là où elles n'en auraient pas eu, sans le besoin qui a fait naître en elles le désir ou la volonté de changer de direction.

Vous parlerai-je de ces plantes qui, pour respirer, s'élèvent, contre leur habitude, d'une manière démesurée; de celles qui, plantées où cela ne leur convient pas, devinent, à de grandes distances, la terre, l'eau

qui leur sont salutaires, et poussent pour y arriver, des racines, dans cette direction, souvent à travers des obstacles presqu'insurmontables.

Enfin, observez la plante qui ne peut se passer, pour produire des fruits, du voisinage d'un être de son espèce, mais d'un sexe différent. Voyez le palmier femelle, qui cesse de produire si l'on arrache son époux, fût-il situé à une assez grande distance, mais dont elle pouvait recevoir les caresses par des moyens dont il est difficile de se rendre compte, mais qui existent certainement, puisque sa fécondité en dépend.

Mais si les plantes connaissent l'amour, elles connaissent aussi l'infidélité; dès qu'une variété étrangère d'une espèce se présente, elle trouve de suite à faire des unions, desquelles résultent immédiatement des produits nouveaux, qui alors se multiplient à l'infini. Ainsi, depuis que les roses de l'Inde ou de Bourbon ont été transportées en France, en 1795, elles ont produit des milliers de variétés. On compte plus de cent mille dahlias différents; les camélias, à peine connus, présentent aussi des milliers d'espèces.

Cette observation s'applique non-seulement aux fleurs, mais aussi aux légumes et aux fruits; cultivez des variétés nouvelles, et surtout exotiques, avec les anciennes, vous aurez des produits nouveaux.

J'en ai dit assez, Messieurs, pour vous intéresser vivement à la culture des fleurs, des légumes et des arbres; pour leur rendre leurs droits de naturalisation parmi les êtres sensibles, et leur acquérir, en conséquence, vos sympathies. Dès lors, quel est le barbare qui laissera souffrir une plante sans la secourir?

Est-ce parce qu'elles ne peuvent parler et se plain

dre, qu'on ne leur porterait pas secours? Mais n'ontelles pas des moyens de s'exprimer, très faciles à comprendre? La moindre habitude et la moindre attention vous feront voir qu'une plante souffre, qu'elle vous demande quelque chose, qu'elle se trouve mal où elle est, qu'elle désire votre secours, et je vous assure qu'un véritable horticulteur n'est jamais indifférent à ces expressions.

Nous sommes encore loin, Messieurs, de nos voisins, et surtout des habitants de la Belgique et de l'Allemagne, sous le rapport de la vivacité des goûts et de l'enthousiasme qu'inspirent, chez eux, les nouvelles découvertes de fleurs.

Nous lisons, avec un étonnement qui prouve que nous ne sentons pas comme eux, les détails des fêtes auxquelles donnent lieu leurs expositions; les dépenses qu'ils font pour obtenir des produits nouveaux.

Qui ne connaît la tulipe, nommée la Brasserie, parce qu'elle a été payée de la cession d'un établissement de ce nom.

J'ai parcouru il y a un an la Belgique ; j'ai visité à Liège et surtout à Gand, des établissements d'horticulteurs, qui dépassent en grandeur et en richesse, tout ce que nous pouvons imaginer; tels que ceux de MM. J. Mackoy et Van Houttey.

Dans un intervalle de quelques heures, entre deux visites que j'avais faites à ce dernier, il avait expédié par le chemin de fer d'Anvers, pour 25,000 francs de plantes, de la famille des Orchidées, et il n'y paraissait pas dans sa serre.

Nous comptons aussi en France des horticulteurs zélés et instruits; MM. Soulange à Riz, Chauvière et

les frères Cels à Paris, Salter à Versailles; Whood Rouen, Miélez à Lille, etc., etc., nous offrent des collections admirables.

Les progrès de l'horticulture peuvent donc procurer de véritables richesses comme elles procurent les plus douces jouissances. On doit nous savoir gré de notre persévérance et de nos efforts; ayons la confiance du succès et nous arriverons au but.

Notre récompense sera la reconnaissance de nos concitoyens.

COMPTE RENDU

DES

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ

Pendant l'année 1843,

PAR M. EUG. PERRIER, secrétaire.

MESSIEURS,

Un critique célèbre écrivait dans le siècle dernier : « Il n'y a personne qui ne convienne de l'utilité des » Académies établies en plusieurs villes du royaume, >> et des prix qui y sont distribués; ces Sociétés litté>> raires font couler insensiblement, dans tous les >> membres d'un État, le goût des lettres et des arts; » elles adoucissent les mœurs, dégoûtent des plaisirs >>> frivoles et grossiers, excitent l'émulation parmi les >> gens oisifs, et jettent sur l'ignorance un ridicule >> dont on cherche à se garantir par l'étude. >>

Si déjà, il y a un siècle, on reconnaissait ainsi l'influence des Sociétés libérales, quel bien, Messieurs, ne doivent-elles pas produire dans notre époque de discussion et de progrès! Cela est si bien senti, que tous les jours de nouvelles associations se forment et

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