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exigeante. Elle peut être entreprise par tous les cultivateurs. Deux mois d'une surveillance qui n'est pas sans attraits, suffisent pour convertir la feuille de mûrier en matière précieuse. Une seule chose manquait jusqu'alors à cette industrie pour s'implanter avec succès chez nous, c'était le voisinage d'une filature où l'on put trouver le débouché des cocons. Grâce à votre correspondant, M. de Tillancourt, cet obstacle n'existe plus! La filature qu'il a établie à Paris est aujourd'hui en pleine activité (1).

L'amélioration de l'espèce ovine qui a fait de si grands progrès en France depuis cinquante ans, en même temps qu'elle a contribué à la prospérité de l'agriculture, a donné à l'industrie un grand moyen de développement en lui fournissant des produits qu'elle était obligée auparavant de demander à l'étranger.

Cette augmentation dans la richesse du pays est due à des croisements que l'expérience apprend de jour en jour à faire d'une manière plus intelligente. Pendant long-temps, dans notre département surtout, on s'est attaché seulement à produire de la laine d'une grande finesse; on ne pouvait alors en obtenir qu'aux dépens du poids de la toison et de la force de l'animal. Aujourd'hui, l'industrie qui est arrivée, en perfectionnant ses procédés, à tirer d'une laine moyenne ce qu'elle ne pouvait faire autrefois qu'avec une qualité extrême- « ment fine, ne recherche plus autant celle-ci et ne lui accorde pas un prix assez élevé pour indemniser l'éleveur de ce qu'il perd d'un autre côté. Les proprié

(1) M. le docteur Salle, rapporteur.

taires se sont vus ainsi dans la nécessité d'abandonner les types qu'ils avaient introduits, et d'en chercher d'autres qui pussent donner à leurs élèves une taille et des formes plus avantageuses, et augmenter la quantité de laine, sans en diminuer beaucoup la finesse et la beauté. Nous avons donc intérêt à connaître toutes les combinaisons qui peuvent produire ce double résultat.

M. Malingié, propriétaire à la Charmoise, près Pont-le-Roy, département de Loir-et-Cher, se loue beaucoup du croisement avec la race de Newkent. Il expose, à ce sujet, l'essai qu'il a fait, dans une lettre adressée à M. Joly, membre de la Société d'agriculture de Rethel, dont M. Barrois vous a rendu compte.

La race de Newkent, originaire d'Angleterre, y vit à peu près à l'état sauvage, et M. Malingié a reconnu que, transportée en France, elle ne peut guère y réussir qu'à l'état d'isolement ; mais il a remarqué que la génération qui suit l'importation s'assujettit parfaitement au régime de nos bergeries, que les mâles qui en proviennent, sont éminemment propres au croisement avec nos races indigènes, que ce croisement augmente considérablement la taille des individus qui en résultent, et qu'elle accroit aussi la qualité et surtout la quantité de leurs laines.

La race de Newkent croisée avec la race Flandrine qui lui est égale par la taille et la carrure, a donné à M. Malingié des produits comparables à ce que l'on peut voir de plus beau en Angleterre. La même influence s'est fait sentir sur les brebis métis mérinos, mais à un degré moindre sur les brebis de race de Naz et de Rambouillet. Cette race de. Newkent est naturellement disposée à prendre la graisse de bonne

heure, et elle communiquerait cette qualité aux individus qui résultent du croisement.

A l'égard de l'amélioration de la qualité et de la quantité de la laine, M. Malingié assure avoir obtenu de bêtes mérinos, croisées avec la race Newkent, 4 fr. 50 centimes par tête de plus que les mérinos purs.

Il ne vous appartient pas, Messieurs, de révoquer en doute les assertions de M. Malingié. Si elles sont sanctionnées par l'expérience, il aura rendu à la France un service signalé en y introduisant une race aussi avantageuse.

La question de la libre introduction des bestiaux en France, est un champ sur lequel deux grands intérêts sont aujourd'hui en présence; les agriculteurs lui sont tout-à-fait opposés. Ils prétendent que, même avec la prohibition, leur position est extrêmement difficile et précaire; que l'éducation des bestiaux est une de leur plus grandes ressources, et qu'ils en seraient privés, si le système aujourd'hui en vigueur venait à être changé.

Les représentants de l'industrie objectent qu'elle ne peut vivre que d'échanges, qu'à une de nos pro hibitions les étrangers répondent par une autre prohibition, qu'ainsi, en refusant d'admettre une de leurs denrées, nous nous ôtons la facilité d'en exporter une somme peut-être supérieure des nôtres.

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Il est un troisième intérêt que les deux autres cherchent à s'associer, c'est celui de la consommation intérieure, principalement celles des classes laborieuses. Les uns disent : Nous ne pouvons pas faire venir de blé sans engrais et partant sans bestiaux. Si

l'on nous ôte ces derniers, nos terres deviendront stériles, et le prix du blé augmentera sensiblement. On compromettra ainsi la première subsistance du peuple!

Les autres répondent : Le meilleur aliment, la viande est à un prix inabordable pour le plus grand nombre des habitants de la France. Sa consommation ne dépasse pas chez nous le cinquième du chiffre qu'elle atteint chez nos voisins, car elle s'élève à peine annuellement à 14 kilogrammes par individu.

Avec le systême prohibitif, on prive d'ailleurs la population ouvrière de l'occupation que peut lui donner la vente à l'étranger d'une foule d'objets fabriqués. On met dans la gêne la classe nombreuse des propriétaires de vignes, dont les produits arrêtés par les droits énormes des étrangers ne peuvent plus trouver un écoulement suffisant, et cependant leur intérêt est aussi un intérêt agricole!

Enfin, disent encore les industriels, si l'on ne peut pas produire de la viande en France à aussi bon marché que dans les pays voisins, ne serait-ce pas que leurs méthodes de culture et d'élève sont plus avancées que les nôtres!

Tels sont, d'après le rapport que vous a fait votre collègue, M. Joseph Perrier, les moyens invoqués de part et d'autre dans les différents mémoires que vous avez reçus sur cette question; mémoires au nombre desquels vous citerez celui de votre correspondant, M. le docteur Herpin, de Metz, qui, vous devez le dire, conclut en faveur de la prohibition.

Vous n'avez pas, Messieurs, la prétention de résoudre une question aussi grave et aussi délicate que celle-ci. Vous avez seulement voulu rechercher,

de quel côté notre département devait se ranger dans ce conflit, et il vous a paru évident, comme à votre rapporteur, que la libre introduction des bestiaux favoriserait non seulement les intérêts de son industrie, mais encore ceux de son agriculture. Votre opinion, sur ce point, est aussi celle du Conseil d'arrondissement et de la Chambre de commerce de Reims.

En effet, la plus grande partie de ce département, doit non seulement sa prospérité, mais sa vie à deux grandes industries: la fabrique de Reims et le commerce de vins de Champagne. Or, la consommation intérieure de la France est loin de suffire pour l'écoulement de leurs produits. Il leur faut un cours sur les marchés étrangers, et ce sont les échanges sculs qui peuvent l'ouvrir. Tout ce qui peut être une cause d'exportation intéresse donc non seulement toute la population d'une grande ville manufacturière et de ses environs, l'industrie des vins de Champagne, qui a son siège dans trois arrondissements, et toutes les industries qui s'y rattachent; mais encore les propriétaires de 20,000 hectarés de vignes, et en général l'agriculture du pays, qui doit en grande partie sa richesse où elle est parvenue à son activité commerciale.

Cependant, Messieurs, vous ne feriez pas valoir l'intérêt particulier de ce département, si vous ne le jugiez pas connexe avec celui d'une grande partie de la France, et vous vous abstiendriez de réclamer une modification dans notre système de douanes, si vous pensiez qu'elle pût avoir pour notre agriculture les conséquences que celle-ci appréhende, et ne dût pas accroître au contraire la prospérité générale.

En vous rendant compte d'un mémoire sur les irri

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