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notre influence est nulle, nous perdons notre temps; on nous renverra à nos livres ; ils diront, ou ils penseront de nous : « Il n'entend rien à notre affaire; et puis, que lui importe que nous réussissions ou non? son traitement arrivera toujours à temps et heure. Or, tant que ceux qui s'expriment ainsi ne seront pas convaincus qu'ils ont calomnié, tous les efforts qu'on pourra faire pour les ramener au bien seront évidemment inutiles.

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C'est donc un devoir pour les ministres du culte, dont la plupart sont nés aux champs, dont la plupart y passeront leur vie, de ne point rester étrangers aux travaux des champs. C'est dans cette persuasion que MM. les évêques d'Angers et de Versailles, et beaucoup d'autres encore, ont établi dans leurs grands séminaires des chaires d'agriculture et d'économie rurale. Ils ont pensé qu'enseigner aux peuples l'agriculture, ce serait faciliter l'enseignement de la morale et du dogme, et qu'ainsi tout marcherait de front pour la plus grande gloire de Dieu et le plus grand bien de l'humanité. A l'exemple du Saint Père, qui a recommandé les caisses d'épargne, et qui en a prescrit l'établissement dans ses états, ils ont cru que la misère est mauvaise conseillère, et que si la parole doit être annoncée à tous, elle fructifiera mieux chez ceux qui sont moins tourmentés par les inquiétudes de la vie. C'est dans une semblable pensée que les pieux directeurs de l'institution de Mettray ont été s'établir au milieu des champs; et que M. l'abbé Buchon, chanoine de Bordeaux, continuant l'œuvre que lui avait transmise Me du Puch, évêque d'Alger, vient de consacrer tout son patrimoine à l'acquisition d'un petit domaine, où quarante enfants orphelins sont

élevés, instruits et initiés aux meilleurs pratiques de l'agriculture (1).

Le temps approche, espérons-le, où l'œuvre de saint Vincent de Paul s'établira sur de plus larges bases; où la charité chrétienne, multipliant ses ressources et ses efforts, pourra être chargée d'élever aux champs ces malheureux enfants trouvés pour lesquels il reste encore tant à faire, quoiqu'on ait déjà beaucoup fait. C'est alors que, purifiés par l'éducation et l'instruction qu'ils auront reçues, pourront, sans honte et sans crainte, aller s'asseoir au foyer champêtre, et devenir d'honnêtes ouvriers. C'est par des œuvres semblables que les ministres des autels exerceront une juste et légitime influence dans l'intérêt de la société tout entière.

Messieurs, ma tàche est finie. Si quelques-unes de ces idées pouvaient, en se répandant, produire quelque bien, si elles recevaient votre approbation, je me trouverais heureux de les avoir exprimées.

(1) Rapport de M, le baron Mortemart de Boisse à la Société royale et centrale d'agriculture, 1841.

COMPTE RENDU

DES

TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ

Pendant l'année 1842,

PAR M. EUG. PERRIER, secrétaire.

MESSIEURS,

Depuis bientôt un demi-siècle que cette Société existe, jamais elle n'a manqué à la loi que lui ont faite ses statuts de venir chaque année montrer au pays et les progrès qu'il a accomplis lui-même, et ceux qu'elle a observés en dehors de son sein et qu'elle a jugé qu'il pourrait également réaliser.

C'est qu'elle a bien compris l'intention de ses fondateurs. En instituant cette fête solennelle, comme le corollaire obligé de ses travaux de l'année, ce n'est point une vaine pompe qu'ils ont voulu créer. Ils ont pensé que cette périodicité entretiendrait le zèle de tous les membres de la Compagnie, puisqu'elle servirait à retracer les efforts de chacun d'eux, et qu'elle exciterait aussi l'émulation du pays, dont elle mettrait en relief et tous les perfectionnements et tous les succès.

Et en effet, Messieurs, le progrès en toutes choses ne s'accomplit pas toujours seul et de lui-même. Il a ses lenteurs; il a ses caprices et ses bizarreries. L'intérêt, sans doute, est son meilleur stimulant; son instinct le plus naturel; mais souvent aussi il est sourd à sa voix et ne cède qu'à d'autres excitations. Le progrès, si je puis m'exprimer ainsi, veut quelquefois être courtisé et séduit. Ainsi, il est des ré-sultats que l'amour du gain n'aura pu produire, et qu'obtiendra une simple distinction, ou l'attrait seul d'une honorable publicité.

Vous en avez eu l'expérience dans le cours de vos modestes travaux. L'idée que vous couronniez devenait souvent le germe d'autres idées plus grandes et plus fécondes; et il est peu d'hommes qui aient été l'objet de vos distinctions, et qui n'aient ensuite cherché à y acquérir d'autres titres par de nouveaux travaux et de nouveaux efforts.

Souvent même, et ce compte rendu vous en fournira des exemples, ces hommes sont devenus pour vous des collaborateurs aussi ardents que désin

téressés.

Voilà tout le secret de l'influence des Sociétés académiques. Si ces institutions ont pu produire quelque bien dans le pays, c'est à l'émulation qui s'attache aux enseignements qu'elles offrent, aux concours qu'elles ouvrent, qu'il faut surtout l'attribuer.

On l'a bien compris dans ce département longtemps votre association y a été scule; aujourd'hui d'autres se sont formées autour d'elle. Elle n'est point jalouse, elle est heureuse de cette concurrence féconde qui ne peut créer de rivalités, qui ne doit faire que des sœurs; car le champ à moissonner est

vaste et fertile, et toutes y trouveront leur part. Ainsi chacun de nos arrondissements aura bientôt son Comice agricole et pourra jouir d'un enseignement plus immédiat, et par cette raison, plus approprié à ses besoins.

Ainsi, la Société des bibliophiles et l'Académie de Reims, entretiendront dans cette industrieuse cité le goût des lettres et des arts.

Ainsi la Société d'archéologie, fondée par une heureuse inspiration du chef de ce département, tout en veillant à la conservation de nos monuments, montrera aux populations à lire dans ces grandes pages d'histoire, et leur enseignera à les admirer et à les respecter.

Quant à vous, Messieurs, votre programme est tracé depuis long-temps. L'amélioration de ce pays a été et sera le but constant de vos efforts. Mais, il faut bien le dire, vous ne pouvez rien seuls. Le tribut de temps, de travaux et de dévouement que chacun de vous est toujours disposé à payer serait stérile, si l'État ne vous apportait pas le sien. Plus que jamais, vous avez besoin d'un concours efficace de sa part. L'industrie, l'agriculture demandent tous les jours de nouveaux perfectionnements, et vos ressources ne sont pas suffisantes pour les stimuler. En appelant sur vos travaux la protection de l'Etat, ce n'est pas une faveur que vous sollicitez, ce ne sont pas non plus des sacrifices inutiles que vous lui demandez. Vous en avez la confiance, Messieurs, avec les moyens qu'il continuera de mettre à votre disposition, vous devrez créer assez d'éléments de prospérité pour l'indemniser amplement de ses avances! Pardonnez-moi, Messieurs, la longueur de ces

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