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ment religieux, plusieurs mémoires qui vous étaient parvenus après l'époque de la clôture. Depuis, vous avez appris que l'auteur de l'un de ces mémoires, qui respire à chaque ligne un profond sentiment religieux et un grand amour de l'ordre et du progrès, était un sergent du 12me léger, M. Ourseau, maintenant officier au 75m de ligne.

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Au milieu de vos travaux, la littérature et les beaux< arts vous ont quelquefois, mais toujours trop rarement, procuré de bien agréables distractions.

M. Materne, que vous avez le regret de ne plus voir au milieu de vous, vous a envoyé un mémoire sur la comparaison des poétiques d'Horace et de Boileau. Ces deux grands poètes sont pour lui deux vieux amis dont il connaît à fond les grandes beautés et les rares imperfections. Vous avez retrouvé dans cet écrit de notre collègue, le goût exquis, le jugement sûr et cette diction si simple et si pure, que vous remarquiez dans toutes les lectures qu'il vous a faites pendant son séjour dans notre ville (1).

M. E. Géruzez, professeur d'éloquence française à la Faculté des lettres de Paris, et l'un de vos collè gues, vous a adressé son Cours de littérature. Ce nouvel ouvrage du successeur de M. Villemain, a été accueilli avec le plus vif empressement par la jeunesse de nos écoles; il ne lui sera pas moins utile que ce Cours de philosophie devenu classique aussitôt son apparition, et qui a valu à M. Géruzez de si honorables suffrages (2).

(1) M. Marson, rapporteur.
(2) M. Maupassant, rapporteur.

Le nouveau programme du baccalauréat ès-lettres a élargi le cadre de l'ancienne rhétorique et y a ajouté l'histoire littéraire. M. Géruzez a suivi ce programme, sans pourtant s'y enchaîner. Il a trop de goût pour n'être point resté fidèle aux bonnes traditions; il n'est pas novateur; toutefois il a trouvé le moyen d'être original, ou plutôt d'être lui. Dans ses notices sur les œuvres des grands écrivains anciens et modernes, dans ses préceptes sur le style et jusque dans le choix des exemples, on voit percer cette critique ingénieuse, cette érudition pleine d'esprit et de verve, qui donne tant de charme aux leçons de notre collègue, et que son illustre maître semble lui avoir

transmise.

Vous avez reçu de notre correspondant, M. Perrot, professeur de rhétorique à Phalsbourg, un discours qu'il a prononcé dans une distribution de prix.

M. Perrot a choisi pour sujet l'utilité des études classiques sous le double point de vue moral et intellectuel. La pensée et l'expression de ce travail sont également irréprochables (1).

M. Hippolyte Tampucci vous a fait hommage de deux pièces de vers (2). La première est un dithyrambe dédié à Chrétien, ce courageux enfant de Châlons dont le dévoûment rappela la vie dans le cœur de deux mères en arrachant leurs enfants à la mort. M. Tampucci aime à s'inspirer des belles actions. C'est bien compreudre la plus noble attribution de la

(1) M. Marson, rapporteur. (2) M. Joppé, rapporteur,

poésie. Sa composition offre un grand nombre de beautés; mais pourquoi M. Tampucci s'est-il laissé entraîner dans une déclamation passionnée et irritante, là où il n'y avait qu'un beau trait à retracer? pourquoi le poète n'a-t-il pas voulu être tout simplement sublime comme l'avait été l'ouvrier?

Il y a tout à louer dans la seconde pièce intitulée: Les Deux Mères. Ce n'est plus l'esprit exalté, c'est l'ame qui a dicté ces stances pleines d'une exquise délicatesse; ce sont bien là les accents que sait trouver le poète, quand il veut associer l'ame de ses lecteurs à ses douleurs et à ses joies.

Le nom de M. Povillon-Piérard a une place dans le Compte rendu de vos travaux de chaque année. C'est que nul ne vous apporte plus exactement que lui la part de collaboration que vous réclamez de tous vos correspondants. Si l'archéologie est la véritable spécialité de M. Povillon, il trouve encore quelques moments à donner à des œuvres d'imagination. La lecture d'une épître et d'une fable (1) qu'il vous a adressées, a jeté quelque diversion sur le cadre un peu sérieux de vos séances.

Dans sa note d'envoi, votre collègue vous annonce que l'âge de la retraite a sonné pour lui. Vous éprouveriez un vif regret d'être privés de ses communications; mais vous ne le craignez pas des hommes comme M. Povillon ne quittent l'étude qu'avec la vie.

Vous devez à M. Failly, votre correspondant, un mémoire sur l'image miraculeuse de Notre-Dame-de

(1) M. Joppé, rapporteur.

Grâce (2), que possède l'église de Cambray. Ce tableau, peint à l'huile, est attribué à Saint-Luc, à qui la tradition prête un grand talent dans la peinture L'auteur démontre que ce genre de peinture et le style de cette image ne permettent pas d'adopter cette créance. Il croit qu'elle doit avoir pour auteur soit Antonello de Messine, soit Domenico de Venise, les seuls qui, en Italie, à l'époque où elle a été rapportée de Rome, vers le milieu du quinzième siècle, connussent la peinture à l'huile trouvée par Van-Eyck. Les détails érudits et artistiques dont cette dissertation est remplie donnent un grand intérêt à l'ouvrage de M. Failly.

MEMBRES DÉCÉDÉS.

II y a tous les ans une triste page à placer dans vos mémoires; c'est que tous les ans la mort vous enlève quelques-uns de vos membres. Vos pertes ont été bien grandes cette année. Tout-à-l'heure, votre collègue, M. Prin, vous parlera de M. Gobet et vous retracera cette vie qui réunit tant de différents mérites, et pourtant qui fut si modeste !

Dans cette revue de deuil, il me reste encore une trop large part!

La perte dont je vais d'abord vous entretenir ne s'est pas fait seulement sentir près de vous! Des hommes comme M. le duc de La Rochefoucauld-Doudeauville sont des bienfaits de la Providence, leur mort est une calamité générale.

C'est un beau et heureux nom que celui des La Rochefoucauld! un de ces noms qui semblent

(2) M. Lebrun, rapporteur.

destinés à briller constamment de leur ancien prestige. C'est qu'il y a encore une noblesse qui peut trouver grâce aux yeux de notre époque démocratique; cette noblesse qui se perpétue par la grandeur des sentiments et des actions, et par les services rendus au pays! Sous ce point de vue, la vie entière du duc de Doudeauville a prouvé qu'il était de bien grande maison !

Il jouissait encore d'un autre privilége: il était un de ces hommes rares, devant lesquels tous les partis s'inclinent avec respect. Il a pu traverser bien des vicissitudes politiques, sans que personne lui ait jamais demandé compte de ses affections et de ses sympathies; on voyait bien qu'elles étaient pures de tout alliage d'intrigue et d'ambition, et que dans le cœur où elles résidaient, elles laissaient encore la plus belle place à un autre sentiment: l'amour de la patrie.

Toute sa vie, le duc de Doudeauville resta invariable dans sa foi monarchique; mais jamais il ne lui sacrifia rien de son dévouement aux intérêts et à la grandeur de son pays. Aux deux extrémités de sa carrière, il en donna des preuves. Dans sa jeunesse, un sentiment d'honneur et de dévouement chevaleresque l'avait poussé dans les rangs de l'armée de Condé ; mais à peine avait-il touché le sol français que sa main brisait son épée. Il n'aurait pas pu se décider à y rentrer en ennemi. Quand, sur la fin de ses jours, les bruits de guerre grondèrent un moment, il ne l'appelait pas, lui, au secours de sa cause: ses vœux la repoussaient, et pour aider à chasser l'ennemi, il apportait son or sur l'autel de la patrie!

Personne en France n'a occupé autant de fonctions que le duc de Doudeauville, mais c'était un cumul

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