Page images
PDF
EPUB

pere, qui, quoi que riche, est un avaricieux fieffé, le plus vilain homme du monde. Attendez.Ne me fçaurois-je fouvenir de fon nom? Haye. Aidez-moi un peu. Ne pouvez-vous me nommer quelqu'un de cette ville qui foit connu pour être avare au dernier point?

GERONTE.

Non.

ZERBINETTE.

Il y a à fon nom du ron... ronte. Or... Oronte. Non. Ge...Geronte; oui Geronte juftements voilà mon vilain, je l'ai trouvé, c'est ce ladre-là que je dis. Pour venir à nôtre conte, nos gens ont vouJu aujourd'huy partir de cette ville; & mon amant m'alloit perdre faute d'argent, fi pour en tirer de fon pere, il n'avoit trouvé du fecours dans l'indufrie d'un ferviteur qu'ila. Pour le nom du ferviteur, je le fçais à merveille. Il s'appelle Scapin; c'est un homme incomparable, & il merite toutes les louanges qu'on peut donner. GERONT E.

"

Ah, coquin que tu es !

ZERBINETTE.

Voici le ftratagême dont il s'eft fervy pour at traper fa dupe, Ah, ah, ah, ah. Je ne sçaurois m'en fouvenir, que je ne rie de tout mon cœur, Ah, ah, ah. Il est allé trouver ce chien d'avare, Ah, ah, ah; & lui a dit, qu'en fe promenant fur le port, avec fon fils, hi, hi, ils avoient vû une galere Turque où on les avoit invitez d'entrer. Qu'un jeune Turc leur y avoit donné la collation. Ah.Que randis qu'ils mangeoient, on avoit mis la galere en mer; & que le Turc l'avoit renvoyé luy feul à terre dans un efquif, avec ordre de dire au pere de fon Maître, qu'il emmenoit fon fils en Alger, s'il ne luy envoyoit tout-à-l'heure cinq cens écus, Ah, ah, ah. Voilà mon ladre, mon vilain, dans de furieufes angoiffes; & la tendreffe qu'il a pour fon fils, fait un combat étrange avec fon avarice. Cinq cens écus qu'on luy demande, font juftement cinq cens coups de poignard qu'on luy don ne, Ah, ah, ah. Il ne peut fe refoudre à tirer cette fomme de fes entrailles ; & la peine qu'il fouf

fre,

[ocr errors]

fre, luy fait trouver cent moyens ridicules pour ravoir fon fils, Ah, ah, ah. Il veut envoyer la Juftice en mer aprés la galere du Turc, ah, ah. Il follicite fon valet de s'aller offrir à tenir la place de fon fils, jufqu'à ce qu'il ait amaflé l'argent qu'il n'a pas envie de donner, Ah, ah, ah. Il abandonne,pour faire les cinq cens écus, quatre ou cinq vieux habits, qui n'en valent pas trente, Ah, ah, ah. Le valet lui fait comprendre à tous coups l'impertinence de les propofitions, & chaque reflexion eft douloureufement accompagnée d'un, Mais que diable alloit-il faire à cette galere? Ah maudite galere! Traître de Turc! Enfin aprés plufieurs détours, aprés avoir long-temps gemi & foûpiré.... Mais il me femble que vous ne riez point de mon conte. Qu'en dites-vous ?

GERONT E.

Je dis que le jeune homme eft un pendard, un infolent, qui fera puni par fon pere, du tour qu'il lui a fait. Que l'Egyptienne eft une mal-avifée,une impertinente, de dire des injures à un homme d'honneur qui fçaura luy apprendre à venir ici dé baucher les enfans de famille; Et que le valet eft un fcelerat, qui fera par Geronte envoyé au gibet avant qu'il foit demain.

SCENE IV.

SILVESTRE, ZERBINETTE.

SILVESTRE.

U eft-ce donc que vous vous échappez? Sça

pere de vôtre amant?

ZERBINETTE.

Je viens de m'en douter, & je me fuis adreffée à lui-même fans y penfer, pour luy conter fon hiftoire.

SILVESTRE.

Comment, fon hiftoire?

ZERBINETTE.

Oui, j'étois toute remplie du conte, & je brûlois de le redire. Mais qu'importe? tant-pis pour lui.

Je

Je ne vois pas que les chofes pour nous en puiflen: être ni pis, ni mieux.

SILVESTRE.

Vous aviez grande envie de babiller; & c'eft a. voir bien de la langue, que de ne pouvoir se taire de fes propres affaires.

ZERBINETTE.

N'auroit-il pas appris cela de quelqu'autre?

SCENE V.

ARGANTE, SILVESTRE.

ARGANTE.

SILVESTRE.

Rentrez dans la maison. Voila mon Maître qui m'appelle.

Hola

Ola, Silveftre.

ARGANTE.

Vous vous étes donc accordez, Coquin; vous Vous étes accordez, Scapin, vous, & mon fils, pour me fourber, & vous croyez que je l'endure. SILVESTRE.

Ma foi, Monfieur, fi Scapin vous fourbe, je m'en lave les mains, & vous affûre que je n'y trempe en aucune façon.

ARGANTE.

Nous verrons cette affaire, Pendard, nous verrons cette affaire, & je ne prétens pas qu'on me faffe pafler la plume par le bec.

SCENE VI.

GERONTE, ARGANTE,

SILVESTRE.

GERONTE.

AH

H, Seigneur Argante, vous me voyez acca. blé de difgrace.

ARGANTE.

Vous me voyez auffi dans un accablement hor

rible.

GE.

GERONTE.

Le pendard de Scapin, par une fourberie, m'a attrapé cinq cens écus.

ARGANTE.

Le même pendard de Scapin, par une fourberie auffi, m'a attrappé deux cens piltoles.

GERONTE.

Il ne s'eft pas contenté de m'attraper cinq cens écus, il m'a traitté d'une maniere que j'ay honte de dire. Mais il me la payera.

ARGAN TE.

Je veux qu'il me faffe raifon de la piece qu'il m'a jouée.

GERONTE.

Et je prétens faire de luy une vangeance exemplaire.

SILVESTRE.

Plaife au Ciel, que dans tout cecy je n'aye point ma part!

GERONTE.

Mais ce n'eft pas encor tout, Seigneur Argante, & un malheur nous eft toûjours l'avant-coureur d'un autre. Je me réjouiflois aujourd'huy de l'efperance d'avoir ma fille, dont je faifois toute ma confolation; & je viens d'apprendre de mon homme qu'elle eft partie il y a long-temps de Tarente & qu'on y croit qu'elle a peri dans le vaiffeau où elle s'embarqua.

"

ARGANTE.

Mais pourquoi, s'il vous plaît, la tenir à Tarente, & ne vous être pas donné la joye de l'avoir

avec vous?

GERONTE.

J'ay eu mes raifons pour cela, & des interêts de famille m'ont obligé jufques icy à tenir fort fecret se fecond mariage. Mais que vois-je ?

SCE

SCENE VII.

NERINE, ARGANTE, GERONTE, SILVESTRE.

GERONTE.

[ocr errors]
[ocr errors]

H te voilà, Nourrice.

NERINE fe jettant à fes genoux.
Ah, Seigneur Pandolphe, que...
GERONT E.

Appelle-moi Geronte, & ne te fers plus de ce nom. Les raifons ont ceffé, qui m'avoient obligé à le prendre parmy vous à Tarente.

NERIN E.

Las! que ce changement de nom nous a caufé de troubles & d'inquietudes dans les foins que nous avons pris de vous venir chercher ici?

GERONTE.

Où eft ma fille, & fa mere?
NERINE.

Vôtre fille, Monfieur, n'eft pas loin d'ici. Mais avant que de vous la faire voir, il faut que je vous demande pardon de l'avoir mariée, dans l'aban donnement, où faute de vous rencontrer, je me fuis trouvée avec elle.

GERONTE.

1.

Ma fille mariée!

NERIN E.

Ouï,

GERONTE.

Et avec qui

NERIN E.

Avec un jeune homme nommé O&tave, fils d'un Certain Seigneur Argante.

GERONTE.

:

O Ciel!

ARGANTE.

Quelle rencontre !

GERONTE.

Méne-nous,méne-nous promptement où elle oft

NERINE.
Vous n'avez qu'à entrer dans ce logis.

Monfieur.

?

GE

« PreviousContinue »