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L'EXEM P T.

Ouy, ouy, c'eft dequoi je fuis ravi.
SBRIGAN L

Eh, Monfieur, pour l'amour de moi; vous fçavez que nous fommes amis il y a long-temps ; je vous conjure de ne le point mener en prifon. L'EXEMPT.

Non, il m'eft impoffible.

SBRIGANI.

Vous étes homme d'accommodement, n'y a-t-il pas moyen d'ajufter cela avec quelques piftoles? L'EXEMPT à fes Archers.

Retirez-vous un peu.

SBRIGANI à M. de Pourceaugnac. Il faut luy donner de l'argent pour vous laiffer aller. Faites vîte.

M. DE POURCEAUGNAC.
Ah maudite ville!

SBRIGANI.

Tenez, Monfieur.

L'EXEMP T.

Combien y a-t-il?

SBRIGANI.

Un, deux, trois, quatre, cinq, fix,

huit, neuf, dix.

L'EXEMPT.

Non, mon ordre eft trop exprés.

SBRIGAN I.

sept,

Mon Dieu attendez. A Monfieur de Pourcengnac. Dépêchez, donnez luy-en encore autant. M. DE POURCEAUGNAC.

Mais...

SBRIGANI.

Dépêchez-vous, vous dis-je, & ne perdez point de temps. Vous auriez un grand plaifir,quand vous feriez pendu.

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L'EXEMPT.

Il faut donc que je m'enfuye avec lui, car il n'y

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auroit point ici de fûreté pour moi. Laiffez-le moy conduire, & ne bougez d'ici.

SBRIGANI.

Je vous prie donc d'en avoir un grand foin.

L'EXEMPT.

Je vous promets de ne le point quitter, que je ne l'aye mis en lieu de fûreté.

M. DE POURCEAUGNAC à Strigani. Adieu. Voilà le feul honnête homme que j'aye trouvé en cette ville.

SBRIGAN I.

Ne perdez point de temps; je vous aime tant, que je voudrois que vous fuffiez déja bien loin. Que le Ciel te conduife! Par ma foy, voilà une grande dupe. Mais voici ...

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plains! Que diras-tu ? & de quelle façon pourrastu fupporter cette douleur mortelle ?

ORONTE.

Qu'eft-ce? quel malheur me prefages-tu ?

SBRIGANI

Ah, Monfieur, ce perfide de Limofin, ce traître de Monfieur de Pourceaugnac, vous enleve vôtre Fille.

- I

ORONT E.

Il m'enleve ma Fille?

SBRIGANI.

Ouy; elle en eft devenue fi folle, qu'elle vous quitte pour le fuivre ; & l'on dit qu'il a un caractere pour fe faire aimer de toutes les femmes.

ORONT E.

Allons vîte à la Juftice. Des Archers aprés eux.

Tom. III.

Rrr

SCE

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SCENE VII.

ERASTE, JULIE, SBRIGANI, ORONTE.

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ERAST E.

Lions, vous viendrez malgré vous, & je veux vous remettre entre les mains de vôtre Pere. Tenez, Monfieur, voila vôtre Fille que j'ay tirée de force d'entre les mains de l'homme avec qui elle s'enfuyoit; non pas pour l'amour d'elle, mais pour votre feule confideration: car aprés l'action qu'elle a faite, je dois la méprifer, & me guerir abfolument de l'amour que j'avois pour elle.

ORONTE.) 2

Ah infame que tu es!

ERAST E.

Comment? me traiter de la forte aprés toutes les marques d'amitié que je vous ay données! Je ne vous blâme point de vous être foûmife aux volontez de Monfieur votre Pere; il eft fage & judicieux dans les chofes qu'il fait, & je ne me plains point de luy de m'avoir rejetté pour un autre. S'il a manqué à la parole qu'il m'avoit donnée, il a fes raifons pour cela. On lui a fait croire que cet autre eft plus riche que moi de quatre ou cinq mille écus; & quatre ou cinq mille écus eft un denier confiderable, & qui vaut bien la peine qu'un homme manque à la parole: Mais oublier en un moment toute l'ardeur que je vous ay montrée, vous laiffer d'abord enflâmer d'amour pour un nouveau venu, & le fuivre honteufement fans le confentement de Monfieur vôtre Pere, après les crimes qu'on lui impute, c'est une chofe condamnée de tout le monde, & dont mon cœur ne peut vous faire d'affez fanglans reproches.

JULIE..

Hé bien ouy, j'ay conceu de l'amour pour lui, & je Pay voulu fuivre, puifque mon Pere me l'avoit choifi pour époux. Quoi que vous me difiez, c'est un fort honnête homme; & tous les crimes dont on l'accufe, font fauffetez épouvantables.

ORON

ORONT E.

Taifez-vous, vous étes une impertinente, & je ay mieux que vous ce qui en eft.

JULIE

Ce font fans doute des pieces qu'on lui fait, & eft peut être lui qui a trouvé cet artifice pour vous Idegoûter.

ERAST E.

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Taifez-vous, vous dis-je; vous étes une fotte.
ERASTE.

Non, non, ne vous imaginez pas que j'aye aune envie de detourner ce mariage, & que ce foit a paffion qui m'ait forcé à courir aprés vous. Je us l'ay deja dit, ce n'eft que la feule confideration ie j'ay pour Monfieur votre Pere, & je n'ay pů uffrir qu'un honnête homme comme luy fût exofé à la honte de tous les bruits qui pourroient fuie une action comme la vôtre

!

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Adieu, Monfieur, j'avois toutes les ardeurs du sonde d'entrer dans votre alliance; j'ay fait tout ce ue j'ay pu pour obtenir un tel honneur, mais j'ay é malheureux, & vous ne m'avez pas jugé digne de ette grace. Cela n'empefchera pas que je ne conferepour vous les fentimens d'eftime & de veneration ù vôtre perfonne m'oblige; & fi je n'ay pû être vôs re gendre au moins feray-je éternellement vôtre

erviteuf.

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ORONT E.

Arrêtez, Seigneur Erafte, vôtre procedé me tou“ he l'ame, & je vous donne ma Fille en mariage.

JULIE.

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Je ne veux point d'autre mari que Monfieur de Pourceaugnac.

ORONTE.

Et je veux moi, tout à l'heure, que tu prennes le Seigneur Erafte, çà, la main.

Rrr 2

JU

JULIE.

Non, je n'en ferai rien.

ORONT E.

Je te donnerai fur les oreilles.

ERASTE.

Non, non, Monfieur, ne lui faites point de violence, je vous en prie.

ORONT E.

C'eft à elle à m'obeïr, & je fçay me montrer le Maître.

ERAST E.

Ne voyez-vous pas l'amour qu'elle a pour cet homme-la? & voulez-vous que je poffede un corps, dont un autre poffede le cœur ?

ORONTE.

C'est un fortilege qu'il luy a donné, & vous verrez qu'elle changera de fentiment avant qu'il foir peu. Donnez-moy vôtre main. Allons.

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JULIE.

15 ORONT E.

Ah que de bruit ! ça, vôtre main, vous dis-je. Ah, ah, ah,

.

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ERAST E.

Ne croyez pas que ce foit pour l'amour de vous que je vous donne la main; ce n'eft que Monfieur vôtre Pere dont je fuis amoureux, & c'eft lui que j'époule.

ORONT E.

Je vous fuis beaucoup obligé, & j'augmente de dix mille écus le mariage de ma Fille. Allons, qu'es faffe venir le Notaire pour dreffer le contract.

ERAST E.

En attendant qu'il vienne, nous pouvons jour du divertiffement de la faifon, & faire entrer les mafques que le bruit des nopces de M. de Pourceaugnac a attirez ici de tous les endroits de la ville.

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