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NERIN E.

Par ma foi, voilà vôtre Pere.

JULIE.

Ah! féparons-nous vite.

NERIN E.

Non, non, non, ne bougez, je m'étois trompée.
JULIE.

Mon Dieu, Nerine, que tu és fotte, de nous don ner de ces frayeurs!

ERAST E.

Oui, belle Julie, nous avons dreffé pour cela quantité de machines, & nous ne feignons point de mettre tout en ufage, fur la permiffion que vous m'avez donnée. Ne nous demandez point tous les refforts que nous ferons jouer, vous en aurez le.divertiffement; & comme aux Comédies, il est bon de vous laiffer le plaifir de la furprife, & de ne vous avertir point de tout ce qu'on vous fera voir, c'est affez de vous dire que nous avons en main divers ftratagémes tout prêts à produire dans l'occafion, & que l'ingenieufe Nérine & l'adroit Sbrigani entreprennent l'affaire.

NERINE.

Affûrément. Votre Pere fe moque-t-il, de vouloir vous anger de fon Avocat de Limoges, Monfieur de Pourceaugnac, qu'il n'a vû de fa vie, & qui vient par le coche vous enlever à notre barbe? Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus, fur la parole de vôtre Oncle, luy 'faffent rejetter un Amant qui vous agrée? & une perfonne comme vous, eft-elle faite pour un Limofin? S'il a envie de fe marier, que ne prend-il une Limofine, & ne laiffe-t-il en repos les Chrêtiens? Le feul nom de Monfieur de Pourceauguac m'a mis dans une colére effroyable. J'enrage de Monfieur de Pourceaugnac. Quand il n'y auroit que ce nom là, Monfieur de Pourceaugnac, j'y brûleray mes livres, ou je rompray ce mariage, & vous ne ferez point Madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac ! cela fe peut-il fouffrit? Non, Pourceaugnac eft une chofe que je ne fçaurois fupporter, & nous lui jouerons tant de pièces, nous lui ferons tant de niches fur niches, que nous renvoyerons à Limoges Monfieur de Pourceaugnac.

ERA

ERAST E.

Voici nôtre fubtil Napolitain, qui nous dira des uvelles.

SCENE II.

SBRIGANI, JULIE, ERASTE, NERINE..

SBRIGANI.

Onfieur, vôtre homme arrive, je l'ai và à trois lieues d'ici, où a couché le coche; & dans cuifine où il eft defcendu pour déjeûner, je l'ay udié une bonne groffe demi-heure, & je le fçay ja par cœur. Pour fa figure, je ne veux point vous parler, vous verrez de quel air la nature l'a deffi, & fi l'ajustement qui l'accompagne y répond mme il faut : mais pour fon Efprit, je vous avertis ir avance qu'il eft des plus épais qui fe faflent; que ous trouvons en lui une matière tout-à-fait difpo e pour ce que nous voulons, & qu'il eft homime nfin à donner dans tous les panneaux qu'on lui réfentera.

ERAST E.

Nous dis-tu vrai?

SBRIGANI Ouy, fi je me connois en gens.

NERIN E.

Madame, voilà un Illuftre, vôtre affaire ne pouvoit être mise en de meilleures mains, & c'eft le Hé-. ros de nôtre fiécle pour les exploits dont il s'agit. Un homme qui vingt fois en fa vie, pour fervir fes amis, a généreufement affronté les Galéres ; qui au péril de fes bras & de fes épaules, fçait mettre noblement à fin les avantures les plus difficiles, & qui tel que vous le voyez, eft exilé de fon Païs pour je ne fçay combien d'actions honorables qu'il a généreufement entreprises.

SBRIGANI.

Je fuis confus des louanges dont vous m'honorez, & je pourrois vous en donner avec plus de juftice fur les merveilles de vôtre vie; & principalement fur la gloire que vous acquites, lors qu'avec tant d'honnêteté vous pipâtes au jeu, pour douze

mille écus, ce jeune Seigneur étranger que l'on mena chez vous; lorfque vous fites galamment ce faux contract qui ruïna toute une famille; lors qu'avec tant de grandeur d'ame vous fçutes nier le dépôt qu'on vous avoit confié; & que fi généreusement on vous vit prêter vôtre témoignage à faire pendre ces deux perfonnes qui ne l'avoient pas mérité.

NERIN E.

Ce font petites bagatelles qui ne valent pas qu'on en parle, & vos éloges me font rougir,

SBRIGA NI.

Je veux bien épargner vôtre modeftie, laiffons cela; & pour commencer nôtre affaire, allons vite joindre nôtre Provincial, tandis que de vôtre côté vous nous tiendrez prêts au befoin les autres Acteurs de la Comédie.

ERAST E.

: Au moins, Madame, fouvenez-vous de vôtre rôle; & pour mieux couvrir nôtre jeu, feignez,comine on vous a dit, d'être la plus contente du mon. de des réfolutions de vôtre Pere...

à

JULIE.

S'il ne tient qu'à cela, les chofes iront à merveille. FRAST E.

Mais, belle Julie, fi toutes nos Machines venoient ne pas réüffir?

JULIE.

Je déclarerai à mon Pere mes véritables fenti

mens.

ERAST E.

Et fi contre vos fentimens il s'obtinoit à fon deffein ?

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JULIE.

Je le menaçerois de me jetter dans un Couvent.

ERAST E.

Mais fi malgré tout cela il vouloit vous forcer à ce mariage?

JULIE.

Que voulez.vous que je vous dife?

ERAST E.

Ce que je veux que vous me difiez ?
JULIE.

Ouy.

ER A

ERAST E.

JULIE. 120

Ce qu'on dit quand on aime bien.

Mais quoi ?

ERASTE?

Que rien ne pourra vous contraindre, & que malé tous les efforts d'un Pere, vous me promettez ètre à moi.

JULIE.

Mon Dicu, Erafte, contentez-vous de ce que je s maintenant, & n'allez point tenter fur l'avenir refolutions de mon coeur ne fatiguez point on devoir par les propofitions d'une fâcheufe exmité, dont peut-être n'aurons-nous pas befoin;/& y faut venir, fouffrez au moins que j'y fois eninée par la fuite des chofes.

Eh bien....

ERAST E.

SBRIGAN I.

Ma foi, voici notre homme, fongcons à nous.

NERINE.

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4. DE POURCEAUGNAC, fe tourne du côté d'où il vient, comme parlant à des gens qui le fuivent.

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E' bien, quoy? qu'eft-ce? qu'y a-t-il ? Au diantre foit la fotte Ville, & les fottes gens qui y ont: ne pouvoir faire un pas fans trouver des niauds qui vous regardent, & fe mettent àrire! Eh, heffieurs les Badauts, faites vos affaires, & laiffez affer les perfonnes fans leur rire au nez. Je me donle au diables fije ne baille un coup de poing au prenier que je verrai rire.,

SBRIGANI."

Qu'eft-ce que c'eft, Meffieurs? que veut dire cela? à qui en avez-vous? faut-il fe moquer ainfi des honnêtes étrangers qui arrivent ici?

M. DE POURCEAUGNAC.

Voilà un homme raisonnable celui-là.

Tom. III.

PPP

SBRI

SBRIGANI.

Quel procedé eft-le vôtre? & qu'avez-vous à rire?
M. DE POURCEAUGNAC.

Fort bien.

SBRIGA NI.

Monfieur a-t-il quelque chofe de ridicule en foi?
M. DE POURCEAUGNAC.

Quy.

SBRIGAN I.

Eft-il autrement que les autres ?

M. DE POURCEAUGNAC.

Suis-je tortu, ou boflu?

SBRIGANI.

Apprenez à connoître les gens.

M. DE POURCEAUGNAC.

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SBRIGANI.
Monfieur eft d'une mine à refpe&ter.
M. DE POURCEAUGNAC.

Cela cft vrai.

SBRIGANI.

Perfonne de condition.

M. DE POURCEAUGNAC.

Ouy, Gentilhomme Limofia.

SBRIGANI.

Homme d'efprit.

M. DE POURCEAUGNAC.

Qui a étudié en Droit,

SBRIGAN L

11 vous fait trop d'honneur, de venir dans vôtre

ville.

M. DE POURCEAUGNA C.

Sans doute.

SBRIGANI.
Monfieur n'eft point une perfonne à faire rire.
M. DE POURCEAUGNAC.

Affurément.

1

SBRIGANI.
Et quiconque rira de lui aura affaire à moi.
M. DE POURCEAUGNAC,
Monfieur, je vous fuis infiniment obligé.
SBRIGANI.

Je fuis fâché, Monfieur, de voir recevoir de la

forte

D

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