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étes, & luy faire entendre ce que vous dites? Vous verrez qu'il vous répondra, & il parle Turc à mexveille. Hola, où diantre eft-il allé? Cl. Strof, firif. firof, ftraf. Monfieur est un grande Segnore,gram- 1 Doy de Segnore, grande Segnore; & Madame une grande y Dama, granda Dama. Ahi Monfieur, luy Mama-as moucht François, & Madame Mamamonchie Fran- gr çoite. Je ne puis pas parler plus clairement. Bon, voici l'interprete. Où allez-vous donc? Nous ne fçaurions rien dire fans vous. Dites-luy un peu que Montieur & Madame font des perfonnes de grande qualité, qui luy viennent faire la reverence, comme mes amis, & l'affurer de leurs fervices. Vous allez voir comme il va répondre.

COVIELLE.

Alabala crociam acciboram alabamen.

CLEON TE.

Catalequi tubal ourin fotor amalouchan.
M. JOURDAIN.

Voyez-vous ?

COVIELLE.

Il dit que la pluye des profperitez arrose en tour temps le jardin de vôtre famille.

M. JOURDAIN.

Je vous l'avois bien dit, qu'il parle Turc.

DORANTE.

Cela eft admirable.

SCENE V.

LUCILE, MONSIEUR JOURDAIN,DORANTE,
DORIMENE, &c.

M. JOURDAIN.

Enez, ma Fille, approchez-vous, & venez donner votre main à Monfieur, qui vous fait l'hon-C neur de vous demander en mariage.

LUCIL E.

Comment, mon Pere, comme vous voilà fait! Eft-ce une Comedie que vous jouez?

M. JOURDAIN.

Non, non, ce n'eft pas une Comedie, c'est une affaire foit ferieufe, & la plus pleine d'honneur pour

ous qui fe peut fouhaiter. Voilà le mary que je vous

onne.

LUCILE.

A moy, mon Pere!

M. JOURDAIN.

Oui à vous; allons, touchez-luy dans la main, & endez grace au Ciel de vôtre bonheur.

LUCIL E.

Je ne veux point me marier.

M. JOURDAIN.

Je le veux moy, qui fuis votre Pere.

LUCIL E.

Je n'en feray rien.

M. JOURDAIN.

Ah que de bruit. Allons, vous dis-je, ça vôtre main.

LUCIL E.

Non; mon Pere, je vous l'ay dit, il n'eft point de pouvoir qui me puiffe obliger à prendre un autre mary que Cleonte, & je me refoudray pûtôt à toutes les extrémitez, que de... reconnoiffant Cléonte. Il eft vray que vous étes mon Pere, je vous dois entiere obeïffance ; & c'est à vous à difpofer de moy selon vos volontez.

M. JOURDAIN.

Ah je fuis ravi de vous voir fi promptement revenue dans vôtre devoir; & voila qui ine plaît, d'avoir une Fille obeïffante.

SCENE DERNIERE.

MADAME JOURDAIN, MONSIEUR JOURDAIN, CLEONTE, &c.

Me. JOURDAIN. Comment donc, qu'est-ce que c'est que ceci? On dit que vous voulez donner vôtre Fille en mariage à un Carême-prenant?

M. JOURDAIN.

Voulez-vous vous taire, impertinente? Vous venez toûjours mêler vos extravagances à toutes chofes, & il n'y a pas moyen de vous apprendre à être raifonnable.

0.00 3

Me

Me. JOURDAIN.

C'est vous qu'il n'y a pas moyen de rendre fage, & vous allez de folie en folie. Quel eft vôtre dessein, & que voulez-vous faire avec cet affemblage? M. JOURDAIN.

Je veux marier nôtre Fille avec le Fils du grand

Turc.

Me. JOURDAIN.

Avec le Fils du grand Turc!

M. JOURDAIN.

Oui, faites-luy faire vos complimens par le Truchement que voilà.

Me. JOURDAIN.

Je n'ay que faire du Truchement, & je luy diray bien moy-même à fon nez, qu'il n'aura point ma Fille.

M. JOURDAIN.

Voulez-vous vous taire, encore une fois ?

DORANTE.

Comment, Madame Jourdain, vous vous oppofez à un bonheur comme celuy-là? Vous refusez Son Alteffe Turque pour Gendre?

Me. JOURDAIN.

Mon Dieu, Monfieur, mêlez-vous de vos affaires.
DORIMENE.

C'eft une grande gloire, qui n'eft pas à rejetter.
Me. JOURDAIN.

Madame, je vous prie auffi de ne vous point embaraffer de ce qui ne vous touche pas.

DORAN TE.

C'est l'amitié que nous avons pour vous, qui nous fait intereffer dans vos avantages.

Me. JOURDAIN.

Je me pafferay bien de vôtre amitié.

DORANTE.

Voilà vôtre Fille, qui confent aux volontez de fon Pere.

Me. JOURDAIN.

Ma Fille confent à époufer un Turc?

Sans doute.

DORANT E.

Me. JOURDAIN.

Elle peut oublier Cleonte?

DO

DORANTE.

Que ne fait on pas pour être grand' Dame?
Me. JOURDAIN.

Je l'étranglerois de mes mains, fi elle avoit fait un coup comme celuy-là.

M. JOURDAIN.

Voilà bien du caquer, Je vous dis que ce mariage là fe fera.

Me. JOURDAIN.

Je vous dis, moy, qu'il ne fe fera point.
M. JOURDAIN.

Ah que de bruit.

Ma Mere.

LUCILE.

Me. JOURDAIN.

Allez, vous étes une coquine.

M. JOURDAIN.

Quoy, vous la querellez, de ce qu'elle m'obéit? Me. JOURDAIN.

Oui, elle eft à moy, auffi-bien qu'à vous.

Madame.

COVIELLE.

Me. JOURDAIN.

Que me voulez-vous conter, vous

Un mot.

COVIEL LE.

Me. JOURDAIN.

Je n'ay que faire de vôtre mot.

COVIELLE, à Monfieur Jourdain. Monfieur, fi elle veut écouter une parole en particulier, je vous promets de la faire confentit à ce que vous voulez.

Me. JOURDAIN.

Je n'y confentiray point.

COVIELLE

Ecoutez-moy feulement.

Non.

Me. JOURDAIN.

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M. JOURDAIN.

Il vous dira...

Me. JOURDAIN.

Je ne veux point qu'il me dife rien.
M. JOURDAIN.

Voilà une grande obftination de femme ! Cela vous fera-t-il mal de l'entendre?

COVIEL LE.

Ne faites que m'écouter, vous ferez aprés ce qu'il vous plaira.

Hé bien,

Me. JOURDAIN.

quoy?

COVIELLE, à part.

Il y a une heure, Madame, que nous vous faisons figne. Ne voyez-vous pas bien que tout ceci n'eft fait que pour nous ajufter aux vifions de vôtre mary, que nous l'abufons fous ce déguifement, & que c'eft Cleonte luy-même qui eft le Fils du grand Turc?

Ah, ah.

Me. JOURDAIN.

COVIELLE.

Et moy, Covielle, qui fuis le Truchement.
Me. JOURDAIN.

Ah comme cela, je me rens.

COVIELLE.

Ne faites pas femblant de rien.

Me. JOURDAIN.

Oui, voilà qui eft fait, je confens au mariage.
M. JOURDAIN.

Ah voilà tout le monde raisonnable. Vous ne vouliez pas l'écouter. Je fçavois bien qu'il vous expliqueroit ce que c'eft que le Fils du grand Turc.

Me. JOURDAIN.

Il me l'a expliqué comme il faut, j'en fuis fatisfaite. Envoyons querir un Notaire.

DORANT E.

C'eft fort bien dit. Et afin, Madame Jourdain, que vous puiffiez avoir l'efprit tout-à-fait content,& que vous perdiez aujourd'huy toute la jaloufie que vous pourriez avoir conceuë de Monfieur vôtre mary, c'eft que nous nous fervirons du même Notaire pour nous marier Madame, & moy.

Me.

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