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Et ce n'eft pas pécher, que pécher en filence.
ELMIR E.

Aprés avoir encore touffé. Enfin je voi qu'il faut fe refoudre à ceder, Qu'il faut que je confente à vous tout accorder, Et qu'à moins de cela, je ne dois point prétendre Qu'on puiffe étre content & qu'on veuille fe rendre, Sans doute, il eft fâcheux d'en venir jufques-là, Et c'eft bien malgre moi, que je franchis cela : Mais puis que l'on s'obstine à m'y vouloir réduire, Puis qu'on ne veut point croire à tout ce qu'on peut dire,

Et qu'on veut des témoins qui foient plus convain quans,

Il faut bien s'y refoudre, & contenter les gens.
Si ce confentement porte en foy quelque offence,
Tant pis pour qui me force à cette violence
Lafaute affürément n'en doit pas être à moi.

TARTUFF E.

از

Oui, Madame, on s'en charge, & la chofe de for...

ELMIR E.

Ouvrez un peu la porte, & voyez, je vous prie, Simon mari n'eft point dans cette Galerie.

TARTUFFE.

Qu'eft-il befoin pour lui, du foin que vous prenez?
C'eft un homme, entre nous, à mener par le nez.,
De tous nos entretiens, il eft pour faire gloire,
Et je l'ay mis au point de voir tout, fans rien croire.
ELMIR F.

Il n'importe, fortez, je vous prie un moment,
Et par tout, là-dehors, voyez exactement.

SCENE VI.

ORGON, ELMIRE.

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ORGON, fortant de dessous la table. Voilà, je vous l'avoue, un abominable homme! Je n'en puis revenir, & tout ceci m'affomme.

ELMIR E.

Quoi! vous fortez fi-tôt ? Vous vous moquez des

gens

Rentrez fous le Tapis, il n'eft pas encor temps;

>

Ate

Attendez jufqu'au bout, pour voir les chofes fûres, Et ne vous fiez point aux fimples conjectures. ORGON.

Non, rien de plus méchant n'eft forti de l'enfer. ELMIRE.

Mon Dieu, l'on ne doit point croire trop de leger; Laiffez-vous bien convaincre, avant que de vous rendre,

Et ne vous hâtez point, de peur de vous méprendre. Elle fait mettre fon Mari derriére elle.

SCENE VII.

TARTUFFE, ELMIRE, ORGON.

TARTUFF E.

Tout confpire, Madame, à mon contentement. J'ay vifité, de l'oeil, tout cet appartement, Perfonne ne s'y trouve, & mon ame ravie...

ORGON, en l'arrêtant.

Tout doux, vous fuivez trop vôtre amoureuse envie,

Et vous ne devez pas vous tant paffionner.

Ah, ah, l'homme de bien, vous m'en vouliez don.

ner!

Comme aux tentations s'abandonne vôtre ame!
Vous époufiez ma fille, & convoitiez ma femme!
J'ay douté fort long-temps, que ce fut tout de bon,
Et je croyois toûjours qu'on changeroit de ton:
Mais c'eft affez avant pouffer le témoignage,
Je m'y tiens, & n'en veux pour moi pas davantage.
ELMIRE à Tartuffe.

C'eft contre mon humeur, que j'ay fait tout ceci,
Mais on m'a mife au point de vous traiter ainfi.

TARTUFFE

Quoi! vous croyez...

ORGON.

Allons, point de bruit, je vous prie.

Dénichons de céans, & fans cérémonie.
TARTUFFE

Mon deffein...

OR

ORGON.

Ces difcours ne font plus de faifon

Il faut, tout fur le champ, fortir de la maison.

TARTUFFE.

C'eft à vous d'en fortir, vous qui parlez en Maître.
La maison m'apartient, je le ferai connoître,
Et vous montreray bien qu'en vain on a recours,
Pour me chercher quérelle, à ces lâches détours,
Qu'on n'eft pas où l'on penfe, en me faisant injure ;
Que j'ay dequoy confondre, & punir l'Imposture,
Vanger le Ciel qu'on bleffe, & faire repentir
Ceux qui parlent ici de me faire fortir.

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ELMIR E.

QUel eft donc ce langage, & qu'est-ce qu'il veur

dire?

ORGON.

Ma foi, je fuis confus, & n'ay pas lieu de rire.

Comment ?

ELMIR E..

ORGON.

Je voi ma faute, aux chofes qu'il me dit,

Et la donation m'embarraffe l'efprit.

La donation...

EL MIRE.

ORGON.

Oui, c'est une affaire faite ;

Mais j'ay quelqu'autre chofe encor qui m'inquiéte.

Et quoi?

ELMIR E.

ORGON.

Vous fçaurez tout. Mais voyons au plûtôt,

Si certaine caflette eft encore là-haut.

Fin du Quatriéme Alte,

ACTE

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Il me femble

Que l'on doit commencer par confulter enfemble,
Les chofes qu'on peut faire en cet événement,
ORGON.

Cette caffette-là me trouble entiérement,
Plus que le reste encor, elle me défefpére.

CLEANTE.

Cette caffette eft donc un important mystére?

ORGON.

C'eft un dépôt qu'Argas, cet amy que je plains,
Luy-même, en grand fecret,m'a mis entre les mains,
Four cela, dans fa fuitte, il me voulut élire;
Et ce font des papiers, à ce qu'il m'a pû dire,
Où fa vie, & fes biens, fe trouvent attachez.
CLEANT E.

Pourquoi donc les avoir en d'autres mains lâchez!
ORGON.

Ce fut par un motif de cas de conscience.
T'allai droit à mon traître en faire confidence,
Et fon raifonnement me vint perfuader
De lui donner plûtôt la caffette à garder;
Afin que pour nier, en cas de quelque enquête,
J'euffe d'un faux fuyant, la faveur toute prête,
Par où ma confcience eût pleine fûreté

A faire des fermens contre la vérité.

CLEANTE.

Vous voilà mal, au moins, fi j'en crois l'apparence, Et la donation, & cetre confidence,

Sont,

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Sont, à vous en parler felon mon fentiment,
Des démarches, par vous, faites legérement.
On peut vous mener loin avec de pareils gages,
Et cet homme, fur vous, ayant ces avantages,
Le pouffer eft encor grande imprudence à vous,
Et vous deviez chercher quelque biais plus doux.
ORGON.

Quoi! fous un beau femblant de ferveur fi touchan

te,

Cacher un cœur fi double, une ame fi méchante ?
Et moi qui l'ay reçu gueufant, & n'ayant rien...
C'en eft fait, je renonce à tous les gens de bien.
J'en aurai deformais une horreur effroyable,
Et m'en vais devenir, pour eux, pire qu'un diable.
CLEANTE.

Hé bien, ne voilà pas de vos emportemens!
Vous ne gardez en rien les doux temperamens.
Dans la droite raison, jamais n'entre la vôtre;
Et toûjours, d'un excés, vous vous jettez dans l'au-

tre.

Yous voyez vôtre erreur, & vous avez connu,
Que par un zele feint vous étiez prévenu:
Mais pour vous corriger, quelle raifon demande
Que vous alliez pafler dans une erreur plus grande,
Et qu'avecque le cœur d'un perfide Vaurien.
Vous confondiez les coeurs de tous les gens de bien?
Quoi! parce qu'un fripon vous dupe avec audace;
Sous le pompeux éclat d'une auftére grimace,
Vous voulez que par tout on foit fait comine luy,
Et qu'aucun vrai dévot ne le trouve aujourd'huy?
Laiffez aux Libertins ces fottes confequences,
Démêlez la vertu d'avec fes apparences,
Ne hazardez jamais vôtre eftime trop tôt,
Et foyez pour cela dans le milieu qu'il faut.

Gardez-vous, s'il fe peut, d'honorer l'Impofture,
Mais au vray zele auffi n'allez pas faire injure;

Et s'il vous faut tomber dans une extremité,

Péchez plûtôt encor de cet autre côté.

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