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ORGON.

Mais je veux que cela foit une verité;
Et c'eft affez pour vous, que je l'aye arrêté.
MARIA NE.

Quoi vous voulez, mon Pere...

ORGON.

173

Oui, je prétens, ma Fille,

Unir, par votre hymen, Tartuffe à ma famille.
Il fera vôtre époux, j'ay refolu cela;

Et comme fur vos vœux je...

SCENE

II.

DORINE, ORGON, MARIANE..

ORGON..

Que faites-vous là.

La curiofité qui vous preffe, eft bien forte,
Mamie, à nous venir écouter de la forte.

DORIN E.

Vrayment, je ne fçay pas fi c'est un bruit qui part.
De quelque conjecture, ou d'un coup de hazard;,
Mais de ce mariage on m'a dit la nouvelle,
Et j'ai traité cela de pure bagatelle..

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ORGON.

Quoi donc, la chofe eft-elle incroyable?

DORIN E.

A tel point,

Que vous même, Monfieur, je ne vous en crois point.

ORGON.

Je fçay bien le moyen de vous le faire croire.

DORIN E.

Oui, oui, vous nous contez une plaifante l'iftoire.

O'RGO N.

Je conte juftèment ce qu'on verra dans peu..

Chanfons.

DORIN E.

ORGON.

Ce que je dis, ma fille, n'eft point jeu

DORIN E.

Allez, ne croyez point à Monfieur vôtre Pere,

Hraille.

Hhh 3

OR

ORGON.

Je vous dis...

DORIN E.

Non, vous avez beau faire,

On ne vous croira point.

ORGON.

A la fin, mon courroux... DORINE.

Hé bien on vous croit donc, & c'eft tant pis pour

vous.

Quoi! fe peut-il, Monfieur, qu'avec l'air d'homme

fage,

Et cette large barbe au milieu du vifage,
Vous foyez affez fou pour vouloir...

ORGON.

Ecoutez,

Vous avez pris ceans certainez privautez

Qui ne me plaifent point; je vous le dis, Mamie.
DORIN E.

Parlons fans nous fâcher, Monfieur, je vous fuplic.
Vous moquez-vous des gens,d'avoir fait ce complot?
Vôtre fille n'eft point l'affaire d'un Bigot.
Il a d'autres emplois aufquels il faur qu'il penfe;
Et puis que vous apporte une telle alliance?
A quel fujet aller avec tout vôtre bien,

Choifir un Gendre gueux ?

ORGON.

Taifez-vous. S'il n'a rien,
Scachez que c'eft par là, qu'il faut qu'on le revere.
Sa mifere eft, fans doute, une honnête mifere.
Au deffus des grandeurs elle doit l'élever,
Puis qu'enfin de fon bien il s'eft laiffe priver
Par fon trop peu de foin des chofes temporelles,
Et fa puiflante attache aux chofes éternelles :
Mais mon fecours pourra lui donner les moyens
De fortir d'embarras, & rentrer dans fes biens.
Ce font Fiefs qu'à bon titre aù païs on renomme;
Et tel que l'on le voit, il est bien gentilhomme.
DORIN E.

Oui, c'eft lui qui le dit; & cette vanité,
Monfieur, ne hed pas bien avec la pieté.
Qui d'ane fainte vie embraffe l'innocence,
Ne doit point tant prôner fon nom, & la naiffance;

Et

Et l'humble procedé de la devotion,
Souffre mal les éclats de cette ambition.

A quoi bon cet orgueil? Mais ce difcours vous bleffe
Parlons de fa perfonne, & laiffons fa nobleffe.
Ferez-vous poffeffeur, fans quelque peu d'ennui,
D'une fille comme elle, un homme comme lui?
Et ne devez-vous pas fonger aux bienfeances,
Et de cette union prévoir les confequences?
Scachez que d'une fille on rifque la vertu,
Lors que dans fon hymen fon goût eft combattu ;
Que le deffein d'y vivre en honnête perfonne,
Depend des qualitez du mari qu'on lui donne ;
Et que ceux dont par tour on montre au doigt le
front,

Font leurs femmes fouvent, ce qu'on voit qu'elles font.

Il eft bien difficile enfin d'être fidelle

A de certains Maris faits d'un certain modelle;
Et qui donne à fa fille un homme qu'elle hait,
Eft refponfable au Ciel des fautes qu'elle fait.
Songez à quels perils vôtre deffein vous livre.
ORGON.

Je vous dis qu'il me faut apprendre d'elle à vivre.

DORIN E.

Vous n'en feriez que mieux, de fuivre mes leçons.
ORGON.

Ne nous amufons point, ma fille, à ces chanfons,
Je fçay ce qu'il vous faut, & je fuis vôtre Pere,
J'avois donné pour vous ma parole à Valere;
Mais outre qu'à joûer on dit qu'il est enclin,
Je le foupçonne encor d'être un peu libertin;
Je ne remarque point qu'il hante les Eglifes.

DORIN E.

Voulez-vous qu'il y coure à vos heures précises,
Comme ceux qui n'y vont que pour être apperceus ?
ORGON.
Je ne demande pas vôtre avis là-deffus.

Enfin, avec le Ciel, l'autre eft le mieux du monde,
Et c'eft une richeffe à nulle autre feconde.

Cet hymen, de tous biens, comblera vos defirs.
Il fera tout confit en douceurs, & plaifirs.
Ensemble vous vivrez, dans vos ardeurs fidelles,
Comme deux vrais enfans,comme deux tourterelles.

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A nuls fâcheux débats jamais vous n'en viendrez, Et vous ferez de lui tout ce que vous voudrez. DORIN E.

Elle Elle n'en fera qu'un fot, je vous affûre.

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Je dis qu'il en a l'encolûre, Et que fon afcendant, Monfieur, l'emportera Sur toute la vertu que votre fille aura.

ORGON.

Ceffez de m'interrompre, & fongez à vous taire, Sans mettre vôtre nez où vous n'avez que faire. DORIN E.

Je n'en parle, Monfieur, que pour vôtre interêt. Elle l'interrompt toûjours au moment qu'il fe retourne pour parler à fa filie.

ORGON.

C'eft prendre trop de foin;taifez-vous,s'il vous plait,

DORI N. E.

Si l'on ne vous aimoit...

QRGON.

Je ne veux pas qu'on m'aime. DORIN E.

Et je veux vous aimer, Monfieur, malgré vous même.

Ab!

ORGON..

D. ORIN. E.

Vôtre honneur m'eft cher, & je ne puis fouffrir. Qu'aux brocards d'un chacun vous alliez vous offrir.

ORGON.

Vous ne yous tairez point?

DORIN E.

C'eft une confcience,

Que de vous laiffer faire une telle alliance.

ORG ON.

Te tairas-tu, Serpent, dont les traits effrontez...

DORIN E.

Ah! vous étes dévot, & vous vous emportez!

ORGON.

Qui, ma bile s'échauffe à toutes ces fadaifes.
Et tout refolument, je veux que tu te taifes.

DO

DORIN E.

Soit. Mais ne difant mot, je n'en penfe pas moins. ORGON...

Penfe, fi tu le veux; mais applique tes foins

A ne m'en point parler, ou... Suffit. *Comme fage, J'ay pefé mûrement toutes chofes.

DORINE.

De ne pouvoir parler.

Elle fe talt lors qu'il tourne la tête.
ORGON.

*Seretournand

vers fa fille J'enrage,

Sans être Damoifeau,

Tartuffe eft fait de forte...

D. OR IN E.

Oui, c'est un beau museau.

ORG ON.

Que quand tu n'aurois même aucune sympathic ››
Pour tous les autres dons...

Il fetourne devant elle, & la regarde les bras croisez..>
DORIN E.

La voilà bien lotic..
Si j'étois en fa place, un homme affûrément
Ne m'épouferoit pas de force, impunément;
Et je lui ferois voir bientôt, aprés la fête,
Qu'une femme a toûjours une vengeance prête.
ORGON.

Done, de ce que je dis, on ne fera nul cas?

DORIN E.

Dequoi vous plaignez-vous? Je ne vous parle pase

ORGON...

Qu'est-ce que tu fais donc ?

DORIN E.

Je me parle à moi-mêmes. ORGON.

Fort bien. Pour châtier fon infolence extrême,

Il faut que je lui donne un revers de ma main.

Il fe met en pofture de luy donner un foufflet, & Dorine: à chaque coup d'œil qu'il jette fe tient droite fans parler Ma Fille, vous devez approuver mon deflein...

Croire que le mari... que j'ay sceû vous élire....
Que ne te parles-tu?

DORIN E..
Je n'ay rien à me dire.
L.hhs.

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