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Mais...

M.

DAMIS.

PERNELLE.

Vous êtes un fot en trois lettres, mon Fils; C'est moi qui vous le dis, qui fuis vôtre Grand

mere;

Et j'ai prédit cent fois à mon Fils vôtre Pere,
Que vous preniez tout l'air d'un méchant Garne.

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Mon Dieu, fa Soeur, vous faites la difcrette, Et vous n'y touchez pas, tant vous femblez doucette: Mais il n'eft, comme on dit, pire eau, que l'eau qui dort,

Et vous menez fous chape, un train que je hais fort, ELMIR E.

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M. PER NELLE

Ma Bru, qu'il ne vous en déplaife, Votre conduite en tout eft tout-à-fait mauvaife: Vous devriez leur mettre un bon exemple aux yeux, Et leur défunte Mere en ufoit beaucoup mieux. Vous êtes dépenciere, & cet état me bleffe, Que vous alliez vétuë ainfi qu'une Princeffe. Quiconque à fon mari veut plaire feulement, Ma Bru, n'a pas befoin de tant d'ajuftement. CLEANTE. Mais, Madame, aprés tout...

M, PERNELLE.

Pour vous, Monfieur fon Frere; Je vous estime fort, vous aime, & vous revéie: Mais enfin, fi j'étois de mon Fils fon époux, Je vous prierois bien fort, de n'entrer point chez

nous..

Sans ceffe vous prêchez des maximes de vivre,
Qui par d'honnêtes gens ne fe doivent point fuivre:
Je vous parle un peu franc, mais c'eft là mon humeur,
Et je ne mâche point ce que j'ay fur le cœur.

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M. PERNELLE,

C'est un homme de bien, qu'il faut que l'on écoute; Et je ne puis fouffrir, fans me mettre en courroux, De le voir querellé par un fou comme vous.

DAMIS.

Quoi! je fouffriray, moi, qu'un Cagot de Critique
Vieme ufurper céans un pouvoir tyrannique?
Et que nous ne puiffions à rien nous divertir,
Si ce beau Monfieur-là n'y daigne confentir?
DORIN E.

S'il le faut écouter, & croire à fes maximes,
On ne peut faire rien, qu'on ne faffe des crimes,
Car il contrôle tout, ce Critique zélé.

M. PERNELLE.

Et tout ce qu'il contrôle eft fort bien contrôlé.
C'eft au chemin du Ciel qu'il prétend vous conduire;
Et mon Fils, à l'aimer, vous devroit tous induire.
DAMIS.

Non, voyez-vous, ma Mere, il n'eft Pere ni rien,
Qui me puiffe obliger à lui vouloir du bien.

Je trahirois mon cœur, de parler d'autre forte;
Sur fes façons de faire, à tous coups je m'emporte;
J'en prévois une fuite, & qu'avec ce Pie-plat
Il faudra que j'en vienne à quelque grand éclat.
DORIN E.

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Certes, c'eft une chofe auffi qui fcandalife,
De voir qu'un Inconnu céans s'impatronife;"
Qu'un Gueux qui, quand il vint, n'avoit pas des
fouliers,

Et dont l'habit entier valoit bien fix deniers,
En vienne jufques-là, que de fe méconnoître,
De contrarier tout, & de faire le Maître.
M. PERNELLE.

Hé merci de ma vie, il en iroit bien mieux,
Si tout le gouvernoit par fes ordres pieux.
DORIN E.

Il paffe pour un Saint dans vôtre fantaisie;
Tout fon fait, croyez-moi, n'eft rien qu'hypocrifie,

M.

Voyez la langue?

PERNELLE.

DORIN E.

A lui, non plus qu'à fon Laurent,

Je ne me firois, moi, que fur un bon Garant.

M,

M. PERNELLE.

J'ignore ce qu'au fond le Serviteur peut être;
Mais pour homme de bien, je garantis le Maître,
Vous ne lui voulez mal, & ne le rebutez,
Qu'à caufe qu'il vous dit à tous vos véritez.
C'eft contre le Péché que fon coeur fe courrouce.
Et l'intérêt du Ciel eft tout ce qui le pouffe.
DORINE.

Oui; mais pourquoi, fur tout depuis un certain temps,

M.

Ne fçauroit-il fouffrir qu'aucun hante céans?
En quoi bleffe le Ciel une vifite honnête,
Pour en faire un vacarme à nous rompre la tête?
Veut-on que là-deflus je m'explique entre nous ?
Je crois que de Madame il eft, ma foi, jaloux.
PERNELLE.
Taifez-vous, & fongez aux chofes que vous dites.
Ce n'eft pas lui tout feul qui blâme ces vifites;
Tout ce tracas qui fuit les gens que vous hantez
Ces Caroffes fans ceffe à la Porte plantez,
Et de tant de Laquais le bruyant aflemblage,
Font un éclat fâcheux dans tout le voisinage.
Je veux croire qu'au fond il ne fe paffe rien;
Mais enfin on en parle, & cela n'est pas bien.
CLEANTE.

Hé, voulez-vous, Madame, empêcher qu'on ne caufe?

Cè feroit dans la vie une fâcheufe chose,
Si pour les fots difcours où l'on peut être mis,
Il falloit renoncer à fes meilleurs Amis:

Et quand même on pourroit fe réfoudre à le faire;
Croiriez-vous obliger tout le monde à fe taire ?
Contre la Médifance il n'eft point de rempart ;
A tous les fots caquets n'ayons donc nul égard;
Efforçons-nous de vivre avec toute innocence,
Et laiffons aux Caufeurs une pleine licence.

DORIN E.

Daphne nôtre Voifine, & fon petit Epoux,
Ne feroient-ils point ceux qui parlent mal de nous?
Ceux de qui la conduite offre le plus à rire,
Sont toûjours fur autrui les premiers à médire ;
Ils ne manquent jamais de faifir promptement
L'apparente lueur du moindre attachement 5

D'en

D'en femer la nouvelle avec beaucoup de joye, Et d'y donner le tour qu'ils veulent qu'on y croye.! - Des actions d'autrui, teintes de leurs couleurs, ls penfent dans le monde autorifer les leurs', Et fous le faux espoir de quelque reffemblance, Aux intrigues qu'ils ont, donner de l'innocence, Ou faire ailleurs tomber quelques traits partagez De ce blâme public dont ils font trop chargez.. M. PERNELLE.

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Tous ces raifonnemens ne font rien à l'affaire:
On fçait qu'Orante mene une vie exemplaire;
Tous fes foins vont au Ciel, & j'ay fceu par des gens
Qu'elle condamne fort le train qui vient céans.
DORINE.

L'exemple eft admirable, & cette Dame eft bonne i
Ileft vrai qu'elle vit en auftére perfonne;

Mais l'âge, dans fon ame, a mis ce zéle ardent,
Et l'on fçait qu'elle eft prude,à fon corps défendant
Tant qu'elle a pû des cœurs attirer les hommages,
Elle a fort bien joui de tous fes avantages:
Mais voyant de fes yeux tous les brillans baiffer,
Au monde, qui la quitte, elle veut renoncer;
Et du voile pompeux d'une haute fageffe,
De fes attraits ufez, déguiser la foibleffe.
Ce font-là les retours des coquettes du temps.
Il leur eft dur de voir déferter les galans.
Dans un tel abandon, leur fombre inquiétude
Ne voit d'autre recours que le métier de prude;
Et la févérité de ces femmes de bien

Cenfure toute chofe, & ne pardonne à rien;
Hautement, d'un châcun, elles blâment la vie,
Non point par charité, mais par un trait d'envie,
Qui ne fçauroit fouffrir qu'un autre ait les plaisirs,
Dont le panchant de l'âge a fevré leurs defirs..

M. PERNELLE.
(re.
Voilà les contes bleus qu'il vous faut pour vous plai-
Ma Bru, l'on eft chez vous, contrainte de fe taire;
Car Madame, à jafer, tient le dé tout le jour:
Mais enfin, je prétens difcourir à mon tour..
Je vous dy que mon fils n'a rien fait de plus fage',
Qu'en recueuillant chez foi ce devot perfonnage;
Que le Ciel au befoin l'a céans envoyé,
Four redreffer à tous vôtre efprit fourvoyé ;

Que

Que pour votre falut vous le devez entendre,
Et qu'il ne reprend rien qui ne foit à reprendre.
Ces vifites, ces bals, ces conversations,
Sont, du malin Efprit, toutes inventions.
Là, jamais, on n'entend de pieufes paroles,
Ce font propos oififs, chanfons, & fariboles;
Bien fouvent le prochain en a fa bonne part,
Et l'on y fçait médire, & du tiers, & du quart.
Enfin les gens fenfez ont leurs têtes troublées,
De la confufion de telles affemblées;

Mille caquets divers s'y font en moins de rien;
Et comme l'autre jour un Docteur dit fort bien,
C'eft véritablement la Tour de Babylone,
Car chacun y babille, & tout du long de l'aune;
Et pour conter l'hiftoire où ce point l'engagea...
Voilà-t-il pas Monfieur, qui ricane déja?
Allez chercher vos fous qui vous donnent à rire ;
Ec fans... Adieu, ma Bru, je ne veux plus rien dire,
Scachez que pour céans j'en rabats de moitié,
Et qu'il fera beau temps, quand j'y mettrai le pié.
Donnant un fon flet à Flipote.

Allons, vous, vous rêvez, & bayez aux Corneilles;
Jour de Dieu, je fçaurai vous frotter les oreilles ;
Marchons, gaupe, marchons.

SCENE II.

CLEANTE, DORINE.

CLEANTE.

Je n'y veux point aller¿

De peur qu'elle ne vint encor me quéreller;
Que cette bonne femme...

DORIN E.

Ah! certes, c'est dommage,

Qu'elle ne vous oüit tenir un tel langage;

Elle vous diroit bien qu'elle vous trouve bon,
Et qu'elle n'eft point d'âge à luy donner ce nom.
CLEANT E.

Comme elle s'eft pour rien contre nous échauffée!
Et que de fon Tartuffe elle paroît coiffée!

DO

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