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Vient d'un pied chancelant sur ces funestes bords.
Elle cherche, elle voit dans la foule des morts,
Elle voit son époux; elle tombe éperdue ;

Le voile de la mort se répand sur sa vue.

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Est-ce toi, cher amant ?" Ces mots interrompus,
Ces cris demi-formés ne sont point entendus.
Elle rouvre les yeux, sa bouche presse encore
Par ses derniers baisers la bouche qu'elle adore :
Elle tient dans ses bras ce corps pâle et sanglant;
Le regarde, soupire, et meurt en l'embrassant.

Père, époux malheureux, famille déplorable,
Des fureurs de ces temps exemple lamentable,
Puisse de ce combat le souvenir affreux
Exalter la pitié de nos derniers neveux,
Arracher à leurs yeux des larmes salutaires,

Et qu'ils n'imitent point les crimes de leurs pères.

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LE DERNIER JOUR DE L'ANNÉE.

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Éternité, néant, passé, sombres abîmes,

Que faites-vous des jours que vous engloutissez?'

DE LA MARTINE.

DEJA la rapide journée

Fait place aux heures du sommeil,
Et du dernier fils de l'année

S'est enfui le dernier soleil.

Près du foyer, seule, inactive,
Livrée aux souvenirs puissans,
Ma pensée erre, fugitive,

Des jours passés aux jours présens.
Ma vue, au hasard arrêtée,
Long-temps de la flamme agitée
Suit les caprices éclatans,

Ou s'attache à l'acier mobile
Qui compte sur l'émail fragile

Les pas silencieux du temps.
Un pas encore, encore une heure,
Et l'année aura sans retour
Atteint sa dernière demeure:
L'aiguille aura fini son tour.
Pourquoi, de mon regard avide,
La poursuivre ainsi tristement,
Quand je ne puis d'un seul moment
Retarder sa marche rapide?

Du temps qui vient de s'écouler,
Si quelques jours pouvaient renaître,
Il n'en est pas un seul, peut-être,
Que ma voix daignât rappeler !
Mais des ans la fuite m'étonne;
Leurs adieux oppressent mon cœur ;

Je dis: C'est encore une fleur
Que l'âge enlève à ma couronne,
Et livre au torrent destructeur;
C'est une ombre ajoutée à l'ombre
Qui déjà s'étend sur mes jours;
Un printemps retranché du nombre
De ceux dont je verrai le cours !
Écoutons!.... Le timbre sonore
Lentement frémit douze fois;
Il se tait.... Je l'écoute encore,
Et l'année expire à sa voix.

C'en est fait; en vain je l'appelle,
Adieu !.... Salut, sa sœur nouvelle,
Salut! quels dons chargent ta main ?
Quel bien nous apporte ton aile ?
Quels beaux jours dorment dans ton sein?
Que dis-je! à mon ame tremblante
Ne révèle point tes secrets:
D'espoir, de jeunesse, d'attraits
Aujourd'hui tu parais brillante;
Et ta course insensible et lente
Peut-être amène les regrets!
Ainsi chaque soleil se lève
Témoin de nos vœux insensés;
Ainsi toujours son cours s'achève,
En entraînant, comme un vain rêve,
Nos vœux déçus et dispersés.
Mais l'espérance fantastique,
Répandant sa clarté magique
Dans la nuit du sombre avenir,
Nous guide d'année en année,
Jusqu'à l'aurore fortunée

Du jour qui ne doit pas finir.

Mme. TASTU.

COMBAT DE RODRIGUE CONTRE LES MAURES.

.. Sous moi cette troupe s'avance,

Et porte sur son front une mâle assurance.

Nous partîmes cinq cents, mais, par un prompt renfort,
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port ;
Tant à nous voir marcher en si bon équipage
Les plus épouvantés reprenoient de courage.
J'en cache les deux tiers aussitôt qu'arrivés

Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés ;
Le reste, dont le nombre augmentoit à toute heure,
Brûlant d'impatience autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et, sans faire aucun bruit,
Passe une bonne part d'une si belle nuit.
Par mon commandement la garde en fait de même,
Et, se tenant cachée, aide à mon stratagême;

Et je feins hardiment d'avoir reçu de vous

L'ordre qu'on me voit suivre, et que je donne à tous.
Cette obscure clarté a qui tombe des étoiles

Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles:
L'onde s'enfloit dessous, et, d'un commun effort,
Les Maures et la mer entrèrent dans le port.
On les laisse passer; tout leur paroît traquille ;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris:
Ils abordent sans peur; ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants ;
Les nôtres au signal de nos vaisseaux répondent ;
Ils paroissent armés; les Maures se confondent;

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L'épouvante les prend à demi descendus ;
Avant que de combattre, ils s'estiment perdus.

Ils couroient au pillage, et rencontrent la guerre.
Nous les pressons sur l'eau, dous les pressons sur terre;
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang,

Avant qu'aucun résiste, ou reprenne son rang.

Mais bientôt, malgré nous, leurs Princes les rallient; Leur courage renaît, et leurs terreurs s'oublient;

La honte de mourir sans avoir combattu

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Arrête leur désordre, et leur rend leur vertu.a
Contre nous de pied ferme ils tirent leurs épées ;
Des plus braves soldats les trames sont coupées,
Et la terre et le fleuve, et leur flotte et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la Mort.
O combien d'actions, combien d'exploits célèbres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténèbres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnoit,
Ne pouvoit discerner où le sort inclinoit!

J'allois de tous côtés encourager les nôtres,

Faire avancer les uns, et soutenir les autres ;
Ranger ceux qui venoient, les pousser à leur tour,
Et n'en pus rien savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montra notre avantage;
Le Maure vit sa perte, et perdit le courage;
Et, voyant un renfort qui nous vint secourir,
Changea l'ardeur de vaincre en la peur de mourir.
Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles;
Nous laissent pour adieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer

Si leurs Rois avec eux ont pu se retirer.
Ainsi leur devoir cède à la frayeur plus forte;
Le flux les apporta, le reflux les remporte.
Cependant que leurs Rois engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs tous percés de nos coups,
Disputent vaillamment, et vendent bien leur vie,
A se rendre moi-même en vain je les convie;

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