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La

rage

LE MÉDISANT.

de médire est une impertinence;

Dans notre vanité ce défaut prend naissance.
Du bonheur du prochain le tableau vous aigrit;
Le désir de briller, de montrer de l'esprit,
Vous met à la merci des oisifs d'une ville,
Et vous n'êtes méchant que pour paraître habile.
Mais que vous revient-il de ces fâcheux éclats?
On vous flatte tout haut on vous blâme tout bus; a
Vos bons mots quelquefois font rire la sottise,
Mais toujours l'honnête homme en secret vous méprise;
Il vous fuit: il vous voit, à sa perte attaché,e
Lancer souvent le trait d'un perfide caché;
Insulter en riant nos mères et nos filles,
Détruire par un mot le bonheur des familles,
Et pour un jeu d'esprit, fruit de la vanité,
Condamner l'innocence, et flétrir la beauté.
Rien n'est sacré pour vous, et la reconnoissance
N'a jamais enchaîné l'affreuse médisance.

f

Dès qu'un homme est atteint de ce fatal penchant,
Il est tout glorieux de paraître méchant;
Nos chagrins sont pour lui de légers badinages;
Il s'amuse des pleurs, il sourit des outrages;
Pour un plaisir cruel, et qui dure un moment,
L'honneur et l'amitié lui parlent vainement.
Les médisants enfin sont une affreuse peste,
Qu'un homme de bon sens blâme, fuit, et déteste.
GOSSE. Le Médisant.

MOÏSE SAUVÉ DES EAUX.

"En ce même temps, la fille de Pharaon vint au fleuve pour se baigner, accompagnée de ses filles, qui marchaient le long du bord de l'eau."

EXODE.

"MES SŒURS, l'onde est plus fraîche aux premiers feux du jour! Venez le moissonneur repose en son séjour;

La rive est solitaire encore ;

Memphis élève à peine a un murmure confus;
Et nos chastes plaisirs, sous ces bosquets touffus,
N'ont d'autre témoin que l'aurore.

"Au palais de mon père on voit briller les arts; Mais ces bords pleins de fleurs cbarment plus mes regards Qu'un bassin d'or ou de porphyre :

Ces chants aériens sont mes concerts chéris;

Je préfère aux parfums qu'on brûle en nos lambris
Le souffle embaumé du zéphyre!

"Venez

l'onde est si calme et le ciel est si pur!
Laissez sur ces buissons flotter les plis d'azur
De vos ceintures transparentes;
Détachez ma couronne et ces voiles jaloux ;
Car je veux aujourd'hui folâtrer avec vous,
Au sein des vagues murmurantes.

"Hâtons-nous... Mais parmi les brouillards du matin,
Que vois-je ?-Regardez à l'horizon lointain....
Ne craignez rien, filles timides :

C'est sans doute, par l'onde entraîné vers les mers,
Le tronc d'un vieux palmier qui, du fond des déserts,
Vient visiter les Pyramides!

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Que dis-je! si j'en crois mes regards indécis, C'est la barque d'Hermès b ou la conque d'Isis,c

Que pousse une brise légère.

Mais non c'est un esquif où, dans un doux repos, J'aperçois un enfant qui dort au sein des flots, Comme on dort au sein de sa mère !

Il sommeille; et, de loin, à voir son lit flottant, On croirait voir voguer sur le fleuve inconstant Le nid d'une blanche colombe.

Dans sa couche enfantine il erre au gré du vent; L'eau le balance; il dort: et le gouffre mouvant Semble le bercer dans sa tombe!

"Il s'éveille: accourez, ô vierges de Memphis! Il crie.... Ah! quelle mère a pu livrer son fils Au caprice des flots mobiles?

Il tend les bras; les eaux grondent de toute part. Hélas! contre la mort il n'a d'autre rempart

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Qu'un berceau de roseaux fragiles.

Sauvons-le.... C'est peut-être un enfant d'Israël. Mon père les proscrit: mon père est bien cruel

De proscrire ainsi l'innocence!

Faible enfant! ses malheurs ont ému mon amour,
Je veux être sa mère: il me devra le jour,
S'il ne me doit pas la naissance."

Ainsi parlait Iphis, l'espoir d'un Roi puissant,
Alors qu'aux bords du Nil son cortége innocent
Suivait sa course vagabonde;

Et ces jeunes beautés qu'elle effaçait à encor,
Quand la Fille des Rois quittait ses voiles d'or,
Croyaient voir la Fille de l'Onde.e

Sous ses pieds délicats déjà le flot fremit.
Tremblante, la pitié vers l'enfant qui gémit
La guide en sa marche craintive;

Elle a saisi l'esquif! fière de ce doux poids,
L'orgueil sur son beau front, pour la première fois,
Se mêle à la pudeur naïve.

Bientôt divisant l'onde et brisant les roseaux,
Elle apporte à pas lents l'enfant sauvé des eaux
Sur le bord de l'arène humide;

Et ses sœurs tour-à-tour, au front du nouveau-né,
Offrant leur doux sourire à son œil étonné,
Déposaient un baiser timide!

f

Accours, toi qui, de loin, dans un doute cruel,
Suivais des yeux ton fils sur qui veillait le Ciel ;
Viens ici comme une étrangère ;

Ne crains rien: en pressant Moïse entre tes bras,
Tes pleurs et tes transports ne te trahiront pas,
Car Iphis n'est pas encor mère !

Alors, tandis qu'heureuse et d'un pas triomphant,
La vierge, orgueil d'un trône, amenait l'humble enfant,
Baigné des larmes maternelles,

On entendait en chœur, dans les cieux étoilés,
Des anges, devant Dieu de leurs ailes voilés,
Chanter les lyres éternelles.

"Ne gémis plus, Jacob, sur la terre d'exil;
Ne mêle plus tes pleurs aux flots impurs du Nil :
Le Jourdain va t'ouvrir ses rives.

Le jour enfin approche où vers les champs promis
Gessen & verra s'enfuir, malgré leurs ennemis,

Les tribus si long-temps captives.

"Sous les traits d'un enfant délaissé sur les flots, C'est l'élu du Sina, c'est le roi des Fléaux,

Qu'une vierge sauve de l'onde.

Mortels, vous dont l'orgueil méconnaît l'Éternel,
Fléchissez un berceau va sauver Israël ;
:
Un berceau doit sauver le monde !"

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