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Vont consacrer l'histoire et la postérité,
Oui, nous nous emparons d'une immortalité

Où nulle gloire humaine encor n'est parvenue;

Et, quand de Sparte enfin l'heure sera venue,

De ses débris sacrés, qui ne se tairont pas,
Les tyrans effrayés détourneront leurs pas.
Alors, des temps fameux levant les voiles sombres,
Le voyageur sur Sparte évoquera nos ombres,
Et, de Léonidas et de ses compagnons,

Les échos n'auront pas oublié les grands noms.

PICHAT. Léonidas.

LES MOUTONS.

HÉLAS, petits moutons, que vous êtes heureux!

Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes ;
Aussitôt aimés qu'amoureux,

On ne vous force point à répandre des larmes ;
Vous ne formez jamais d'inutiles désirs,
Dans vos tranquilles cœurs l'amour suit la nature,
Sans ressentir ses maux vous avez ses plaisirs
L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture,

Qui font tant de maux parmi nous,
Ne se rencontrent point chez vous.

Cependant nous avons la raison pour partage,
Et vous en ignorez l'usage.

Innocens animaux, n'en soyez point jaloux,
Ce n'est pas un grand avantage.
Cette fière raison dont on fait tant de bruit,
Contre les passions n'est pas un sûr remède.
Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit ;
Et déchirer un cœur qui l'appelle à son aide,
Est tout l'effet qu'elle produit.

Toujours impuissante et sévère,

;

Elle s'oppose à tout, et ne surmonte rien.
Sous la garde de votre chien,

Vous devez beaucoup moins redouter la colère
Des loups cruels et ravissants,

Que sous l'autorité d'une telle chimère

Nous ne devons craindre nos sens.

Ne vaudroit-il pas mieux vivre comme vous faites
Dans une douce oisiveté?

Ne vaudroit-il pas mieux être comme vous êtes
Dans une heureuse obscurité,

Que d'avoir, sans tranquillité,
Des richesses, de la naissance,

De l'esprit et de la beauté ?

Ces prétendus trésors dont on fait vanité
Valent moins que votre indolence.

Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels :
Par eux plus d'un remords nous ronge.
Nous voulons les rendre éternels,

Sans songer qu'eux et nous passerons comme un songe.
Il n'est dans ce vaste univers

Rien d'assuré, rien de solide :

Des choses d'ici-bas la fortune décide

Selon ses caprices divers.

Tout l'effort de notre prudence

Ne peut nous dérober au moindre de ses coups.
Paissez, moutons, paissez, sans règle et sans science:
Malgré la trompeuse apparence,

Vous êtes plus heureux et plus sages que nous.

Mme. DESHOULIÈRES.

LA PRIÈRE DU SOIR A BORD D'UN VAISSEAU.

CEPENDANT le soleil, sur les ondes calmées,
Touche de l'horizon les bornes enflammées;
Son disque étincelant, qui semble s'arrêter,
Revêt de pourpre et d'or les flots qu'il va quitter.
Il s'éloigne, et Vesper, commençant sa carrière,
Mêle au jour qui s'éteint sa timide lumière.
J'entends l'airain pieux, dont les sons éclatants
Apellent la prière et divisent le temps.
Pour la seconde fois, le nautonier fidèle
Adorant à genoux la puissance éternelle,
Dès que l'astre du jour a brillé dans les airs,
Adresse l'hymme sainte au Dieu de l'univers.
Entre l'homme et le ciel, sur des mers sans rivages,
Un prêtre en cheveux blancs conjure les orages: a
Son zèle des nochers adoucit les travaux,
Épure leur hommage, et console leurs maux.

"Dieu créateur!" dit-il, "toi dont les mains fécondes Dans les champs de l'espace ont suspendu les mondes; Dieu des vents et des mers, dont l'œil conservateur

De l'Océan qui gronde arrête la fureur,

Et, d'un regard chargé de tes ordres sublimes,
Suis un frèle vaisseau flottant sur les abîmes,

Que peuvent devant toi nos travaux incertains?
Dieu, que sont les mortels sous tes puissantes mains ?
Par des vœux suppliants nos alarmes t'implorent;
Bénis, Dieu paternel, tes enfants qui t'adorent;
Rends-les à leur patrie, à ton culte, à ta loi ;
La force et la vertu ne viennent que de toi.
Daigne remplir nos cœurs; éloigne la tempête;
Que le sombre ouragan se dissipe et s'arrête

Devant ces pavillons qui te sont consacrés;
Et qu'un jour nos drapeaux, par toi-même illustrés,
Aux doutes de l'orgueil opposant nos exemples,
Appellent le respect et la foi dans tes temples!"
Il dit, et prie encor ; ses chants consolateurs
D'espérance et d'amour pénètrent tous les coeurs :
O spectacle touchant, ravissantes images!
Tandis que l'oeil fixé sur un ciel sans nuages,
Du prêtre, dont la voix semble enchaîner les vents,
Les nautoniers émus répètent les accents,
Le couchant a brillé d'une clarté plus pure;
L'Océan de ses flots apaise le murmure;
Et seule, interrompant ce calme solennel,
La prière s'élève aux pieds de l'Éternel.

ESMENARD. La Navigation.

CHEUR D'ESTHER.

ÉLISE.

Je n'admirai jamais la gloire de l'impie.

UNE AUTRE ISRAELITE.

Au bonheur du méchant qu'un autre porte envie.

ÉLISE.

Tous ses jours paroissent charmants;

L'or éclate en ses vêtements;

Son orgueil est sans borne ainsi que sa richesse. Jamais l'air n'est troublé de ses gémissements; Il s'endort, il s'éveille au son des instruments; Son cœur nage dans la mollesse.

UNE AUTRE ISRAELITE.

Pour comble de prospérité,

Il espère revivre en sa prostérité,

Et d'enfants à sa table une riante troupe
Semble boire avec lui la joie à pleine coupe.

LE CHŒUR.

Heureux, dit-on, le peuple florissant
Sur qui ces biens coulent en abondance!
Plus heureux le peuple innocent
Qui dans le Dieu du ciel a mis sa confiance!

UNE ISRAELITE, seule.

Le bonheur de l'impie est toujours agité;
Il erre à la merci de sa propre inconstance.
Ne cherchons la félicité

Que dans la paix de l'innocence.

UNE AUTRE.

Nulle paix pour l'impie. Il la cherche, elle fuit ;
Et le calme en son cœur ne trouve point de place:
Le glaive au dehors le poursuit,
Le remords au dedans le glace.

UNE AUTRE.

La gloire des méchants en un moment s'éteint;
L'affreux tombeau pour jamais les dévore.

Il n'en est pas ainsi de celui qui te craint;
Il renaîtra, mon Dieu, plus brillant que l'aurore.

LE CHOEUR.

O douce paix !

Heureux qui ne te perd jamais!

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