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LES HIRONDELLES.

CAPTIF au rivage du Maure, Un guerrier, courbé sous ses fers, Disait: Je vous revois encore, Oiseaux ennemis des hivers. Hirondelles, que l'espérance Suit jusqu'en ces brûlans climats, Sans doute vous quittez la France : De mon pays ne me parlez-vous pas ?

Depuis trois ans, je vous conjure
De m'apporter un souvenir

Du vallon où ma vie obscure
Se berçait d'un doux avenir.
Au détour d'une eau qui chemine
A flots purs, sous de frais lilas,
Vous avez vu notre chaumine :
De ce vallon ne me parlez-vous pas ?

L'une de vous peut-être est née
Au toit où j'ai reçu le jour;
Là, d'une mère infortunée
Vous avez dú plaindre l'amour,a
Mourante, elle croit à toute heure
Entendre le bruit de mes pas :
Elle écoute, puis elle pleure.

De son amour ne me parlez-vous pas ?

Ma sœur est-elle mariée ?
Avez-vous vu de nos garçons
La foule, aux noces conviée,

La célébrer dans leurs chansons?

Et ces compagnons du jeune âge
Qui m'ont suivi dans les combats,
Ont-ils revu tous le village?

De tant d'amis ne me parlez-vous pas ?

Sur leurs corps, l'étranger peut-être

Du vallon reprend le chemin ;

Sous mon chaume il commande en maître;

De ma sœur il trouble l'hymen.

Pour moi plus de mère qui prie,

Et partout des fers ici-bas.
Hirondelles de ma patrie,

De ses malheurs ne me parlez-vous pas ?

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FANFAN ET COLAS.

FANFAN gras et vermeil, et marchant sans lisière,
Voyoit son troisième printemps:

D'un si beau nourrisson Perrette toute fière.
S'en alloit à Paris le rendre à ses parents.
Perrette avoit sur sa bourrique

Dans deux paniers mis Colas et Fanfan.

De la riche Cloé celui-ci fils unique,
Alloit changer d'état, de nom, d'habillement,
Et peut-être de caractère.

Colas, lui, n'étoit que Colas,

Fils de Perrette et de son mari Pierre ; Il aimoit tant Fanfan, qu'il ne le quittoit pas ; Fanfan le chérissoit de même.

Ils arrivent. Cloé prend sons fils dans ses bras
Son étonnement est extrême,

Tant il lui paroît fort, bien nourri, gros et gras.
Perrette de ses soins est largement payée.

Voilà Perrette renvoyée ;

Voilà Colas que Fanfan voit partir;
Trio de pleurs. Fanfan se désespère ;
Il aimoit Colas comme un frère,

Sans Perrette et sans lui que va-t-il devenir ?
Il fallut se quitter. On dit à la nourrice :

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Quand de votre hameau vous viendrez à Paris,

N'oubliez pas d'amener votre fils,

;

Entendez-vous, Perrette? on lui rendra service." Perrette le cœur gros, mais plein d'un doux espoir, De son Colas déjà croit la fortune faite.

De Fanfan cependant Cloé fait la toilette :

Le voilà décrassé, beau, blanc, il falloit voir : b

Habit moiré, toquet d'or, riche aigrette :
On dit que le fripon se voyant au miroir,
Oublia Colas et Perrette.

"Je voudrois à Fanfan porter cette galette,"
Dit la nourrice un jour: “Pierre, qu'en penses-tu?
Voilà tantôt six mois que nous ne l'avons vu.”
Pierre y consent; Colas est du voyage.
Fanfan trouva (l'orgueil est de tout âge)
Pour son ami, Colas trop mal vêtu :
Sans la galette il l'auroit méconnu.
Perrette accompagna ce gâteau d'un fromage,
De fruits, et de raisins, doux trésors de Bacchus.
Les présents furent bien reçus;

Ce fut tout

et tandis qu'elle n'est occupée Qu'à faire éclater son amour,

Le marmot, lui, bat du tambour,

Traîne son chariot, fait danser sa poupée.

Quand il a bien joué, Colas dit: "C'est mon tour." Mais Fanfan n'étoit plus son frère ;

Fanfan le trouva téméraire ;

Fanfan le repoussa d'un air fier et mutin.

Perrette alors prend Colas par la main :

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Viens," lui dit-elle avec tristesse ; "Voilà Fanfan devenu grand seigneur ;

Viens, mon fils, tu n'as plus son cœur."

L'amitié disparoît où l'égalité cesse.

AUBERT.

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Je suis, dit-on, un orphelin,

Entre les bras de Dieu jeté dès ma naissance,
Et qui de mes parents n'eus jamais connoissance.

ATHALIE.

Vous êtes sans parents!

JOAS.

Ils m'ont abandonné.

ATHALIE.

Comment! et depuis quand ?

JOAS.

Depuis que je suis né.

ATHALIE.

Ne sait-on pas au moins quel pays est le vôtre?

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