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Ah! si ce faux éclat n'eût pas fait ses plaisirs,
Si le séjour de Vaux eût borné ses désirs,
Qu'il pouvoit doucement laisser couler son âge !e

Vous n'avez pas chez vous ce brillant équipage,
Cette foule de gens qui s'ent vont chaque jour
Saluer à longs flots le soleil de la cour;
Mais la faveur du Ciel vous donne en récompense
Du repos, du loisir, de l'ombre et du silence,
Un tranquille sommeil, d'innocents entretiens;
Et jamais à la Cour on ne trouve ces biens.

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JUGEMENT DES ROIS EN ÉGYPTE APRÈS LEUR MORT.

SÉSOSTRIS, le premier, heureux triomphateur,
Dans l'Égypte étala des Rois chargés de chaînes ;
Mais, dans ce vieux berceau des sciences humaines,
O combien j'aime mieux ces fêtes où les lois
A côté de leur tombe interrogeoient les Rois!
Quelle solennité plus grande, plus auguste!
Malheur alors, malheur à tout Monarque injuste!
Cités devant l'Égypte, aux yeux de l'Univers,
Entre l'urne du peuple et l'urne des enfers,
Entre la voix du siècle et les races futures,
Leurs mânes, arrêtés au bord des sépultures
Pour entendre l'arrêt ou propice ou fatal,
Comparoissoient sans pompe à ce grand tribunal.
Là, plus de courtisans, de voix adulatrice;

Où cessoit le pouvoir commençoit la justice.

Là, de l'homme indigent les pleurs long-temps perdus,
Les cris des opprimés, étoient seuls entendus.
Dans son dernier sujet le Roi trouvoit un juge;
Le crime détrôné n'avoit plus de refuge,
Et la Vérité sainte, auprès de leur tombeau,
Aux torches de la mort allumoit son flambeau.
Heureux alors, heureux qui, sous le diadême,
D'avance avec rigueur s'étoit jugé lui-même !
Son nom étoit béni, son règne étoit absous.
Rois, ce grand tribunal n'existe plus pour vous!
Mais il existe encor des juges plus terribles!
Juges toujours présents, toujours incorruptibles,
Dont rien ne peut fléchir l'inflexible équité:
C'est votre conscience et la postérité.

DELILLE. L'Imagination.

L'HISTOIRE.

C'EST un théâtre, un spectacle nouveau,
Où tous les morts, sortant de leur tombeau,
Viennent encor sur une scène illustre,
Se présenter à nous dans leur vrai lustre,
Et du public, dépouillé d'intérêt,
Humbles acteurs, attendre leur arrêt.
Là, retraçant leurs foiblesses passées,
Leurs actions, leurs discours, leur pensées,
A chaque état ils reviennent dicter

Ce qu'il faut fuir, ce qu'il faut imiter;
Ce que chacun, suivant ce qu'il peut être,
Doit pratiquer, voir, rechercher, connoître ;
Et leur exemple, en diverses façons,
Donnant à tous les plus nobles leçons,
Rois, magistrats, législateurs suprêmes,
Princes, guerriers, simples citoyens mêmes,
Dans ce sincère et fidèle miroir,

Peuvent apprendre à lire leur devoir.

J. B. ROUSSEAU.

MÊME SUJET.

ON doit au souvenir les vers et le pinceau.

Il fit plus de l'Histoire il créa le flambeau.

:

Avant qu'on vit briller sa lumière féconde,

Les temps se succédaient dans une nuit profonde;
Les peuples, tour-à-tour par l'oubli dévorés,
Sur la terre passaient l'un de l'autre ignorés.

Les grands événements n'avaient point d'interprètes ;
Les débris étaient morts, et les tombes muettes :
L'Histoire luit, soudain les temps ont reculé ;
L'ombre a fui, les tombeaux, les débris, ont parlé ;
Les générations s'étendent et s'instruisent,
Et de l'esprit humain les travaux s'éternisent.
O charmes de l'étude! ô sublimes récits!
Dans quels transports le sage, à son foyer assis,
Suit les nombreux combats et d'Athène et de Rome;
A travers deux mille ans applaudit un grand homme;
Consulte l'orateur et le guerrier fameux;
Partage les revers des peuples grands comme eux;
Voit l'empire romain, sous le fer des Vandales,
De ses vils empereurs expier les scandales,
Et bientôt déchiré par divers potentats,

Son cadavre fécond enfanter cent états;

Retrouve en d'autres lieux, sur la sanglante arène,
Marcius dans Condé, Scipion dans Turenne,
Et, rempli des héros et des faits éclatants,
Ainsi que tous les lieux, embrasse tous les temps.

LEGOUVÉ.

L'ITALIE ET ROME, OU LES MONUMENTS ANTIQUES.

O TERRE de Saturne! ô doux pays! beau ciel !
Lieux où chanta Virgile, où peignit Raphaël !
Terre dans tous les temps consacrée à la gloire,
Grande par les beaux-arts, Reine par la victoire,
Sans respect, sans amour, qui peut toucher tes bords!
Que de belles cités! que de riches trésors!
L'Italie et la Grèce ensemble confondues;

Les palais, les tombeaux, un peuple de statues,
Et la toile animée, et partout réunis

Les beaux temps des Césars, et ceux des Médicis !
Partout les descendants de la Reine du monde

Ressuscitent sa gloire, et la terre féconde
Rend l'Italie antique à leurs nobles efforts.

Rome! c'est toi surtout qu'appellent nos transports. La voilà donc enfin cette ville sacrée,

De tombeaux, de déserts tristement entourée !
Quel trouble à son aspect saisit le voyageur !
La Reine des cités a perdu sa splendeur :
Le Silence est assis sous ses voûtes antiques;
Cependant ses palais, ses temples, ses portiques,
Attestent ses grandeurs dans leurs restes confus.
Sur ces arcs mutilés, vingt fleuves suspendus
Versoient en frémissant le tribut de leur onde;
Ce temple fut paré des dépouilles du monde ;
Par ces portes sortoient les fières légions;
Voilà ce Capitole, effroi des nations!

De là, semblable aux Dieux, Rome lançoit la foudre;
Là, les Rois interdits, et le front dans la poudre,
Aux portes du Sénat, oubliés, sans honneur,
Attendoient pour entrer les ordres d'un licteur.

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