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HYMNE AU SOLEIL.

DIEU, que les airs sont doux! que la lumière est pure!
Tu règnes en vainqueur sur toute la nature,
O soleil et des cieux, où ton char est porté,
Tu lui verses la vie et la fécondité!

Le jour où, séparant la nuit de la lumière,
L'Éternel te lança dans ta vaste carrière,
L'univers tout entier te reconnut pour Roi;
Et l'homme, en t'adorant, s'inclina devant toi.
Dès ce jour, poursuivant ta carrière enflammée,
Tu décris sans repos ta route accoutumée;
L'éclat de tes rayons ne s'est point affoibli,

Et sous la main des temps ton front n'a point pâli!
Quand la voix du matin vient réveiller l'aurore,
L'Indien prosterné te bénit et t'adore!

Et moi, quand le Midi de ses feux bienfaisants
Ranime par degrés mes membres languissants,

Il me semble qu'un Dieu, dans tes rayons de flamme,
En échauffant mon sein, pénètre dans mon âme!
Et je sens de ses fers mon esprit détaché,
Comme si du Trés-Haut le bras m'avoit touché !
Mais ton sublime auteur défend-il de le croire?
N'es-tu point, ô soleil, un rayon de sa gloire?
Quand tu vas mesurant l'immensité des cieux,
O soleil n'est-tu point un regard de ses yeux

?

DE LA MARTINE. Méditations Poétiques.

L'AMITIÉ.

Pour les cœurs corrompus l'amitié n'est point faite.
O divine amitié, félicité parfaite,

Seul mouvement de l'ame où l'excès soit permis,
Change en bien tous les maux où le Ciel m'a soumis !
Compagne de mes pas dans toutes mes demeures,
Dans toutes les saisons, et dans toutes les heures,
Sans toi, tout homme est seul; il peut, par ton appui,
Multiplier son être, et vivre dans autrui.

Idole d'un cœur juste, et passion du sage,

Amitié! que ton nom couronne cet ouvrage ;

Qu'il préside à mes vers comme il règne en mon cœur : Tu m'appris à connaître, à chanter le bonheur.

VOLTAIRE. Mélanges de Poésies.

MÊME SUJET.

OTEZ l'Amitié de la vie,

Ce qui reste de biens est peu digne d'envie ;
On n'en jouit qu'autant qu'on peut les partager.
L'Amour, ce sentiment aveugle et passager,
Est souvent un tourment et toujours un délire :
Loin de remplir le cœur, sans cesse il le déchire.
L'Amitié lui fournit tout ce qu'il a de bon ;
Pour se faire écouter il emprunte son nom.
La perte des amis est la seule réelle ;

Leur mémoire est pour nous nous une dette éternelle;
Et ne croyons jamais que pour un nœud si beau,

Il n'est plus de devoir au-delà du tombeau.
Désir de tous les cœurs, plaisir de tous les âges,
Trésor des malheureux, divinité des sages,
L'Amitié vient du ciel habiter ici-bas;

Elle embellit la vie, et survit au trépas.

DESMAHIS. L'Honnéte Homme.

A MON RUISSEAU.

RUISSEAU peu connu, dont l'eau coule
Dans un lieu sauvage et couvert,
Oui, comme toi je crains la foule,
Comme toi j'aime le désert.

Ruisseau, sur ma peine passée
Fais rouler l'oubli des douleurs,
Et ne laisse dans ma pensée

Que ta paix, tes flots, et des fleurs.

Le lis frais, l'humble marguerite,

Le rossignol chérit tes bords;
Déjà sous l'ombrage il médite

Son nid, sa flamme, et ses accords.

Près de toi, l'âme recueillie

Ne sait plus s'il est des pervers;

Ton flot pour la mélancolie

Se plaît à murmurer des vers.

Quand pourrai-je, aux jours de l'automne,
En suivant le cours de ton eau,
Entendre, et le bois qui frissonne,
Et le cri plaintif du vanneau !

Que j'aime cette église antique,

Ses murs que la flamme a couverts;

Et l'oraison mélancolique

Dont la cloche attendrit les airs!

Par une mère qui chemine,

Ses sons lointains sont écoutés ;
Sa petite Annette s'incline,

Et dit amen à ses côtés.

Jadis, chez des vierges austères,
J'ai vu quelques ruisseaux cloîtrés
Rouler leurs ondes solitaires

Dans des clos à Dieu consacrés.

Leurs flots si purs, avec mystère,
Serpentaient dans ces chastes lieux
Où ces beaux anges de la terre
Foulaient des prés bénis des cieux.

Mon humble ruisseau, par ta fuite
(Nous vivons, hélas, peu d'instants!)
Fais souvent penser ton ermite,

Avec fruit, au fleuve du temps.

DUCIS.

LE PETIT BERGER BIENFAISANT.

LYCAS ET MIRTIL.

POUR réchauffer les glaces de son âge,

Aux feux naissans du jour, devant son toit assis,
Lycas vit près de lui Mirtil son petit-fils.
Mirtil comptait déjà le dixième feuillage,
Et du viellard, les regards attendris

Parmi ses traits naïfs retrouvaient son image.

Il le prit dans ses bras, et lui parlant des Dieux,
De son petit troupeau, des jeux de son enfance,
Des plaisirs qu'aux bons cœurs donne la bienfaisance,
Il vit, à ce discours, des pleurs baigner ses yeux.
"Tu pleures!" lui dit-il. "Ce que tu viens d'entendre,
Jusqu'à ce point, mon fils, n'émeut pas seul ton cœur ;
Non, il est agité d'un sentiment plus tendre:

Laisse-m'en avec toi partager la douceur.”

Mirtil voulait sécher ses larmes ;

Elles coulaient toujours. "Mon père, ah ! je sens bien, Oui, je le sens, rien n'est si plein de charmes

Que de pouvoir faire du bien."

Mais pourquoi donc, Mirtil, détournes-tu la vue ?
Tes pleurs redoublent.... Autrefois,

Tu m'aurais laissé lire en ton âme ingénue;
Tu ne m'aimes plus, je le vois.

—Qui, moi ne plus t'aimer ! le croirais-tu, mon père?
Eh bien, tu sauras tout. Je vais te l'avouer.

Si je le fais, au moins, c'est pour te plaire :
Tu me l'as dit souvent: du bien qu'on a pu faire
Doit-on être jaloux de s'entendre louer ?

Ma plus jeune brebis, hier, pendant l'orage,
S'était perdue au fond du bois.

J'allais pour la chercher. D'une roche sauvage,

J'entends de loin sortir une tremblante voix.
Je m'approche; c'était un vieillard de ton âge.
Il portait sur son dos un fardeau bien pesant,

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Qu'il fit glisser à terre, en soupirant.

Quel sort cruel!" dit-il, après un court silence. "N'aurai-je donc jamais un moment de repos ! Faut-il, quand l'homme oisif nage dans l'abondance, D'un vil pain de douleur voir payer mes travaux ! Aux ardeurs du midi, sur la terre embrasée,

Errant, accablé de ce faix,

Je trouve enfin, je trouve ce lieu frais,

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