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attribue ce réveil à l'ouvrage de Brown, qu'il regarde en grande partie comme la cause des succès qu'obtinrent alors les Anglais sur toutes les parties du globe; mais si on peut contester à l'ouvrage de Brown une si extraordinaire influence, on a du moins des preuves de son succès. On en fit sept éditions dans l'année; il a depuis été traduit en français par Chais, sous ce titre : Les mœurs anglaises, ou Appréciation, etc., la Haye, 1758, in8. Le public aime à voir fronder le public; le ton satirique fut évidemment une des causes de la vogue qu'obtint cet ouvrage, qui, aujourd'hui, est fort peu lu. Brown, en s'élevant contre la vanité du siècle, laissa percer luimême dans son livre, une intolérable vanité. Son ton dogmatique et arrogant lui suscita une foule d'adversaires qui le déchirèrent impitoyablement. Le second volume de l'ouvrage, qui parut en 1758, ne fit qu'aigrir les esprits des critiques, et il se vit obligé, pour laisser apaiser l'orage, de se retirer à la campagne, où il écrivit, dans une suite de lettres à un ami, une explication apologétique de son livre, qui produisit peu d'effet. Ayant résigné sa cure du comté d'Essex, il obtint celle de St.-Nicolas-de-Newcastle sur la Tyne, par le crédit du docteur Osbaldiston, qui venait d'être nommé évêque de Londres. Ce prélat mourut peu de temps après, et Brown perdit en lui son unique protecteur, le seul ami que lui eût laissé son caractère peu aimable, et avec lui toute espérance d'avancement daus l'Eglise. Il publia, en 1760, un Dialogue des morts entre Périclès et Aristide, pour servir de suite au Dialogue entre Périclès et Cosme de Médicis, par le lord Lyttelton. Ce dialogue fut suivi, en 1763, d'une ode sacrée, intitulée la Guéri

rison de Saül, et, la même année, d'une Dissertation sur l'origine, l'union, le pouvoir, les progrès, la séparation et la corruption de la poésie et de la musique. Cet ouvrage ayant été attaqué, Brown répondit par des Remarques sur quelques observations, etc. L'Histoire de l'origine et des progrès de la poésie, qu'il publia en 1764, et dont Lenglet fait un pompeux éloge, n'est qu'un extrait de l'ouvrage précédent : il en existe une traduction française par Eidous, Paris, 1768, in-8°. Un volume de Sermons, 1764; des Pensées sur la liberté civile, la licence et les factions, 1765; un poëme sur la Liberté, sont, avec quelques pamphlets anonymes, à peu près tout ce qu'il publia dans ses dernières années; mais quelques-uns de ces ouvrages eurent pour lui un résultat important et funeste. Des sermons de Brown, trois étaient relatifs à l'éducation, et avaient pour but d'attaquer l'Emile de Rousseau et ses idées sur l'enseignement religieux. Le succès de ces discours engagea Brown à composer une espèce de code d'éducation, que, devenu extrêmement partisan de l'autorité, il voulait faire. adopter par le gouvernement. Le docteur Priestley, zélé défenseur de toutes les libertés, attaqua vivement le projet de Brown, dont cette discussion augmenta la célébrité. Le docteur Dumaresque ayant été chargé par l'impératrice de Russie, de l'organisation de l'instruction publique dans cet empire, écrivit à Brown pour lui demander des instructions. Brown répondit par un plan général d'éducation, accompagné de l'offre de se rendre à Pétersbourg pour en diriger l'exécution. Ce plan fut présenté à l'impératrice, qui, frappéo des idées de Brown, l'invita à se rendre à Pé-

tersbourg, en lui assignant une somme de 1,000 livres sterl. pour les frais de son voyage. Tout était prêt pour son départ, lorsque de violentes attaques de goutte et de rhumatisme vinrent l'assaillir; d'autres difficultés s'opposèrent aussi à l'exécution de ce projet. L'éclat qu'en avait fait probablement un homme aussi vain que Brown donna lieu à quelques bruits fâcheux. Il tomba dans l'abattement et le dégoût de la vie; et un jour, plus accablé qu'à l'ordinaire, il prit un rasoir, se coupa la gorge, et mourut, en 1766, dans la 51. année de son âge. Il paraît qu'il était sujet à des accès de la plus sombre mélancolie; il disait quelquefois « qu'il craignait » que tôt ou tard quelque mauvaise » pensée ne vînt subitement s'offrir à » lui, dans les moments où il était en» tièrement privé de sa raison. » Les vers de Brown, où il semble avoir pris Boileau pour modèle, ont du nerf et de la pureté. On trouve dans ses ouvrages en prose une grande connaissance du cœur humain, une saine morale et un style élégant et correct; la lecture en est intéressante, malgré le ton de suffisance qui s'y fait sentir.

X-s.

BROWN (Moïse), auteur anglais, né en 1703, mort en 1787, âgé de quatre-vingt-quatre ans, après avoir été vicaire d'Olney, dans le comté de Backingham, et chapelain du college de Morden. Il était originairement tailleur de plumes. Ce fut Hervey, l'auteur des Méditations, qui le tira de l'obscurité et le fit entrer dans les ordres. On a de lui, entre autres ouvrages, une tragédie intitulée: Polidius, ou l'Amour malheureux, 1723; All Bedevilled, espèce de farce; un volume de Poésies, 1739, in -8°.; Pensées du dimanche, poëme, 1749, in-12; Percy Lodge, poëme descrip

la tra

tif, 1756; quelques sermons; duction des ouvrages de Zimmerman, Il est en outre l'éditeur du Parfait Pécheur à la ligne de Walton, et il a réimprimé, en 1773, les Eglogues sur la peche (Piscatory eglogues), du même auteur. X-s.

BROWN (JEAN ), peintre écossais, né à Edimbourg en 1752, est principalement connu par ses Lettres sur la poésie et la musique de l'opera italien, publiées après sa mort, en 1789, 1 vol. in-12, par le lord Monboddo, à qui elles étaient adressées, et qui les fit précéder d'une introduction où il fait le plus grand éloge des talents et du goût de l'auteur. Ces lettres, qui n'étaient point destinées à l'impression, sont écrites d'un style clair et élégant, et sont très estimées en Angleterre. Brown avait passé plusieurs années à Rome et dans la Sicile, attaché comme dessinateur à sir Williams Young et à M. Townley. En 1786, il vint à Londres, où il se livra avec succès au genre du portrait, et se lia avec ce que cette ville possédait de plus distingue. Il mourut l'année suivante, 1787, âgé de trentecinq ans. C'est de lui que Monboddo tenait ce qu'il a dit de la langue italienne, dans son ouvrage sur l'Origine et les progrès du langage. On a conservé de Brown des dessins qui se font remarquer par la correction et le bon goût, X-s.

BROWN (JEAN), médecin écossais, naquit en 1756, dans un petit village du comté de Berwick. Sa vie offre un exemple, si commun dans l'histoire des sciences, de ces enfants que des dispositions naturelles entraînent vers un certain usage de leurs facultés, avec une force que ne peuvent arrêter les difficultés les plus puissantes de la fortune et de l'édu cation. Son père était un pauvre jours

nalier du village où il était né; sa mère gagnait quelque chose à vendre le lait d'une seule vache. Il n'avait pas encore quatre ans qu'il fut envoyé à une petite école tenue par une vieille femme; et, dans un âge encore si tendre, il se distingua par une telle vivacité d'intelligence, qu'au bout d'un an il lisait la Bible avec facilité. Il montra dès-lors un goût insatiable pour la lecture, au point que, dans les heures même de récréation, on ne le voyait jamais sans un livre à la main. Ses progrès dans tous les genres d'instruction qu'il pouvait recevoir, étaient étonnants; ils furent rallentis quelque temps par la mort de son père, et par le second mariage que contracta sa mère avec un tisserand, qui voulut faire apprendre son métier au jeune Brown; mais le penchant qui en traînait cet enfant vers les études littéraires, lui donnait pour cette profession un dégoût qu'il ne put dissimuler et que ses parents ne cherchèrent pas à combattre. Une circonstance particulière contribua à la complaisance qu'ils eurent à cet égard : ils étaient l'un et l'autre d'une secte de presbytériens, nommés seceders, qui, depuis quelque temps, faisait des progrès en Ecosse: ou leur suggera l'idée que leur fils, avec les talents extraordinaires qui se développaient en lui, pouvait devenir un des soutiens de la secte, comme prédicateur et comme ministre. On lui permit donc de continuer ses études dans l'école de Dunse, tenue par un habile maître. La rapidité et l'éclat de ses progrès le firent regarder comme un prodige. Il se fit autant remarquer par sa force et son adresse dans les exercices du corps, que par la promptitude de son intelligence dans ceux de l'esprit. Il faisait à pied des courses extraordinaires, et se distinguait dans

ces luttes, corps à corps, si familières aux Anglais. La fréquentation de ses condisciples, l'esprit peu tolérant des seceders, et quelques circonstances particulières, lui firent abandonner par humeur une secte qu'il n'avait embrassée que par imitation. Il ne s'en tint pas là, et la lecture de quelques ouvrages irreligieux le conduisit par degrés à une incrédulité totale, qu'il ne craignit pas d'avouer. A l'âge de treize ans, on lui confia l'éducation de l'enfant d'un homme considérable; mais la fierté de son caractère lui rendait trop pénible la sorte de dépendance que lui imposaient ses fonctions. Il alla à Edimbourg pour s'y livrer à l'étude de la théologie. Un de ses amis lui ayant proposé de mettre en latin une thèse de médecine écrite en anglais, il le fit avec une supériorité qui fut remarquée. Ce succès lui fit sentir sa force, et lui inspira le désir de se faire médecin : cette circonstance seule détermina sa destinée. Tous les médecins de l'université d'Edimbourg s'empressèrent de favoriser son ardeur pour Fétude de la médecine, et il y fit, comme dans toutes ses autres études, les progrès les plus rapides. Pour suppléer à son peu de fortune, il faisait des répétitions aux jeunes étudiants, et, s'étant marié en 1765, il fit de sa maison un pensionnat pour les élèves en médecine. Il fut bientôt admis dans la société médicale d'Edimbourg, dont on le nomma président en 1776 et en 1780. Ce fut alors qu'il conçut les premières idées du systême médical qui l'a rendu célèbre, et dont il développa les principes, peu de temps après, dans son ouvrage intitulé: Elementa medicine. Cet ouvrage, qui eut un grand éclat, établit la réputation de son auteur. Il joignit à une pratique deja très étendue, des cours publics qui

attiraient une grande affluence d'auditeurs. Ces succès auraient promptement assuré sa fortune, s'il avait eu une conduite plus sage et des mœurs plus régulières. Son caractère hautain et peu sociable lui fit beaucoup d'ennemis, et sa réputation excita l'envie. Il s'etait brouille avec son maître, le docteur Cullen, qui, frappé des talents extraordinaires et prématurés de son jeune disciple, avait été le premier à présager ses succès et à favoriser son avancement; il lui avait même confié l'instruction de ses enfants; mais la reconnaissance et les égards que méritaient ces bons offices ne purent empêcher Brown d'attaquer avec beaucoup de hauteur la doctrine de Cullen, en y opposant la sienne. Il s'était marié très jeune, et avait eu de bonne heure un grand nombre d'enfants. Son luxe, son désordre et son goût excessif pour les plaisirs consumèrent promptement la fortune que ses talents et sa réputation lui avaient acquise. On le vit, en 1784, fonder une loge de francs-maçons, où l'on ne devait parler qu'en latin. Il avait indisposé contre lui tous les premiers médecins d'Edimbourg, avec lesquels il dédaignait même de consulter; aussi, à la mort du docteur Monro, s'étant présenté pour lui succéder, il fut rejeté par l'université. Sa nouvelle doctrine avait formé, parmi les étudiants en médecine, un parti de brownistes, qui avait déclaré une guerre violente aux élèves de Cullen, auxquels on donnait le nom de cullenistes; et l'acharnement des deux partis était tel qu'il en résullait souvent des rixes sanglantes. Ces incidents dégoûtèrent Brown de la résidence d'Edimbourg. Il prit le parti, en 1786, de se rendre à Londres, où il espérait trouver des moyens de fortune que l'Ecosse ne pouvait plus lui offrir; mais il fat

trompé dans cette attente; des filous lui firent d'abord perdre au jeu une grande partie de l'argent qu'il avait apporté avec lui. Habitué à un genre de vie où il ne refusait rien à ses goûts et à ses fantaisies, il eut bientôt épuisé ses dernières ressources. Hors d'état d'acquitter les dettes qu'il avait contractées, ses créanciers le firent mettre dans la prison du Banc du roi, où il resta plusieurs mois, et d'où il fut tiré par la générosité d'un ami. C'est là qu'ayant appris que quelqu'un se proposait de traduire en anglais ses Elementa medicinæ, il se chargea luimême de cette traduction, qu'il acheva en très peu de temps. Cependant les expériences téméraires qu'il faisait dans le cours de ses leçons, en prenant de fortes doses d'opium et d'autres stimulants pour démontrer à ses auditeurs les effets de la méthode excitante, finirent par ruiner sa constitution, quelque robuste qu'elle fût. En 1788, l'ambassadeur de Prusse vint lui offrir, de la part de son maître, un établissement avantageux à la cour de Berlin; pendant que cette affaire se traitait, Brown fut frappé d'une attaque d'apoplexie, qui termina sa vie le 7 OCtobre de la même année: il avait environ cinquante-trois ans. Outre ses Eléments de médecine, il a laissé un petit ouvrage intitulé: Observations sur la médecine. Quelquesuns le croyent aussi l'auteur d'un autre petit ouvrage intitulé: Recherches, plus généralement attribué au docteur Jones. Le systême médical de Brown a éprouvé beaucoup de variations dans sa destinée; la violence de l'esprit de parti qu'il avait excitée en Ecosse à sa naissance, s'est promptement calmée, et ily trouve aujourd'hui plus de contradicteurs que de partisans. Ce systême fut reçu avec beaucoup de froideur à Londres, où il n'a que très peu de

vogue dans la pratique des médecins il paraît avoir eu plus de succès dans les autres pays de l'Europe, particulièrement en Allemagne, en Italie, et plus encore dans les Etats-Unis d'Amérique. Il nous reste à donner quelque idée des bases de cette doctrine célèbre, d'après l'exposé que le docteur Beddoes en a place à la tête des Eléments de médecine, et sur tout d'après quelques observations sur le même systême, qu'a bien voulu nous communiquer un médecin étranger résidant à Paris (M. Friedlander). Tout corps animé est une machine, composée de parties diverses dont la combinaison et les mouvements constituent la vie de l'animal; mais le jeu de la machine est soumis à l'action d'une puissance secrète, qui imprime le premier mouvement et qui l'entretient par des moyens encore inconnus; ses opérations ne peuvent s'expliquer par les lois de la mécanique, et paraissent supposer des qualités propres aux parties constituantes du corps vivant, et absolument étrangères à la matière morte. Plusieurs médecins philosophes se sont occupés, depuis quelque temps, à rechercher la nature de ce principe; mais cette découverte, qui doit être la clef de la physiologie animale, demande vraisemblablement encore des observations plus multipliées et plus approfondies, en attendant le coup"d'œil fécondant du génie. Brown ne s'est point occupé à rechercher la nature du principe de la vitalité; il s'est borné à en observer l'action par ses effets immédiats; et voici les résultats généraux de son observation: 1o. tout corps animé possède une certaine portion du principe d'où découle le phénomène de la vie; ce principe est désigné par le nom d'excitabilité; 2°. l'excitabilité varie, non seulement dans les animaux divers, mais encore dans

l'a

le même auimal en différents temps; et, selon qu'elle a plus d'énergie, nimal a une plus grande intensité de vie, c'est-à-dire, qu'il est plus susceptible de l'action des pouvoirs excitatifs; 3°. les pouvoirs excitatifs ou stimulants, peuvent être divisés en deux classes: en externes, comme la chaleur, l'air, la nourriture, le vin, les poisons, les médicaments, etc., et en internes, comme les mouvements musculaires, les fonctions vitales, la pensée et les affections de l'ame; 4°. Îa vie est un état forcé: si les pouvoirs excitants cessent d'agir, la vie cesse,. de même que lorsque l'excitabilité est épuisée; 5°. le siége de l'excitabilité est dans la portion médullaire des nerfs, ainsi que dans les fibres musculaires; dès qu'elle est stimulée dans une partie, elle l'est en même temps dans tout le systême; 6". l'excitation peut être on trop grande ou trop petite, ou dans une juste mesure. Il y a un état moyen d'équilibre qui constitue la santé ; il a lieu lorsque la quantité du stimulant ou du pouvoir excitatif est proportionnée à la quantité d'excitabilité; 70. le défaut d'équilibre, qui constitue l'état de maladie, naît, tantôt du manque de stimulant, par conséquent d'excès d'excitabilité, tantôt d'excès de stimulant, et par conséquent d'épuisement d'excitabilité 8°. toutes les maladies peuvent être rangées sous deux divisions principales, les unes naissant d'un excès de force (sténiques), les autres d'un défaut de force (asténiques). D'après ce petit nombre de données, on con çoit que les règles des méthodes curatives doivent être fort simples: il n'y aura que des remèdes stimulants qui épuisent plus ou moins l'excitabilité, ou qui la provoquent peu à peu, jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli. Brown n'admet point, parmi les médicaments,

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