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uns au-deffus des autres? Chacun d'eux peint fur ce papier la couleur primitive qu'il porte en lui-même. Le premier rayon qui s'écarte le moins de cette perpendiculaire du prisme eft couleur de feu, le fecond orangé, le troisième jaune, le quatrième verd, le cinquième bleu, le fixième pourpre; enfin celui qui s'écarte davantage de la perpendiculaire, et qui s'élève le dernier au-deffus des autres, eft le violet. Un feul faisceau de lumière, qui auparavant fefait la couleur blanche, eft donc un compofé de fept faisceaux qui ont chacun leur couleur. L'affemblage de fept rayons primordiaux fait donc le blanc.

Si vous en doutez encore, prenez un des verres lenticulaires de lunette, qui raffemblent tous les rayons à leur foyer: exposez ce verre au trou par lequel entre la lumière: vous ne verrez jamais à ce foyer qu'un rond de blancheur. Expofez ce même verre au point où il pourra raffembler tous les fept rayons partis du prisme; il réunit, comme vous le voyez, ces fept rayons dans fon foyer (figure 21). La couleur de ces fept rayons réunis eft blanche: donc il eft démontré que la couleur de tous les rayons réunis eft la blancheur. Le noir par conféquent fera le corps qui ne réfléchira point de rayons. Car lorsqu'à l'aide du prisme vous avez séparé un de ces rayons primitifs, expofez-le à un miroir, à un verre ardent, à un

autre prisme, jamais il ne changera de couleur, jamais il ne fe féparera en d'autres rayons. Porter en foi une telle couleur eft fon effence; rien ne peut plus l'altérer; et pour furabondance de preuves, prenez des fils de foie de différentes couleurs; expofez un fil de foie bleue, par exemple, au rayon rouge, cette foie deviendra rouge; mettez-la au rayon jaune, elle deviendra jaune; ainfi du refte. Enfin ni réfraction, ni réflexion, ni aucun moyen imaginable ne peut changer ce rayon primitif, femblable à l'or que le creuset a éprouvé, et encore plus inaltérable.

Cette propriété de la lumière, cette inégalité dans les réfractions de fes rayons, eft appelée par Newton réfrangibilité. On s'est d'abord révolté contre le fait, et on l'a nié long-temps, parce que M. Mariotte avait manqué en France les expériences de Newton. On aima mieux dire que Newton s'était vanté d'avoir vu ce qu'il n'avait point vu, que de penfer que Mariotte ne s'y était pas bien pris pour voir, et qu'il n'avait pas été affez heureux dans le choix des prifmes qu'il employa. Ensuite même, lorsque ces expériences ont été bien faites, et que la vérité s'eft montrée à nos yeux, préjugé a subfifté encore au point que, dans plufieurs journaux et dans plufieurs livres faits depuis l'année 1730, on nie hardiment ces

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mêmes expériences, que cependant on fait dans toute l'Europe. C'eft ainfi qu'après la découverte de la circulation du fang, on foutenait encore des thèses contre cette vérité, et qu'on voulait même rendre ridicules ceux qui expliquaient la découverte nouvelle, en les appelant circulateurs. Enfin, quand on a été obligé de céder à l'évidence, on ne s'eft pas rendu encore on a vu le fait, et on a chicané fur l'expreffion; on s'eft révolté contre le terme de réfrangibilité auffi-bien que contre celui d'attraction, de gravitation. Eh! qu'importe le terme, pourvu qu'il indique une vérité ? Quand Christophe Colomb découvrit l'île Hifpaniola, ne pouvait-il pas lui imposer le nom qu'il voulait ? Et n'appartient-il pas aux inventeurs de nommer ce qu'ils créent ou ce qu'ils découvrent? On s'eft écrié, on a écrit contre ces mots que Newton emploie avec la précaution la plus fage pour prévenir des erreurs.

Il appelle ces rayons rouges, jaunes, &c. des rayons rubrifiques, jaunifiques, c'est-à-dire, excitant la fenfation de rouge, de jaune. Il voulait par-là fermer la bouche à quiconque aurait l'ignorance ou la mauvaise foi de lui imputer qu'il croyait, comme Ariftote, que les couleurs font dans les choses mêmes, dans ces rayons jaunes et rouges, et non dans notre ame. Il avait raison de craindre cette accusation.

J'ai trouvé des hommes, d'ailleurs refpectables, qui m'ont affuré que Newton étant péripatéticien ; il penfait que les rayons font colorés en effet eux-mêmes, comme on penfait autrefois que le feu était chaud; mais ces mêmes critiques m'ont affuré que Newton était athée auffi. Il eft vrai qu'ils n'avaient pas lu fon livre, mais ils en avaient entendu parler à des gens qui avaient écrit contre fes expériences fans les avoir vues. Ce qu'on écrivit d'abord de plus doux contre Newton, c'eft que fon fyftême eft une hypothèse; mais qu'eft-ce qu'une hypothèse? une fuppofition. En vérité, peut - on appeler du nom de supposition des faits tant de fois démontrés ? Eft - ce parce qu'on eft né en France qu'on rougit de recevoir la vérité des mains d'un anglais ? ce fentiment ferait bien indigne d'un philosophe. Il n'y a, pour quiconque penfe, ni français, ni anglais; celui qui nous inftruit eft notre compatriote.

La réfrangibilité et la réflexion dépendent évidemment de la même caufe. Cette réfrangibilité que nous venons de voir, étant attachée à la réfraction, doit avoir fa fource dans le même principe. La même caufe doit préfider au jeu de tous ces refforts: c'eft-là l'ordre de la nature. Tous les végétaux fe nourriffent par les mêmes lois; tous les animaux ont les mêmes principes de vie. Quelque chofe qui arrive

aux corps en mouvement, les lois du mouvement font invariables. Nous avons déjà vu que la réflexion, la réfraction, l'inflexion de la lumière font les effets d'un pouvoir qui n'eft point l'impulfion (au moins connue): ce même pouvoir fe fait fentir dans la réfrangibilité; ces rayons, qui s'écartent à des diftances différentes, nous avertiffent que le milieu dans lequel ils paffent agit fur eux inégalement. Un faifceau de rayons eft attiré dans le verre ; mais ce faisceau de rayons eft compofé de fubftances différentes. Ces maffes font donc inégalement attirées; fi cela eft, elles doivent donc se réfléchir de ce prisme dans le même ordre qu'elles s'y font réfractées; le rayon le plus réflexible doit être le plus réfrangible.

Ce prifme a envoyé fur ce papier ces fept couleurs : tournez ce prisme fur lui-même dans le fens ABC (figure 22), vous aurez bientôt cet angle, felon lequel toute lumière se réfléchira de dedans ce prisme au-dehors, au lieu de paffer fur ce papier. Sitôt que vous commencez à approcher de cet angle, voilà tout d'un coup le rayon violet qui fe détache de ce papier, et que vous voyez le porter au plafond de la chambre. Après le violet vient le pourpre, le bleu ; enfin le rouge quitte le dernier ce papier, où il eft peint, pour venir à son tour fe réfléchir fur le plafond; donc tout rayon eft

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