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Mais qui vient fur fes pas ? C'eft une précieuse, Refte de ces Efprits jadis fi renommez,

Que d'un coup de fon art Moliére a diffamez.
De tous leurs fentimens cette noble héritière
Maintient encore ici leur fecte façonniére.
C'est chez elle toujours que les fades Auteurs
S'en vont fe confoler du mépris des Lecteurs.
Elle y reçoit leur plainte, & fa docte demeure
Aux Perrins, aux Corras eft ouverte à toute heure.
Là du faux bel efprit fe tiennent les bureaux
Là tous les vers font bons, pourvû qu'ils foient

nouveaux,

Au mauvais goût public la Belle y fait la guerre :
Plaint Pradon oprimé des fiflets du Parterre,
Rit des vains Amateurs du Grec & du Latin,
Dans la balance met Ariftote & Cotin;
Puis d'une main encor plus fine & plus habile
Péfe fans paffion Chapelain & Virgile;

Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretez;
Mais pourtant confeffant qu'il a quelques beautez,
Ne trouve en Chapelain, quoi qu'ait dit la Satire,
Autre défaut, finon, qu'on ne le fçauroit lire;
Et pour faire goûter fon Livre à l'Univers
Croit qu'il faudroit en profe y mettre tous les Vers.
(3) A quoi bon m'étaler cette bizarre Ecole,
Du mauvais fens, dis-tu, prêché par une Fole?
De livres & d'écrits bourgeois admirateur
Vai-je époufer ici quelque aprentive Auteur?
Sçavez-vous que l'Epoufe avec qui je me lie
Compte entre fes parens des Princes d'Italie ?
Sort d'Ayeux dont les noms.... Je t'entens, & je voy
D'où vient que tu t'es fait Secrétaire du Roy.
Il falloit de ce titre apuyer ta naiffance.

་ Com

Cependant, t'avourai-je ici mon infolence?

Si quelque objet pareil chez moi, deçà les Monts,
Pour m'époufer entroit avec tous ces grands noms,
Le fourci rehauffé d'orgueilleufes chimères;

Je lui dirois bien tôt : Je connois tous vos Péres; Je fçai qu'ils ont brillé dans ce fameux combat *bat de Où fous l'un des Valois Engaien fauva l'Etat, [être Cerizoles D'Hozier n'en convient pas;mais, quoiqu'il en puisse gagné Le Jene fuis point fi fot que d'époufer mon maître. Ainfi donc au plûtôt délogeant de ces lieux, d'En- Allez, Princeffe, allez avec tous vos Ayeux, alie. Sur le pompeux débris des lances Espagnoles,

Duc

guien en

Coacher, fi vous voulez, aux champs de Cérizoles.
Ma maison ni mon lit ne font point faits pour vous,
J'admire, pourfuis tu, votre noble couroux.
Souvenez-vous pourtant que ma famille illuftre
De l'affiftance au fceau ne tire point fon luftre;
Et que né dans Paris de Magiftrats connus,
Je ne fuis point ici de ces Nouveaux venus,
De ces Nobles fans nom, que par plus d'une voye
La Province fouvent en guestre nous envoye.
Mais euffai-je comme eux des Meuniers pour parens
Mon Epoufe vint-elle encore d'Ayeux plus grands,
On ne la verroit point, vantant fon origine,
A fon trifte Mari reprocher la farine.
Son cœur toûjours nourri dans la dévotion,
De trop bonne heure aprit l'humiliation : ·
Et pour vous détromper de la pensée étrange,

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Malo Venufinam, quàm te, Cornelia mater
Gracchorum, fi cum magnis virtutibus affers
Grande fupercilium & numeras in dote triumphos..
Tolle tuum precor, Hannibalem, victumque Syphacem
In caftris & cum tota Carthagine migra.

Que l'Hymen aujourd'hui la corrompe & la changes Sçachez qu'en nôtre accord elle a, pour premier point.

Exigé, qu'un époux ne la contraindroit point
A traîner après elle un pompeux équipage,
Ni fur tout de fouffrir, par un profane ufage,.
Qu'à l'Eglife jamais devant le Dieu jaloux
Un faftueux carreau foit và fous fes genoux [te...
'Telle, eft l'humble vertu qui dans fon ame emprain→
Je le voi bien. Tu vas époufer une Sainte:
Et dans tout ce grand zèle il n'est rien d'affecté.
Sçais-tu bien cependant fous cette humilité
L'orgueil que quelquefois nous cache une Bigotte,
Alcippe, & connois-tu la nation dévote?

Il te faut de ce pas en tracer quelques traits,
Et par ce grand portrait finir tous mes portraits.
A Paris, à la Cour on trouve, je l'avouë,

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Des Femmes dont le zèle est digne qu'on le louë,
Qui s'occupent du bien en tout tems, en tout lieu:
J'en fçais une chérie & du monde & de Dieu,
Humble dans les grandeurs, fage dans la fortune;
Qui gémit, comme Efther, de fa gloire importune,
Que le vice lui-même eft contraint d'estimer,
Et que fur ce tableau d'abord tu vas nommer.
Mais pour quelques Vertus fi pures, fi fincéres,
Combien y trouve-t-on d'impudentes Faussaires,
Qui fous un vain dehors d'austére piété
De leurs crimes fecrets cherchent l'impunité,
Et couvrent de Dieu même empraint fur leur vifage
De leurs honteux plaifirs l'affreux libertinage?
N'atten pas qu'à tes yeux j'aille ici l'étaler.
Il vaut mieux le fouffrir que de le dévoiler.
De leurs galans exploits les Buffis, les Brantômes

Pourroient avec plaifir te compiler des tomes?
Mais pour moi dont le front trop aifément rougit
Ma bouche a déja peur de t'en avoir trop dit.
Rien n'égale en fureur, en monftrueux caprices,
Une fauffe Vertu qui s'abandonne aux vices.

De ces Femmes pourtant l'hypocrite noirceur Au moins pour un Mari garde quelque douceur. Je les aime encor mieux qu'une Bigotte altiére Qui dans fon fol orgueil, aveugle, & fans lumiére, A peine fur le feüil de la dévotion

Penfe atteindre au fommet de la perfection.
Qui du foin qu'elle prend de me gêner fans ceffe
Va quatre fois par mois fe vanter à confesse,
Et les yeux vers le Ciel, pour fe le faire ouvrir,
Offre à Dieu les tourmens qu'elle me fait fouffrir.
Sur cent pieux devoirs aux Saints elle est égale
Elle lit Rodriguez, fait l'oraison mentale,
Va pour les malheureux quêter dans les maisons,
Hante les hôpitaux, vifite les prifons,

Tous les jours à l'Eglife entend-jufqu'à fix Meffes,
Mais de combattre en elle, & domter fes foibleffes:
Sur le fard, fur le jeu vaincre fa paffion,

Mettre un frein à fon luxe, à fon ambition,
Et foumettre l'orgueil de fon efprit rebelle,
C'est ce qu'en vain le Ciel voudroit exiger d'elle
Et peut-il, dira-t-elle, en effet l'exiger,
Elle a fon Directeur, c'est à lui d'en juger,
Il faut, fans différer, fçavoir ce qu'il en penfe.
Bon! vers nous à propos je le voi qui s'avance.
Qu'il paroit bien nourri ! quel vermillon! Quef
teint !

Le Printems dans fa fleur fur fon vifage eft peint
Cependant, à l'entendre, il fe foûtient à peine.

Il eut encore hier la fiévre & la migraine;

Et fans les promts fecours qu'on prit foin d'aporter,
Il feroit fur fon lit peut-être à tremblotter.
Mais de tous les Mortels, graces aux dévotes Ames,
Nul n'eft fi bien foigné qu'un Directeur de Femmes..
Quelque leger dégoût vient-il le travailler?
Une froide vapeur le fait elle bâiller?

Un efcadron coëffé d'abord court à fon aide:
L'un chauffe un bouillon, l'autre aprête un reméde.
Chez lui fyrops exquis, ratafias vantéz,

Confitures fur tout volent de tous côtez:
Car de tous mets fucrez, fecs, en pâte, ou liquides,
Les eftomachs dévots toûjours furent avides:
Le premier maffe-pain pour eux, je croi, fe fit.
Et le premier citron à Rouen fut confit.
Nôtre Docteur bien-tôt va lever tous fes doutes,
Du Paradis pour elle il aplanit les routes;
Et, loin fur fes défauts de la mortifier,
Lui-même prend le foin de la juftifier.
Pourquoi vous allarmer d'une vaine cenfure?
Du rouge qu'on vous voit on s'étonne,on murmuret
Mais a-t-on, dira-t-il, fujet de s'étonner?
Eft-ce qu'à faire peur on veut vous condamner ?
Aux ufages reçûs il faut qu'on s'accommode,
Une Femme fur tout doit tribut à la Mode.
L'orgueil brille, dit-on, fur vos pompeux habits,
L'œil à peine foutient l'éclat de vos rubis :
Dieu veut-il qu'on étale un luxe fi profane?
Oui lors qu'à l'étaler nôtre rang nous condamne.
Mais ce grand jeu chez vous comment l'autorifer?
Le jeu fut de tous tems permis pour s'amufer.
On ne peut pas toûjours travailler, prier, lire,
Il vaut mieux s'occuper à jouer qu'à médire.

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