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Le mérite & l'efprit ne font plus à la mode,
Qu'un Poëte, dit-il, s'y voit maudit de Dieu,
Et qu'ici la vertu n'a plus ni feu ni lieu.

Allons du moins chercher quelque antre ou quelque roche,

D'où jamais ni l'Huiffier, ni le Sergent n'aproche; Et fans laffer le Ciel par des vœux impuiffans, Mettons-nous à l'abri des injures du tems. Tandis que libre encore, malgré les destinées, Mon corps n'eft point courbé fous le faix des an nées :

Qu'on ne voit point mes pas fous l'âge chanceler, (2) Et qu'il refte à la Parque encor dequoi filer. C'eft là dans mon malheur le feul confeil à fuivre, (3) Que George vive ici, puisque George y fçait

vivre.

Qu'un million comptant par fes fourbes acquis,
De Clerc jadis Laquais a fait Comte & Marquis.
Que Jaquin vive ici, dont l'adreffe funefte
A plus caufé de maux que la guerre & la pefte,
Qui de fes revenus écrits par alphabet,
Peut fournir aisément un Calepin complet.

de Juvenal, où Umbritius quittant Rome lui fait de semblables reproches, depuis le vf. 21.

Quando artibus, inquit, honeftis

Nullus in urbe locus, nulla emolumenta laborum,
Res hodie minor eft, here quàm fuit, atquè eadem cras
Deteret exignis aliquid, proponimus illuc

Ire fatigatas ubi Dedalus exuir alas.

(2) Dans la même Satire, vf. 26.

Dùm nova canities, dùm prima & re&a fenectus
Dùm fuper eft Lachefi quod torqueat, & pedibus me
Porto meis, nullo dextram fubeunte bacillo.

(3) Ibid. f. 29.

Vivant Arturius illic

Et Catulus; mancant qui nigrum in candida vertunte

Qu'il régne dans fes lieux, il a droit de s'y plaire; (4) Maismoj, vivre à Paris! Eb, qu'y voudrois‚ ...ɔ je faire ? ....da.

Je ne fçai ni tromper; ni feindre, ni mentir,
Et quand je le pourrois, je n'y puis consentir.
Je ne sçai point en lâche effuyer les outrages
D'un Faquin orgueilleux qui vous tient à fes gages;
Demes Sonnets flateurs lasser tout l'univers,
Et vendre au plus offrant mon encens & mes vers.
Pour un fibas emploi ma Mufe eft trop altiére;
Je fuis ruftique & fier, & j'ai l'ame groffière.
Je ne puis rien nommer, fi ce n'eft per fon nom:
J'apelle un chat un chat, & Rolet un fripon.
De fervir un Amant, je n'en ai pas l'adresse:
J'ignore ce grand art qui gagne une maîtreffe,
Et je suis à Paris, trifte, pauvre & reclus,
(5) Ainfi qu'un corps fansame, ou devenu perclus.
Mais pourquoi, dira-t-on, cette vertu sauvage,
Qui court à l'hôpital, & n'eft plus en ufage?
La richeffe permet une jufte fierté;
Mais il faut être fouple avec la pauvreté.
C'est par là qu'un Auteur, que preffe l'indigence,
Peut des aftres malins corriger l'influence,
(6) Et que le burlesque, en ce fiécle de fer,

D'un Pédan, quand il veut, sçait faire un Duc &
Pair.

of. 41.

Quid Romæ faciam ? mentiți nefcio.

(5) Ibid. vf. 45.

Tanquam

Mancus, & exftinâæ corpus non utile dextræ.

(6) Fuvenal, Saṛ. IIL. vf. 39.

Quales ex bumili magna ad faftigia rerum

Extollit, quoties voluir fortuna jocari.

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I

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Ainfi de la Vertu la fortune fe jouezhongbi Hu✪ Tel aujourd'hui triomphe au plus haut de fa roud, Qu'on verroit de couleurs bizarrement orné, Conduire le caroffe où l'on le voit traîné Si dans les droits du Roi fa funefte Teience Par deux ou trois avis m'ent ravagé la France) sqr9[ Je fçai qu'un jufte effroi l'éloignant de ces lieux, L'a fait pour quelques mois difparoître ambs yeux i (7) Mais en vain pour un tems une taxe l'exile On le verra bien-tôt pompeux en cette villey Marcher encor chargé des dépouilles d'autrui, Et jouir du Ciel même irrité contreldrix ning sa of *On Tandis que Colletet crotte jufqu'à l'échine,quí Prouvera S'en va chercher Ton pain de cuifine en cuilme! sa ularitez Sçavant en de métier fi cher aux beaux Esprits, l remar- Dont Monmayr autrefois fit leçon dans Paris. quables Il eft vrai que du Roi la bonté fecourable¡A (2) pauvreté Jette enfin fur la Mule un regard favorable, rer, dans Et réparant du fort l'aveuglenient fatal 100 in le 1.Tome Va tirer deformais Phebus de l'hôpital. des Che- On doit tout efperer d'un Monarque fi fufte!i ei einfi Mais fans un Mecenas, à quoi fert un Auguste à Et fait comme je fuis, au fiécle d'aujourd'hui Qui voudra s'abaiffer à me fervir d'apui Et puis comment percer Cette e foule effroyable a De Rimeurs affamez dont le nombre l'accable, Qui, dès que fa main s'ouvre, y courent les premiers,

des parti

de la

de Colle

vraana

P. 30.

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Et raviffent un bien qu'on devoit aux derniers?

(7) Juvenal, Sat. 1; 47:

Damnatus i

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Judicio (quid enim falvis infamia nummis ?
Exul ab octava Masius bibir, & fruitur Dis
Tracis.

Comme on voit les Frêlons, troupe lâche & stérile,
Aller piller le miel que l'abeille distile.
Ceffons donc d'afpirer à ce prix tant vanté,
Que donne la faveur à l'importunité.

(8) Saint-Amand n'eut du Ciel que fa veine en
partage, *

On trouvera

un Com.

L'habit qu'il eut fur lui, fut fon feul héritage:
Un lit & deux placets compofoient tout fon bien,
Ou, pour en mieux parler, Saint-Amand n'avoit sur ce

rien.

Mais quoi, las de traîner une vie importune,
Il engagea ce rien pour chercher la Fortune;'

vers . dans le I. Tome des Cho

VTRADA

Et tout chargé de vers qu'il devoit mettre au jour, p. 346
Conduit d'un vain efpoir il parut à la Cour.
Qu'arriva-t-il enfin de fa Mufe abusée ?..
Il en revint couvert de honte & de risée ;
Et la fiévre au retour terminant fon destin,
Fit par avance en lui ce qu'auroit fait la faim.
Un Poëte à la Cour fut jadis à la mode :

Mais des fous aujourd'hui c'eft le plus incommode;
Et l'efprit le plus beau, l'Auteur le plus poli,
N'y parviendra jamais au fort de l'Angeli,

Faut-il donc deformais joüer un nouveau rôle
Dois-je, las d'Apollon, recourir à Bartôle,
Et feüilletant Loüet allongé par Brodeau,
D'une robe à longs plis balayer le Barreau ?.
Mais à ce feul penfer, je fens que je m'égare.
Moi? que j'aille crier dans ce païs barbare,
Où l'on voit tous les jours l'innocence aux abois
Errer dans les détours d'un Dédale de lois,

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* C'était un fou de

? Louis 11.

(8) Il y a dans cette description de la pauvreté de S. Amand › des traits tirez, de la 3. Satire de Juvenal comme celui-ci ; Nil habuit Codrus, quis enim negat ? & tamen illud Perdidit infelix totum nihil,

Prince de
Condé.

Et dans l'amas confus des chicanes énormes

Ce qui fut blanc au fond rendu noir par les formes:
Où Patru gagne moins qu'Uot & le Mazier;
Et dont les Cicérons fe font chez Pe-Fournier.
Avant qu'un tel deffein m'entre dans la pensée,
On pourra voir la Seine à la Saint Jean glacée,
Arnaud à Charenton devenir Huguenot,
Saint-Sorlin Janfenifte, & Saint-Pavin bigot.
Quittons donc pour jamais une Ville importune
Où l'Honneur eft en guerre avecque la Fortune;
Où le Vice orgueilleux s'érige en Souverain,
Et va la mître en tête & la croffe à la main :
(9) Où la Science trifte, affreufe & délaiffée,
Eft par-tout des bons lieux comme infâme chaffée,
Où le feul art en vogue eft l'art de bien voler:
Où tout me choque: Enfin, où... Je n'ofe parler.
Et quel Homme fi froid ne feroit plein de bile,
A l'afpect odieux des mœurs de cette Ville?
Qui pourroit les fouffrir? & qui, pour les blâmer
Malgré Mufe & Phébus n'aprendroit à rimer?
Non, non,
fur ce fujet, pour écrire avec grace, [
Il ne faut point monter au fominet du Parnaffe:
Et fans aller rêver dans le double Vallon,

(10) La colere fuffit, & vaut un Apollon.

(9) Régnier a dit

Si la Science pauvre, affreufe & méprifée

Sert au peuple de Fable, aux plus grands de rifée.

Il y a aparence que l'Auteur a en 'en vûë ces vers de Régnier, fameux Poëte Satirique qu'il eftime beaucoup, comme il paroit par l'éloge qu'il en fait dans son Art Poëtique, Chant 2. vers la fin,

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(10) Juvenal, Sat. 1. vf. 79.

Si natura negat, facit indignatio verfum.

Puis fouvent la colére engendra de bons vers.

C'est ainsi que Régnier a traduit ce vers de Juvenal. On wuề

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