qui les aprouveront à trouver des raifons pour les deffendre. C'elt tout l'avis que j'ai à donner iel au Lecteur.
La bienséance néanmoins voudroit, ce me femble, que je fiffe ici quelque excufe au Beau Sexe, de la liberté que je me fuis donnée de peindre fes vices. Mais au fond, toutes les peintures que je fais dans ma Satire font fi générales, que bien loin d'apréhender que les femmes s'en offenfent, c'eft fur leur aprobation & fur leur curiofité que je fonde la plus grande efpérance du fuccès de mon Ouvrage. Une chofe au moins dont je fuis certain qu'elles me loüeront, c'est d'avoir trouvé moyen dans une matiére auffi délicate que celle que j'y traite, de ne pas laiffer échaper un feul mot qui pût blesser le moins du monde la pudeur. J'efpére donc que j'obtiendrai aisément ma grace, & qu'elles ne feront pas plus choquées des prédications que je fais contre leurs défauts dans cette Satire, que des Satires que les Prédicateurs font tous les jours en chaire contre ces mêmes défauts.
Nfin bornant le cours de tes galanteries,
E Alcippe, il eft donc vrai, dans peu tu te maries,
Sur l'argent, c'est tout dire, on eft déja d'accord. Ton Beaupere futur vuide son coffre fort, Et déja le Notaire a, d'un ftile énergique, Griffonné de ton joug l'inftrument authentique. C'est bien fait. Il eft tems de fixer tes defirs. Ainfi que fes chagrins l'Hymen a fes plaifirs. Quelle joïe en effet, quelle douceur extrême ! De se voir careffer d'un Epouse qu'on aime : De s'entendre apeller petit Cœur, ou mon Bon, De voir au tour de foi croître dans fa maifon, Sous les paisibles loix d'une agréable Mere, De petits Citoyens dont on croit être Pere! Quel charme! au moindre mal qui nous vient me
Fuves nal a fait une Sati
re contre les Fem
De la voir auffi-tôt accourir, s'empreffer, S'effrayer d'un péril qui n'a point d'aparence, Et fouvent de douleur fe pâmer par avance. Car tu ne feras point de ces jaloux affreux, Habiles à fe rendre inquiets, malheureux, Qui tandis qu'une Epoufe à leurs yeux fe defole, Pensent toûjours qu'un autre en fecret la confole. Mais quoi, je vois déja que ce difcours t'aigrit. plus bel Charmé de Juvénal, * & plein de fon efprit Venez-vous, diras-tu, dans une piéce outrée, (1) Comme lui nous chanter; † Que dès le tems
+ Paro les du commen cement de la Satire de Fuve nal.
La Chafteté déja, la rougeur fur le front Avoit chez les Humains reçû plus d'un affront Qu'on vit avec le fer nattre les injustices, L'Impiété, l'Orguëil, & tous les autres Vices, Mais que la bonne Foi dans l'amour conjugal N'alla point jufqu'au tems du troifiéme Métal ?
Ces mots ont dans fa bouche une emphase admi
Mais je vous dirai, moi, fans alléguer la fable, Que fi fous Adam même & loin avant Noé, Le vice audacieux des Hommes avoüé
A la trifte Innocence en tous lieux fit la guerre, Il demeura pourtant de l'honneur fur la Terre: Qu'aux tems les plus féconds en Phrynez, en Laïs Plus d'une Pénélope honora fon païs ; Et que même aujourd'hui, fur ces fameux modèles, On peut trouver encor quelques Femmes fidèles.
Sans doute; & dans Paris, fi je fçai bien compter, Il en eft jufqu'à trois, que je pourrois citer. Ton époufe dans peu fera la quatrième.
Je le veux croire ainfi: Mais la Chafteté même Sous ce beau nom d'épouse entra-t'elle chez toi De retour d'un voyage, en arrivant, croi moi, Fais toûjours du logis avertir la maîtreffe.
Tel partit tout baigné des pleurs de fa Lucréce; Qui faute d'avoir pris ce foin judicieux, Trouva. Tu fçais.... Je fçai que d'un conte odieux Vous avez comme moi fali votre mémoire. Mais laiffons là, dis-tu, Joconde & fon histoire. Du projet d'un Hymen déja fort avancé, Devant vous aujourd'hui criminel dénoncé, Et mis fur la fellete aux pieds de la Critique, Je voi bien tout de bon qu'il faut que je m'explique
Jeune autrefois par vous dans le monde conduit T'ai trop bien profité, pour n'être pas inftruit A quels difcours malins le Mariage expofe. Je fçai, que c'est un texte où chacun fait fa glofe: Que de Maris trompez, tout rit dans l'Univers. Epigrammes, Chanfons, Rondeaux, Fables en
Satire, Comédie, & fur cette matiére,
J'ai vit tout ce qu'ont fait la Fontaine & Moliére, J'ai lû tout ce qu'ont dit Villon, & Saint-Gelais, Ariofte, Marot, Bocáce, Rabelais,
Et tous ces vieux Recuëils de Satires naïves Des malices du Sexe immortelles archives. Mais, tout bien balancé, j'ai pourtant reconnu Que de ces contes vains le Monde entretenu N'en a pas de l'Hymen moins vû fleurir l'usage; Que fous ce joug moqué tout à la fin s'engage: Qu'à ce commun filet les Railleurs même pris Ont été très-fouvent de commodes Maris : Et que pour être heureux fous ce joug falutaire Tout dépend en un mot du bon choix qu'on fçait faire.
Enfin, il faut ici parler de bonne foi, Je vieillis ; & ne puis regarder fans effroi, Ces Neveux affamez, dont l'importun vifage De mon bien à mes yeux fait déja le partage. Je croi déja les voir, au moment annoncé Qu'à la fin, fans retour, leur cher Oncle eft paffé, Sur quelques pleurs forcez qu'ils auront foin qu'on voïe,
Se faire confoler du fujet de leur joïe.
Je me fais un plaifir, à ne vous rien celer, De pouvoir, moi vivant, dans peu les defoler}
Et, trompant un espoir pour eux fi plein de charmess Arracher de leurs yeux de véritables larmes. [fon,
Vous dirai-je encor plus ? Soit foibleffe, ou rai- Je fuis las de me voir les foirs en ma maifon Seul avec des Valets fouvent voleurs & traîtres Et toûjours à coup für ennemis de leurs Mattres.. Je ne me couche point, qu'auffi tôt dans mon lit Un fouvenir fâcheux n'aporte à mon efprit
Ces Hiftoires des morts lamentables, tragiques, Dont Paris tous les ans peut groffir fes Chroniques. Dépouillons-nous ici d'une vaine fierté.
Nous naiffons, nous vivons pour la Société. A nous-mêmes livrez dans une folitude Nôtre bonheur bien-tôt fait nôtre inquiétude Et fi, durant un jour, nôtre premier Ayeul. Plus riche d'une côte avoit vécu tout feul, Je doute, en fa demeure alors fi fortunée, S'il n'eût point prié Dieu d'abreger la journée. N'allons donc point ici réformer l'Univers, Ni par de vains difcours, & de frivoles vers Etalant au Public notre mifanthropie, Cenfurer le lien le plus doux de la vie.
Laiffons-là, croyez-moi, le monde tel qu'il eft. L'Hyménée est un joug, & c'est ce qui m'en plaît. L'Homme en fes paffions toûjours errant fans guide A befoin qu'on lui mette & le mors & la bride. Son pouvoir malheureux ne fert qu'à le gêner, Et pour le rendre libre, il le faut enchaîner.
C'eft ainfi que fouvent la main de Dieu l'affifte. ve Def Ha bon! voilà parler en docte Janfénifte! mares Alcippe, & fur ce point fi fçavamment touché, fameux Prédica Des-mares, dans faint Rech, n'auroit pas mieux
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