Pétrifié fa vaine, & glacé son esprit?
Quand un Livre au Palais fe vend & fe débite,. Que chacun par fes yeux juge de fon mérite: Que Bilaine l'étale au deuxième Pilier : Le dégoût d'un Cenfeur peut-il le décrier? En vain contre le Cid un Ministre se ligue, Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue,. L'Académie en corps a beau le censurer, Le Public révolté s'obstine à l'admirer. Mais lorfque Chapelain met une œuvre en lumiére, Chaque Lecteur d'abord lui devient un Liniére. * En vain il a reçû l'encens de mille Auteurs, Son livre en paroiffant dément tous fes flâteurs. Ainfi, fans m'accufer, quand tout Paris le joue, Chape Qu'il s'en prenne à fes vers que Phébus defavouë, Qu'il s'en prenne à fa Mufe Allemande en François, Mais laiffons Chapelain pour la dernière fois. La Satire, dit-on, est un métier funeste, Qui plaît à quelque gens, & choque tout le refte.. La fuite en eft à craindre, en ce hardi métier La peur plus d'une fois fit repentir Régnier. Quittez ces vains plaifirs, dont l'apas vous abufe A de plus doux emplois occupez votre Muse : Et laiffez à Feüillet + réformer l'Univers. Et fur quoi donc faut il que s'exercent mes vers? Irai-je dans une Ode, en phrafes de Malherbe, Troubler dans fes rofeaux le Danube superbe : Délivrer de Sion le peuple gémissant ; Faire trembler Memphis, ou palir le Croiffant; Et paffant du Fourdain les ondes alarmées, Cueillir, mal-à-propos, les palmes Idumées ? Viendrai je, en une Eglogue, entouré de trou peaux,
+ fameux Prédica teur, fort
outré
dans fes Prédica
tions.
Au milieu de Paris enfler mes chalumeaux, Et dans mon cabinet affis au pied des hêtres, Faire dire aux échos des fotifes champêtres ? Faudra-t'il de fens froid, & fans être amoureux ; Pour quelque Iris en l'air, faire le langoureux; Lui prodiguer les noms de Soleil & d'Aurore, Et toûjours bien mangeant mourir par métaphore? Je laiffe aux doucereux ce langage affecté, Où s'endort un efprit de molleffe hébété.
La Satire en leçons, en nouveautez fertile, Sçait feule affaifonner le plaifant & l'utile, Et d'un vers qu'elle épure aux rayons du bon fens, Détromper les Efprits des erreurs de leur tems. Elle feule bravant l'orgueil & l'injustice, Va jufques fous le dais faire pâlir le vice,
Et fouvent fans rien craindre, à l'aide d'un bon
Va vanger la raifon des attentats d'un Sot. (5) C'est ainsi que Lucile apuïé de Lélie, Fit juftice en fon tems des Cotins d'Italie, Et qu'Horace jettant le fel à pleines mains, Se joüoit aux dépens des Pelletiers Romains. C'eft elle qui m'ouvrant le chemin qu'il faut fui
M'infpira dès quinze ans la haine d'un fot livre, Et fur ce Mont fameux où j'ofai la chercher,
45) Perfe, pour s'excufer de ce qu'il faifoit des Satires, Sat 1. vf. 114.
Te Lupe, Te Muti, & genuinum fregit in illis.
Omne vafer vitium ridenti Flaccus amico
Voyez un paffage d'Horace là-deffus, cité fur la Satire VII.
Fortifia mes pas, & m'aprit à marcher.
C'est pour elle en un mot, que j'ai fait vœu d'é
Toutefois, s'il le faut, je veux bien, m'en dé
Et pour calmer enfin tous ces flots d'ennemis, Réparer en mes vers les maux qu'ils ont commis. Puifque vous le voulez, je vais changer de ftile. Je le déclare donc. Quinaut eft un Virgile. Pradon comme un Soleil en nos ans a paru. Pelletier écrit mieux qu'Ablancour ni Patru. Cotin à fes fermons traînant toute la terre, Fend les flots d'Auditeurs pour aller à sa chaire. Saufal eft le Phénix des efprits relevez.
Perrin.... Bon, mon Efprit, courage, poursui
Mais ne voyez-vous pas que leur troupe en furie, Va prendre encor ces vers pour une raillerie ? Et Dieu fçait, auffi tôt que d'Auteurs en cou
Que de Rimeurs bleffez s'en vont fondre sur vous! Vous les verrez bien-tôt féconds en impostures, Amaffer contre vous des volumes d'injures, Traiter en vos écrits chaque vers d'attentat, Et d'un mot innocent faire un crime d'Etat. Vous aurez beau vanter le Roi dans vos ouvrages » Et de ce nom facré fanctifier vos pages. Qui méprife Cotin, n'eftime point fon Roi, Et n'a, felon Cotin, ni Dieu,`ni foi, ni loi. Mais quoi ? répondrez-vous: Cotin nous peut-il nuire ?
Et par fes cris enfin que fçauroit-il produire ? Interdire à mes vers, dont peut-être il fait cas,
L'entrée aux penfions où je ne prétends pas ? Non, pour louer un Roi, que tout l'Univers loue, Ma langue n'attend point que l'argent la dénoue, Et fans efpérer rien de mes foibles écrits, L'honneur de le loüer m'est un trop digne prix. On me verra toûjours fage dans mes caprices, De ce même pinceau, dont j'ai noirci les vices, Et peint du nom d'Auteurs tant de Sots revêtus, Lui marquer mon refpect & tracer fes vertus. Je vous croi, mais pourtant, on crie, on vous me-
direz-vous, les braves du Parnaffe. Hé, mon Dieu, craignez tout d'un Auteur en cou
Qui peut.... Quoi ? je m'entends. Mais encor? Tai fez-vous.
AU LECTEUR.
Voici enfin la Satire qu'on me demande de
puis fi long-tems. Si j'ai tant tardé à la met. tre au jour, c'eft que j'ai été bien aise qu'elle ne parût qu'avec la nouvelle édition qu'on faifoit de mon Livre, où je voulois qu'elle fût inferée. Plufieurs de mes amis à qui je l'ai lûë, en ont parlé dans le monde avec de grands éloges, & ont publié que c'étoit la meilleure de mes Satires. Ils ne m'ont pas en cela fait plaifir. Je connois le Public. Je fçai que naturellement il fe révolte contre ces loüanges outrées qu'on donne aux ouvrages avant qu'ils ayent paru; & que la plupart des Lecteurs. ne lifent ce qu'on leur a élevé fi haut, qu'avec un deffein formé de le rabaiffer.
Je déclare donc que je ne veux point profiter de ces difcours avantageux : & non-feulement je taiffe au Public fon jugement libre, mais je donne plein pouvoir à tous ceux qui ont tant critiqué mon Ode fur Namur, d'exercer auffi contre ma Satire toute la rigueur de leur critique. J'efpére qu'ils le feront avec le même fuccès: & je puis les affurer que tous leurs difcours ne m'obligeront point à rompre l'efpéce de vœu que j'ai fait de ne jamais deffendre mes Ouvrages, quand on n'en attaquera que les mots & les fyllabes. Je fçaurai fort bien foutenir contre ces Cenfeurs Homére, Horace, Virgile, & tous ces autres grands Perfonnages dont j'admire les écrits: mais: pour mes écrits que je n'admire point, c'est à ceux
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