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Ces trois talens qu'en vous je viens d'imaginer,
Cette voix fi terrible au plus fier auditoire,
Ces yeux où Dieu feroit un effai de fa gloire,
Ce front fcellé du fceau de fa Divinité,
Tout cela n'auroit plus qu'une vaine beauté.

Il ne faut pas auffi, gravités Espagnoles,
Qu'une tête immobile énerve vos paroles.
On a de l'air d'un fat quand on est trop Caton.
Que ceux qui dans leur fein enfoncent leur menton,
Ne mettent plus ainsi leur col à la torture,
L'art ne permet jamais de forcer la nature.
Pour ceux de qui la tête affecte un air panché,
Tartuffe eût fait comme eux, s'il eût jamais prêché.
Mais vous, de qui les mains & la tête branlante
Forcent chaque fyllabe à devenir tremblante;
Vous deviez autrefois avoir été choisis,
Pour faire les trembleurs à l'Opéra d'Ifis.

Nous voyons des Prêcheurs coëfez à la moutone Se faire les yeux grands, & la bouche mignone, Se radoucir la voix; & pour tout geste enfin Aux Dames d'alentour faire la belle main. Eft-ce-là nous tracer le chemin de la Gloire! Non. C'eft faire l'amour à tout un Auditoire. Mais ce n'eft pas ici qu'il faut moralifer, Un maître n'a le droit que de dogmatiser.

Songeons à ce Docteur, dont la voix pédantefque Donne un nouveau relief à son air soldatesque. Vous le voyez toujours campé comme un lutteur, Avec fes poings fermés morguer fon Auditeur. Il femble, quand il veut pouffer un fyllogifme, Qu'il apelle en duël tout le Chriftianisme; On que, de fa fureur nous prenant pour témoins,

Il veuille défier le Diable à coups de poings.
Mais l'ame des Chrétiens devient un champ ftérile,
Quand de tels infenfés y fément l'Evangile.
Car il n'eft point de fou qui prêche utilement,
Et la fageffe en nous doit parler fagement.

On raconte qu'un jour certain Miffionnaire,
Après mille raifons ne fçachant plus que faire,
Pour convertir un Suiffe inftruit par Mélanthon】
Le convainquit enfin à grand coups de bâton.
Or, fi pour une fois le zèle Apostolique
A rendu par miracle un bâton pathétique,
Conclura-t on 'd'abord, qu'un Docteur furibond
Ait droit de s'efcrimer de fon bras vagabond?
Non non. Un Orateur n'est point une furie.

Prêchez donc fans fureur & fans effronterie; Ne foyez ni trop lent, ni trop précipité; Diftinguez bien l'air vif d'avec l'air emporté. Soyez grave fans fafte, aifé fans nonchalance, Modefte fans froideur, hardi fans infolence. Joignez vos agrémens aux régles de notre art; Quiconque plaît fans lui, ne plaît que par hazard. Sans lui craignez toujours quelque trait de Satire. Et fi cet Orateur que tout Paris admire,

Néglige avec fuccès l'art qu'il fçait mieux que moi, C'est qu'il eft comme un Prince au deffus de la Loi.

Je connois parmi nous certains fots immodeftes, Qui pour un mot tout feul vont nous faire cent geftes.

J'en fçai d'autres auffi, pour le moins auffi fots,
Qui, pour un gefte feul, vont nous dire cent mots.
Mais du gefte & du fens la mesure pareille
Doit autant charmer l'œil, qu'elle charme l'oreille.
Si le gefte & le fens font toujours de complot,

Uu feul gefte jamais ne dément un feul mot.
Sur tout n'imitez pas cet homme ridicule,
Dont le bras nonchalant fait toujours la pendule.
Au travers de vos doigts ne vous faites point voir,
Et ne nous prêchez point comme on cause au par-
loir.

Chez les nouveaux acteurs, c'est un geste à la mode
Que de nager au bout de chaque période.

Chez d'autres aprentifs l'on paffe pour galant,
Lorsqu'on écrit en l'air, & qu'on peint en parlant.
L'un femble d'une main encenfer l'affemblée;
L'autre à fes doigts crochus paroît avoir l'onglée.
Celui-ci prend plaifir à montrer fes bras nuds;
Celui-là fait femblant de compter ses écus.
Ici, ce bras manchot jamais ne fe déploye;
Là, ces doigts écartés font une patte d'oye.

Souvent charmé du fens dont mes discours font pleins,

Je m'applaudis moi-même, & fais claquer mes

mains.

Souvent je ne veux point que ma phrase finiffe, A moins que pour fignal je ne frape ma cuiffe. Tantôt, quand mon esprit n'imagine plus rien, J'enfonce mon bonnet, qui tenoit déja bien. Quelquefois en pouffant une voix de tonnerre, Je fais le Timballier fur les bords de ma Chaire.

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A Meffieurs des Miffions Etrangères.

PART

ARTISANS trop zèlés de la bonne Doctrine,
Ma foi vous avez bien la mine

De vous voir bientôt confondus.

Envain contre l'erreur votre efprit fe mutine:
Le Pape eft contre vous, Cafanate n'eft plus.
On monte les refforts de la vieille machine
Pour prouver qu'on ne voit que dans Janfénius
Qu'il ne faut pas permettre aux Chrétiens de la
Chine

De fléchir les genoux devant Confucius.
C'est fort mal à propos que votre zèle crie;
Quoi pour un peu d'idolâtrie,

Qu'on peut rectifier avec l'intention,
Il faut laiffer périr toute une Nation?
Sçachez que fans cette industrie
On auroit l'éternel chagrin

De n'honorer jamais la Célefte Patric
De la face d'un Mandarin.
Ignorans dans le beau mystére,

Vous auriez mieux fait de vous taire,

Et de laiffer parler nos commodes Docteurs,
Qui toujours opofés à la morale austére

Dont vous allarmez les pécheurs,

Nous conduisent au Ciel par un chemin de fleurs,
Mais Jefus-Chrift...encor...taifez-vous je vous prie;
Tous vos difcours font fuperflus. :
Voulez-vous mieux fçavoir les secrets de Jefus,
Que les Gens de fa Compagnie?

• Nom in l'air.

米米クレー米と米米

EPIGRAMME

Contre un mauvais Auteur qui avoit fait un Poëme

intitulé

TOMBEAU DE TURENNE.

UAND je vois Baudinet * avoir l'ame si vaine,

Turenne,

J'en raille, & je le dis tout net. Quoi! c'est-là le Tombeau d'un fi grand Capitaine? Non non, mettons au bas d'un Tombeau fi mal fait, Cy gift le pauvre efprit qu'a perdu Baudinet.

PLACET AU ROY,

Pour lui demander une Abbaye.

Ous avons, GRAND HEROS, deux deffeins différens,

Vous, de vaincre vingt Rois ; & moi vingt Con

currens,

Mais l'un de ces deffeins eft mieux conduit que
l'autre

Que cependant tout iroit bien
Si vous me répondiez du mien,
Comme je vous répons du vôtre!

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