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Point de fauffe vertu, point d'efprit de cabale,
Un faint zèlé, & fur tout une fage morale,
Comme c'est ce qu'il a, c'eft ce qu'il veut qu'on ait.
Ainfi vos deux Abbés, prêchant comme Feuillet,
N'auront pas grand accès chez le Révérend Perc.
Ils l'auront, me dit-il, & le Comte fon frere,
Sans vous, quand je voudrai, les lui presentera.
Obliger, c'est pour vous un terrible Opéra,
Pour lui, c'est ce qu'il aime; auffi la renommée
En fait un Courtifan dont la Cour eft cbarmée.
Non, non, faire plaifir n'eft pas votre talent.
Pefte foit des Curés qui portent l'babit blanc.
Après ces derniers mots, Je fors, fans rien Iul
dire:

Bien réfolu d'abord d'en faire une Satire,
Mais j'ai juré depuis que je n'en ferois rien.
Ce feroit me venger, il faut être Chrétien.

J'irai pourtant bientôt voir quelqu'autre per-
fonne,

Car j'aime à babiller prefque autant qu'une None.
D'aller chez un Curé vuider plus d'un flacon,
Moi qui ne fus jamais qu'ivrogne d'Hélicon,
Je ne puis. C'est tout un de hanter un Chanoine.
Que je m'expofe enfin à l'entretien d'un Moine,
Je n'y verrai qu'orgueil. S'il eft de qualité,
Il ne m'étourdira que de fa parenté.

S'il prèche, il ne faut pas que devant lui je louë
Fléchier, Boileau, Gaillard, La Rue & Bourda-
louë,

Comment, en parlant d'eux, ne les point élever?
Ah! j'aime mieux cent fois être feul, & crever.

O Ciel! que dans Paris une Cure eft commode!
Le Curé ne va voir que des gens à sa mode.

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Sur tout, jamais chez lui de femme à vieux haillons. C'est toujours quelque Dame à caroffe, à Bouillons.

Il gagne au mariage, au fervice, au baptême, Sans qu'il y foit prefent, & fans le fçavoir même. Les Prônes font génans. Point. D'un feul lieu com

mun

Il fait plufieurs difcours qui n'en font pourtant qu'un.

Bien plus. Que des deniers destinés pour l'aumône
Il achette une charge, il est exempt du Prône.
J'oubliois deux plaisirs du Curé Bienheureux,
Il fe traite en Evêque, & fe chauffe en Chartreux.
Mais durant qu'il jouit de fa béatitude,
Pour moi, je n'envierois que quelque folitude,
Qui me fit fabriquer des vers d'un bon alloi,
Et chanter dignement les vertus de mon Roi.

Dis-lui donc quelquefois, mon illuftre Mécène, Qu'ici pour le loüer, je fuis trop à la gêne.

Ah! tandis qu'en Augufte il dompte l'Univers, Que ne puis-je en Horace, atteindre à de beaux

vers.

C'ES

SATIRE V.

Prefentée à Sa Majesté en l'année 1694.

'EST ainfi que Damon, tantôt bien, tantôt mal, Un jour, en plein Verfaille, imitoit Juvénal. Vertus que l'âge d'or fit régner fur la Terre, LOUIS feul aujourd'hui ne vous fait point la guerre. Non, probité, fageffe, équité, bonne-foi,

Vous ne régnez en paix que dans le cœur du Roy.

Par ce début, j'attaque & la Cour & la Ville. Mais n'importe: par-là, j'évapore ma bile. J'étouffe, & m'ordonner d'arrêter mes vapeurs, C'est dire à des bigots, ne foyez plus trompeurs. Ah! que fur tout la Cour me rend atrabilaire! Choquons-là. Mon plaifir eft de lui bien déplaire.

Adieu Cour, où le cœur n'ofe dire un feul mot, Où le feul fourbe eft fage, où l'honnête homme eft fot,

Où Montaufier n'eft plus, où l'Evêque réfide, Où, plût au Ciel qu'Amour n'eût pour maître qu'Ovide!

Où, malgré le Monarque, on voit dans un faint

lieu,

Dieu paroître une fable, & le Monarque un Dieu.
Adieu Cour, où le luxe eft une bienséance,
Où Tartuffe a trouvé la corne d'abondance,
Où, ne jamais flatter, c'eft être criminel,
Où pour tout Evangile on a Machiavel.

C'eft-là qu'un créancier, le corps fec, le teint jaune,

De tous fes debiteurs n'a pas même une aumône.
Là, le moindre confeil que donne l'interêt,

Duc de
Beauvil

liers,
Chef du
Confeil.

Malgré les Beauvilliers, * est toujours un Arrêt. *M. le
Qualité des grands cœurs, agréable franchise
Que l'on doit méprifer la Cour qui te méprife:
Et qui croit qu'un Prélat s'eft mis au rang des fous,
Pour m'avoir dit tout net : j'ai parlé contre vous,
Qu'il ait l'efprit hautain même avec fes confreres;
Que des Dames chez lui deviennent Grands-Vi-
caires;

Que fon air de foldat l'accompagne à l'Autel;
Et qu'il foit fans raifon mon ennemi mortel:
En dépit de la Cour je l'aime & le révére,
Et je lui paffe tout, parce qu'il eft fincére;
Et qu'il vaut mieux que toi, Marquis, dont l'amitié
Plaint mon fort, il eft vrai, mais le plaint fans pitié,
Quand j'entens tes fermens, la colére m'enflamme,
Ce font de faux témoins apostés par ton ame.
Ne viens plus nous prôner la tendreffe, l'ardeur;
Ceft, comme fi M.*** nous prêchoit la pudeur.
Poffede la vertu que tu veux qu'on eftime:
Eft-ce au Suiffe à donner des leçons du fublime?

Songe à bien imiter ce Courtifan parfait,
Que tu n'as jufqu'ici que très-mal contrefait.
Voudroit-il, comme toi, mettre au haut de fa table
Un maraut tout puiffant, un faquin formidable?
Va-til à la faveur par le chemin battu?

Non, c'eft par un fentier qué lui fait la vertu.
Ces graces, ces bienfaits, que toi, tu voudrois ven-

dre,

Il fe plaît à les faire à qui né peut les rendre.
Si dans l'efprit des Grands la cabale nous perd,
Alors, amis ou non, à coup sûr il nous fert.

Mais il prend plus de peine à cacher fes fervices, Que n'en prend l'hypocrite à déguiser fes vices. Comme tous les amis emportent tous les foins, Il ne penfe jamais à fes propres befoins;

Il fçait même empêcher qu'on ne les imagine. Quand donc les connoît on? Quand le Roy les devine.

Il n'a qu'un feul défaut dont il eft fort blâmé,
C'eft qu'il me haïroit fi je l'avois nommé.

Hé! quel moyen, dis-tu, qu'à la Cour on imite
L'homme fans interêt, l'apui du feul mérite?
Comment agir fans ceffe, & n'agir point pour foi?
Mais c'eft par là, Marquis, que l'on reffemble au
ROY.

Que fait ce grand Héros ? Eft-ce pour fa per fonne,

Qu'il court inceffamment les hazards de Bellone? Et que fa prévoyance arme fi fagement,

Qu'elle femble n'agir que par enchantement? Non, c'eft fi peu pour lui, que c'est contre lui-mê

me.

Il jouiffoit en paix de fa Grandeur fuprême.
Ses rivaux éfrayés de fiéges, de combats,
N'ofoient plus murmurer, ou murmuroient tout

bas.

Il fembloit que l'éclat d'une fi belle vie
Avoit enfin charmé jusqu'aux yeux de l'envie;
Mais un peuple mutin détrônoit un grand Roi,
Et déchiroit par tout le bandeau de la Foi.
L'Espagnol protégeoit l'erreur Luthérienne,
Et le Démon de Londre étoit un Dieu dans Vienne.
Il falloit que LOUIS fouffrit que fa valeur
Fût égale à fon zèle & regnât dans fon cœur.

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