Page images
PDF
EPUB

Et changer contre moi, leur folie en fureur? Qu'ils fongent toutefois qu'en ne nommant perfonne,

J'adreffe au feul public les avis que je donne,

Et que, fi je m'échape à nommer deux rimeurs, - C'eft qu'ils font morts. De plus, ce n'est point pour les mœurs.

Depuis le jour fatal que l'Abbé du Cotagne, Malgré moi, dans mes vers s'eft crû nommé Per fagne,

Moi qui fuis fcrupuleux, je crains plus que l'Enfer
D'ufer dans mes écrits, même de noms en l'air.
Tel qui rime à ces noms croit toujours qu'on le
pique.

Le peuple auffi le croit. Un Auteur fatirique
Dépeiguit l'autre jour un fou plein de fierté,
Lui donnant certain nom qu'il avoit inventé:
Ce nom imaginaire eft. l'Abbé d'Ignarolle.
Chacun dit auffitôt, Hè c'est l'Abbé Barolle.
Barolle en fit bruit, s'en plaignit tout de bon,
Et fit tant qu'Ignarolle eft devenu fon nom.

Peut-être que ceci paffe encor pour fatire:
Parlons donc d'un mortel dont on ne peut médire,
C'en eft fait. Tous mes fous fe font évanouis.
Et mon plaifir unique eft d'admirer LOUIS.
Ah! quel bonheur, GRAND RO1, je trouve en
toi fans peine,

Ce que j'ai tant cherché dans la nature humaine,
Et ce que dans ton ame a puifé ton DAUPHIN;
Grandeur, bonté, fageffe, honneur, un homme
enfin.

TO:SO FOSO:FOSE SE:TO

SATIRE II.

On ne fait pas précisément quelle année elle fut faite.

HRYSOSTOME François, Cenfeur Evangélique;

Cauffi profond Docteur qu'Orateur pathétique,

Bourdaloue, il eft vrai qu'on voit dans tes difcours
Des beautez que l'art même ignorera toujours;
Il est vrai que toi feul tu fçais te faire un stile,
Que l'on trouve à la Cour auffi bien qu'à la Ville,
Mais tu n'es pas moins grand, lors que quelque
pécheur

Te découvre en fecret la lépre de fon cœur.
C'est là que faifant taire & l'art & la nature,
Ta bouche fait parler la grace toute pure;
Et que ta charité, pieux Samaritain,
Verfe fans interêt de l'huile avec du vin.

Ah! que
de Directeurs fçavent peu ces pratiques!
Que l'Eglife eft fertile en dévots empyriques!
Que de faints charlatans, au lieu de nous guérir,
Prennent de notre argent pour nous faire mourir.
Pénitens endurcis que rien ne vous afflige;
L'or fçaura diriger celui qui vous dirige.
Dès qu'on fait briller l'or, le Prêtre eft careffant,
Et le plus criminel lui paroît innocent.
Si vous voulez fléchir ce Juge de vos vices,
Comme aux Juges du fiécle il lui faut des épices.
Lorfque le Confeffeur reçoit de certains droits,
Tout pardon eft fcellé du grand sceau de la croix.
On gagne un Directeut comme on gagne une Belle ;

Sans la bourfe il eft dur, autant qu'elle eft cruelle. En un mot, le bon Pere eft doux comme un agneau, Lors que fon Tribunal vaut autant qu'un Bureau, Criminelle douceur! charité mercenaire!

Mais de quoi vivra donc ce Prêtre, ce bon Pere? Tout Prêtre, dit Saint Paul, doit vivre de l'autel. Qüi, vivre, c'eft bien dit, c'eft le droit naturel : Mais vivre, eft-ce voler tant de riches bigottes? Et plus que l'héritier, héritier des plus fottes! Eft-ce monopoler fur tous les cas verreux,

Et vendre au poids de l'or le droit d'être amou
reux ?

Eft ce adoucir fa voix au fon des groffes piéces ?
Eft-ce de legs pieux dotter toutes fes niéces ?
Eft-ce garder pour foi l'argent des Hôpitaux ?
Est-ce enfin retenir ou nier les dépôts ?
Non, non, ce n'eft pas là ce qu'on apelle vivre:
C'eft furpaffer Tartuffe, ou du moins c'eft le fuivre.;
C'est des Bourgeois d'Alger imiter le trafic;
C'est au pied des autels voler le bien public.
En un mot, c'eft piller avec plus d'infolence,
Que le plus fcelérat qui court à la potence.

Tout doux, me dira-t'on, vos vers font trop mordans.

Hé bien! les Directeurs font tous d'honnêtes gens,; Ils font tous Archi faint, j'en connois un entr'au

tres,

Mais un qui vaut lui feul, plus que les douze Apo

tres,

C'est un vieillard zèlé jusqu'à fe trouver mal;
S'il ne tient une Dame au Confeffionnal.

Quand donc il n'en tient plus, il court toute l'Eglife,
Et dès qu'il en verra quelqu'une affez bien mife,

Il s'aprochera d'elle, & d'abord lui dira,
Si vous voulez, Madame, on vous confessera.
Qu'on eft édifié lors qu'on voit une Belle,
Affife près d'un Moine au fond d'une Chapelle;
Bon Dieu! qu'il fe fait là d'ouvertures de cœur!
Mais Sathan & la chair ne leur font-ils point peur?
Ah non leur chair eft morte, & Sathan est trop
bête

Pour faire fon profit d'un fi faint tête-à-tête.
Si l'on en croit pourtant ce qu'en dit un dévot,
Leur chair fe reffufcite, & Sathan n'est pas fot.
Quand certain Directeur parle à sa Sunamite,
Je voudrois bien fçavoir pourquoi fon cœur pal
pite,

Palpiter eft-ce un mal? il vient de charité.
Oui, mais le cœur de Paul a-t'il tant palpité?
Non: car en ce tems-là la charité groffiére
N'aimoit pas le prochain de la belle maniére.
Je n'aurai jamais fait s'il faut spécifier,
Tous les faints Confeffeurs de mon Calendrier:
Il en eft de tout âge, il en est de tout ordre,
Sur qui cent Defpreaux ne pourroient jamais mor
dre.

L'un recherche fi peu la gloire & l'interêt,

Qu'une jeune Grisette est tout ce qu'il lui plaît, La charité de l'autre eft pour les Demoiselles, Dont il prend tant de foin qu'il est toujours chez elles.

L'autre les jours de jeûne invente avec efprit, L'art de manger le foir un peu de poiffon frit; L'autre enfin, pour fonder le cœur de fes dévotes, Vient à l'Opéra même examiner leurs fautes; Et derrière un treillis, pour n'être point connu,

Le

[ocr errors]

Le vieillard fcrupuleux voit tout & n'est point vû.
Parmi les Directeurs certains jeunes novices,
N'aiment point le détail de la plupart des vices.
Mais comme ils n'ont d'ardeur que pour la chafteté,
Qu'une Dame ait lâché le mot d'impureté,

Ils ont pour l'éplucher cent jolis tours d'adreffes.
Ils lui font tout conter, soupirs, baisers, careffes,
Postures, pâmoifons, & tout ce qui s'enfuit.
La Dame après cela le fait rêver la nuit.

Si ces furets d'amour font pourtant trop d'enquê

tes,

Faites-vous confeffer par ces vieillards honnêtes,
Par ces Docteurs benins, qui pour toute leçon,
A chaque gros péché vous disent toujours, bon.
Mais à propos de bon, l'on m'a dit qu'un bon
Prêtre,

Dont le vifage doux l'avoit rendu le maître.

De cent cœurs feminins, qui l'aimoient plus que
Dieu,

L'on m'a donc dit qu'un jour fortant de certain
lieu,

Ce lieu, c'est le logis d'une jeune dévote,

Il huma du ferain, mais ce fut par fa faute;
Car que n'abregeoit-il tous ces pieux difcours,
Lui qui venoit prêcher la belle tous les jours?
Le voilà donc fort mal; ce gros rhume l'affomme,
Tout le quartier le fçait; chacun dit, le pauvre
homme!

Et trente postillons, le lendemain matin,
Arrivent dans fa chambre une écuelle à la main.
Ce font trente laquais d'autant de pénitentes,
Portans tous des boüillons de viandes fucculentes.
Mais lequel prendra-t-il de ces trente boüillons,

T

LOR

FORD

« PreviousContinue »