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ין

AVIS AU LECTEUR.

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'AUTEUR de cet Ouvrage a toujours pris un grand foin de le cacher au Public & quelque bonne opinion qu'il en dût avoir, fa modeftie n'a jamais pú confentir à publier fon commerce avec les Muses. Cependant quelques-unes de fes Piéces échapées malgré lui, ayant paffé en Hollande, elles y ont été imprimées, ou pour mieux dire, défigurées, felon la deftinée ordinaire des Copies faites de mémoire. L'imperfeEtion de ce Recueil venu des Païs étrangers a réveillé un Curieux plus exact, qui, non content de s'être enrichi de ce trefor, a voulu généreuSement le partager avec le Public. Il n'y manqueroit rien fi l'on avoit pú y ajoûter quelques Satires du méme Auteur, & fur-tout celle qu'il fit encore, tout jeune, contre la fauffe Direction. Quoique tous les Vers de cette Piéce n'allaffent qu'à réformer,

de grands abus, la confcience délicate du Poëte n'a jamais voulu les expofer aux interprétations malignes; c'est ce qui eft caufe que nous n'avons pú jufqu'ici en découvrir une véritable Copie. Il eût été à defirer que Auteur fût entré dans la confidence de cette Edition, & que luimême eût voulu y mettre la derniére main. Quelques excellentes que Joient fes Poefies, quelle beauté ne leur au roit-il point données ?

EPITRE

AURO Y.

Elle fut prefentée à SA MAF ESTE en

R

l'année 1686.

OY, digne d'être élû le feul Roi des mortels,

Que du tems des Céfars on t'eût dreffè d'autels!

Qu'on eût même en toi feul trouvé de Dieux enfemble!

Tu deviens Jupiter, quand tu veux que tout tremble;

On voit revivre en toi le courage de Mars;

Tu fçais, comme Apollon, protéger les beaux
Arts;

Tu peux fur l'Océan commander en Neptune;.
Tu n'es pas moins puiffant que l'étoit la Fortune;
Rome eût cru que Minerve eût parlé dans tes Loix
Et qu'Hercule eût été jaloux de tes exploits.
Ton efprit fait revoir la juftice d'Aftrée,
Et ton cœur, la bonté de Saturne & de Rhée.

Et c'eft cette Juftice, & c'eft cette bonté,

Qui foutiennent, GRAND ROY, ta rare probité. Je dis rare; en effet, peu de Rois, comme Tite, Font de la probité leur vertu favorite;

Et plus d'un Prince a cru qu'il ne lui manquoit rien,
Quand il ne lui manquoit que d'être homme de bien,
Sur tout, ceux que Bellone aime à combler de
gloire,

Accordent rarement Thémis & la Victoire.
Achille n'eut pour droit que celui de fon bras,
Et la loi de Céfar fut de n'en avoir pas.

Mais toi, dont l'équité tempére la vaillance,
Qui tiens en même-tems le foudre & la balance;
Tu régles tes exploits fur ce qui t'eft permis;
Tu deviens dans ton camp Miniftre de Thémis;
Tu veux qu'à ta raison ta valeur obéïsse,
Et ton char de triomphe est un lit de Justice.

1

Tu fais plus. Ta bonté t'empêche quelquefois "D'écouter ta juftice & d'ufer de tes droits. Oüí, quelquefois, GRAND ROY, ta bonté t'a fait rendre

Des Villes que tes droits t'avoient forcé de prendre.

Je fçai que devant Dole avec toi tes guerriers
Ont parmi les glaçons moiffonné des lauriers ;
Et qu'aujourd'hui le Rhin écume encor de rage
De n'avoir pû former d'obftacle à ton paffage.
Je fçai que ta valeur a bordé de tes Lis

Et la Sambre, & la Meufe, & l'Efcaut, & la Lis;
Que ton foudre eft to mbé fur des Villes ingrates,
Et qu'il a fait d'Alger un bucher de Pyrates.
Mais fans cette bonté qui régnoit dans ton cœur,
Et qui vainquoit LOUIS dès qu'il étoit vain-
queur,

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