Page images
PDF
EPUB

Apollon en connoît qui te peuvent loüer.
Oui,je fçai qu'entre ceux qui t'adreflent leurs veilles
Parmi les Pelletiers on conte des Corneilles.
Mais je ne puis fouffrir qu'un efprit de travers,
Qui pour rimer des mots, penfe faire des vers,
Se donne en te loüant une gêne inutilė:

Pour chanter un Augufte, il faut être un Virgile..
(1) Et j'aprouve les foins du Monarque guerrier,*
Qui ne pouvoit fouffrir qu'un artifan groffier,"
Entreprit de tracer d'une main criminelle,
Un portrait réservé pour le pinceau d'Apelle.
Moi donc qui connois peu Phébus & fes douceurs:
Qui fais nouveau fevré fur le mont des neuf Sœurs:
Attendant que pourtoi l'age ait meuri ma Muse,
Sur de moindres Tujets je l'exerce & l'amufe:
Et tandis que ton bras des peuples redouté,
Va, la foudre à la main, rétablir Féquité,
Et retient les méchans par la peur des fuplices:
Moi, la plume à la main, je gourmande les vices,
Et gardant pour moi-même une jufte rigueur,
(2) Je confie au papier les fecrets de mon cœur.
Ainfi dès qu'une fois ma verve fe réveille,
Comme on voit au printems la diligente abeille;
Qui du butin des fleurs va compofer son miel,
Des fottifes du témš je compofe mon fiel.

• Alex

Kandre

(1) C'est une imitation d'Horace, qui dáns, son Epître å Auguste, qui est.la 1. du 1. Liv. parle ainfi, vs. 239. Edicto vetuit, ne quis fe præter Apellem

Pingeret, aut alius Lyfippo dućerét æra

Fortis Alexandri vultum fimulància.

(2)- Horace parle ainfi de Lucile Poêté Satirique; Sermi Lib. II. Sat. vf. 30.

Ille, velut fidis arcana Sodalibus, olim
Credebat Libris.

[ocr errors][ocr errors]
[ocr errors]

Je vais de toutes parts où me guide ma veine;
Şans tenir en marchant une route certaine,
Et fans gêner ma plume en ce libre métier,mi
Je la laiffe au hazard courir fur le papier. 5. 1

Le mal eft, qu'en rimant, ma Mufe un peu legére Nomme tout par fon nom, & ne fçauroit rien taire.: (3) C'est là ce qui fait peur aux efprits de ce tems,

Qui tout blancs au dehors, font tous noirs au dedans ... Ils tremblent qu'un Cenfeur que fa verve encourage, Ne vienne en les écrits démafquer leur vifage, 1Et foüillant dans leurs mœurs en toute liberté,75 N'aille du fond du puits tirer la vérité.

Tous ces gens éperdus au feul nom de Satire,
Font d'abord le procès à quiconque ofe rire.
Ce font eux que l'on voit, d'un difcours infenfé
Publier dans Paris, que tout eft renversé giorn
Au moindre bruit qui court, qu'un Auteur les mé-

nace

De jouer des Bigots la trompeufe grimace:
Pour eux un tel ouvrage eft un monftre odieux;
C'eft offenfer les loix, c'eft s'attaquer aux Cieux:
Mais bien que d'un faux zèle ils mafquent leur foi-
ibleffe, al vredni quo di v

Chacun voit qu'en effet la vérité les blesse.
En vain d'un lâche orgueil leur ésprit revétu,
Se couvre du manteaù d'une austére vertu,
Leur cœur qui fe connoît, & qui fuit la lumiére,
S'il fe mocque de Dieu, craint Tartuffe & Moliére,

(3) Fuvenal décrit ainfi la peur que les Piëtes Satiriques fają foient aux malhonnêtes gens de leur tems, Sat. 1. 65.

Enfe velut ftricto, quoties Lucilius ardens
Infremuit, rubet auditor cui frigida mens eft
Criminibus, tacitâ fudant præcordia culpâ,

A

Mais pourquoi fur ce point fans raifon m'écarter? GRAND ROY, c'est mon défaut, je ne sçaurois flater.

Je ne fçai point au Ciel placer un ridicule,
D'un nain faire un Atlas, ou d'un lâche un Hercule;
Et fans ceffe en efclave à la fuite des Grands,
A des Dieux fans vertu prodiguer mon encens.
On ne me verra point d'une veine forcée,
Même pour te loüer, déguifer ma pensée:
Et quelque grand que foit ton pouvoir fouverain
Simon cœur en ces vers ne parloit par ma main ;
Il n'est espoir de biens, ni raison, ni maxime,
Qui pût en ta fayçur m'arracher une rime.

Mais lorsque je te voi, d'une fi nobre ardeur,
T'apliquer fans relâche aux foins de ta grandeur,
Faire honte à ces Rois que le travail étonne,
Et qui font accablez du fais de leur couronne.
Quand je voi ta fageffe, en fes juftes projets,
D'une heureufe abondance enrichir tes fujets;
Fouler aux pieds l'orguëil & du Tage & du Tibre;
Nous faire de la mer une campagne libre;
Et tes braves Guerriers fecondant ton grand cœur,
Rendre à l'Aigle éperdu fa premiére vigueur:
La France fous tes loix maîtriser la Fortune;
Et nos vaiffeaux domtant l'un & l'autre Neptune,
Nous aller chercher l'or malgré l'onde & le vent,
Aux lieux où le Soleil le forme en fe levant:
Alors, fans confulter fi Phébus l'en avoue,
Ma Muse toute en feu me prévient & te louë.
Mais bien-tôt la Raison arrivant au fecours,
Vient d'un fi beau projet interrompre le cours :
Et me fait concevoir, quelque ardeur qui m'em-

porte,

Que je n'ai ni le ton, ni la voix affez forte.

Auffi-tot je m'effraye, & mon efprit troublé Laiffe là le fardeau dont il est accablé ZAЛO Et Cans paffer plus loin, finiffant mon ouvrage, Comme un Pilote en mer, qu'épouvente l'orage, Dès que le bord paroît, fans fonger où je fuis, Je me fauve à la nage ; & j'aborde où je puis. KH296) HOM TOrgullong ut ov enst zubiⱭ zub A oboro saiov emib talog mov sar en no 2:59inoq 2mm ratio, D5, 19ñol at hoog om M anco Voy be a capless sa

[merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][subsumed][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

SATIRE PREMIERE.

D

AMON ce grand Auteur, dont la Mufe

fertile

Amufa fi long-tems, & la cour & la ville:
Mais qui n'étant vétu que de fimple
bureau,

Paffe l'été fans linge, & l'hyver fans manteau:
Et de qui le corps fec, & la mine affamée,
N'en font pas mieux refaits pour tant de renommée:
Las de perdre en rimant & fa peine & fon bien,.
D'emprunter en tous lieux, & de ne gagner rien,
Sans habits, fans argent, ne fçachant plus que faire,
Vient de s'enfuir chargé de fa feule mifére;
Et bien loin des Sergens, des Clercs, & du Palais,
Va chercher un repos qu'il ne trouva jamais :
Sans attendre qu'ici la Justice ennemie
L'enferme en un cachot le refte de fa vie:
Ou que d'un bonnet vert le falutaire affront
Flétriffe les lauriers qui lui couvrent le front.
Mais le jour qu'il partit, plus défait & plus blême,
Que n'eft un Pénitent fur la fin d'un Carême,
La colére dans l'ame, & le feu dans les yeux,
Il diftila fa rage en ces triftes adieux.

[ocr errors]

(1) Puifqu'en ces lieux jadis aux Mufes fi commodes,

1) Il y a beaucoup de traits ici empruntez de la 3. Satire

« PreviousContinue »