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Au milieu du Perron fe plaçant triftement,
Lit au cercle, en ces mots, l'extrait du teftament.
En l'honneur d'Apollon à jamais je souhaite
Aux yeux de l'univers vivre & mourir Poëte,
J'en eûs toute ma vie & l'air & le maintient.
Mais defirant mourir en Poëte chrétient,
Je déclare en public que je veux que l'on rende
Ce qu'à bon droit fur moi Juvénal redemande,
Quand mon livre en feroit réduit à dix feuillets,
Je veux reftituer les larcins que j'ai faits.
Si de ces vols honteux l'audace étoit punie,
Une rame à la main j'aurois fini ma vie,
Las d'être un fimple auteur anté fur du Latin,
Pour impofer aux fots je traduifis Longin,

Mais j'avoue en mourant que je l'ai mis en mafque,
Et que j'entens le Grec auffi peu que le Basque.
Surtout de noirs remords mon efprit agité,
Fait amende honorable au beau fexe irrité
Au milieu des pédans nourri toute ma vie,
J'ignorois le beau monde & la galanterie,
Et le cœur d'une Iris pleine de mille attraits,
Eft une terre auftrale où je n'allai jamais.
Je laiffe à mon valet de quoi lever boutique
Des reftes méprisez d'un Ode pindarique,
Qu'on vit dans fa naiffance expirer dans Paris.
On le verroit bientôt rouler en chevaux gris,
Si le langage obfcur, employé dans cette Ode,
Pouvoit un jour enfin devenir à la mode.
Item, mais à ces mots, chez l'horloger Leroux
La Pendule fe meut, fonne & frape dix coups.
Alidor auffitôt rempli d'impatience,

D'un délai criminel accufe l'affiftance;

Fait voir que le tems preffe, & qu'il faut en grand deüil,

Dans une heure au plus tard escorter le cercüeil.
Il dit, & dans l'inftant on vit la compagnie
Se lever brufquement pour la cérémonie:
L'un court chez un ami, l'autre chez un fripier
Endoffer l'attirail d'un nouvel héritier.

Perrin, d'un vieux bahut où pend une ferrure,
Tira fon juft-au-corps fait au deüil de Voiture,
Dont le coude entr'ouvert reçut plus d'un échec,
Et d'un crêpe reteint orna fon caudebec.
Pradon, le feul Pradon eut affez de courage
D'entrer chez un Drapier, & d'un humble langage,
Pour quatre aulnes de drap eftimés vingt écus,
Propofer un billet, figné, Germanicus.

Enfin midi fonnant, cette lugubre escorte
S'eft faifie aujourd'hui du défunt fur la porte,
Et promenant fes os de quartier en quartier,
Le conduit au Parnaffe, à fon gîte dernier.
C'est-là qu'on va porter fes funébres reliques,
Dans la cave marquées aux auteurs fatiriques.
Là, fur un marbre offert aux yeux de l'univers,
En caractére d'or on gravera ces vers.
Cy git Maitre Boileau qui vécut de médire,
Et qui mourut ausi par un trait de Satire:
Ce coup dont il frapa lui fut enfin rendu.
Si par malbeur un jour fon Livre étoit perdu,
A le chercher bien loin, Paffant, ne t'embaraffe :
Tu le retrouveras tout entier dans Horace :

REQUESTE

EN FAVEUR

D' ARISTOTE.

A NOS SEIGNEURS du Mont Parnaffe.

Uplient hublement les Maîtres ès Arts, Profef

,

qu'il eft de notoriété publique, que c'eft le,fublime & incomparable Ariftote, qui eft fans contefte le premier fondateur des quatre Elémens, le feu l'air, l'eau & la terre: Qu'il leur a accordé par grace fpéciale la fimplicité qui ne leur apartenoit pas de droit naturel: qu'il a donné aux uns la pefanteur, & aux autres la légereté, afin de se pouvoir maintenir dans les lieux & places qu'il leur avoit affignées pour y être en repos : qu'il a ajouté à la nature de chaque corps en particulier, une horreur fi confidérable de leur ennemi commun le Vuide, qu'il n'y en a pas une qui ne fouffre plus volontiers fa propre deftruction, que de permettre qu'il occupe la moindre place dans le monde, étant tous fort bien inftruits par ce qu'il en a écrit, que fi cet affreux vuide fe pouvoit infinuer en quelque part, il empêcheroit les influences des Aftres d'y defcendre, & cauferoit par ce moyen la deftruction de toute la Nature.Qu'il a de plus réglé par des loix non-variables tous les mouvemens des Cieux & des Aftres ; & de peur qu'ils ne fe perdiffent'& égaraffent dans les routes fi contraires, qu'ils font obligés, pour fuivre fes or

dres, de tenir en même-tems, il leur a, par une prẻ: voyance admirable, destiné autant de créatures spi rituelles, c'est-à-dire, autant d'Anges qui les gui dent, & les conduisent avec tant de justesse, qu'ils ne tournent jamais ni plus vîte, ni plus lentement. Qu'il a enfin établi une fi belle fubordination entre toutes les chofes naturelles, qu'il a mérité tout seul d'être reconnu pour le génie de la nature, le prince des Philofophes, & l'oracle de l'Univerfité. Et quoique pendant plufieurs fiécles il ait été maintenu d'un commun confentement dans une paisible possession de tous ces droits, & qu'il ait lieu de prescription contre tous les prétendans au contraire: néanmoins depuis quelques années en çà, deux particulieres nommées la Raifon & l'Expérience fe font liguées enfemble, pour lui difputer le rang qui lui apartient avec tant de justice, & ont tâché de s'ériger un trône sur les ruines de fon autorité,& pour parvenir plus adroitement à leurs fins, ont excité certains efprits factieux, qui fous les noms de Cartistes & Gaffendiftes ont commencé de fecouer le joug du Seigneur Ariftote, & méprifant fon autorité avec une témérité fans exemple, lui ont voulu difputer le droit qu'il s'étoit acquis de pouvoir faire paffer la vérité pour fauffe, & la fauffeté pour véritable : & pour donner quelque couleur à leur rebellion, ils ont fait courir plufieurs Libelles diffamatoires, & entr'autres un Manifefte fous le titre fpécieux de Journal des Sçavans, lequel contient plufieurs nouvelles découvertes formellement contraires à la doArine d'Ariftote, & dont le détail ne fera pas ici raporté, tant parce que la chose n'eft prefentement que trop publique, que parce que l'autorité d'Ari1tote s'eft acquife un droit de prescription contre ladite Raifon & Expérience, qu'il n'y a point de meil leur moyen pour les combattre, que de ne les point entendre, & les envoyer aux fins de non-recevoir: & pour à quoi parvenir, les Suplians ont été confeil,

lés de vous donner la prefente Requête pour leur être fur ce pourvû. CE CONSIDERE, NOSSELGNEURS, il vous plaife ordonner qu'on délivrera au plutôt Saturne du Cerceau où M. Huygens le tient très-injuftement emprifonné depuis plufieurs années, son écrou rayé & biffé, & condamné ledit fieur à cinq cens livres de dommages & intérêts.

Que Jupiter congédiera fes quatre gardes, fi cé n'est qu'il en veüille réserver un comme Saturne.

Que le Soleil fe débarboüillera bien le vifage, & ne paroîtra plus en public avec fes vilaines taches, qui font des fignes de corruption, & qui vont à la deftruction de la quinteffence célefte d'Ariftote.

Que Vénus n'aura jamais plus l'impudence de rompre les Cieux pour monter au-deffus du Soleil.

Que la Lune laiffera la Terre en poffeffion des Montagnes, des Ombres & des Vallées, des Mers & des Forêts; & renoncera pour jamais au titre de véritable Terre ou d'autre monde.

Que les Mathématiciens rompront toutes leurs Lunettes,comme fauffes& trompeufes inventions; & que le Sr Picard avoüera de bonne foi qu'il fe trompe lourdement, quand il croit voir au grand deshonneur du Soleil les Etoiles en plein midi, & qu'on obfervera au plutôt l'Obfervatoire Royal du Fauxbourg faint Jacques comme une Fortereffe à Lunettes très préjudiciable à l'état des Cieux folides d'Ariftote.

Que M. Denis fera tenu & obligé de faire réparer. inceffamment à fes frais & dépens toutes les brèches & crevaffes qu'il a fait à la voûte des Cieux, pour y donner paffage aux dernieres Cométes qui parûrent en 1664. & 1665. & que les fieurs Petit, Auzout & Caffini, qui les vîrent alors de leurs guérites fe pro. inener nuitamment au-deffus de la Lune & du Soleil, fans y former opofition quelconque, feront décla rés comme complices de l'atentat qui a été fait en ce

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