LA METAMORPHOSE
DE LA PERRUQUE DE CHAPELAIN
EN COMETE.
A plaifanterie que l'on va voir, eft une fuite de la Parodie précédente. Elle fut imaginée par les mêmes Auteurs, à l'occafion de la cométe qui parut à la fin de l'année 1664. Ils étoient à table chez Mr. HESSEIN, frere de l'illuftre Madame de la SABLIERE.
On feignoit que Chapelain ayant été décoiffé par La Serre, avoit laiffé fa Perruque à calotte dans le Ruiffeau où La Serre l'avoit jettée.
Dans un Ruiffeau bourbeux la Calotte enfoncée, Parmi de vieux chiffons alloit être entaffée, Quand Phébus l'aperçut, & du plus baut des airs, Fettant fur les Railleurs un regard de travers, Quoi, dit-il, je verrai cette antique Calotte, D'un fale Chifonier remplir l'indigne botte!
Ici devoit être la difcription de cette fameuse Per ruque,
Qui de tous fes travaux la compagne fidelle, A vû nattre Gusman, & mourir la Pucelle ;
Et qui de front en front passant à ses neveux, Devoit avoir plus d'ans qu'elle n'eut de cheveux.
Enfin Apollon changeoit cette Perruque en Comete. Je veux, difoit ce Dieu, que tous ceux qui naîtront fous ce nouvel Aftre, foient Poëte,
Et qu'ils faffent des Vers, même en dépit de moi.
Furetiére, l'un des Auteurs de la Piéce, remarqua pourtant, que cette Métamorphofe manquoit de justesse en un point. C'eft, dit-il, que les Cométes ent des cheveux, & que la Perruque de Chapelain eft fi ufée qu'elle n'en a plus. Cette badinerie n'a jamais été achevée. Chapelain fouffrit, dit-on, avec beau. coup de patience, les Satires que l'on fit contre fa Perruque. On lui a attribué l'Epigramme fuivante, qui n'eft pas de lui.
Railleurs, en vain vous m'infultez, Et la piéce vous emportez;
En vain vous découvrez ma nuque. J'aime mieux la condition
I D'être défroqué de Perruque .
Que défraqué de Penfion.
If & modefte fatirique, Ami de la fincérité,
Qui croyois tout panégirique Un outrage à la vérité; Peut-être que de cette ftrophe La refpectueuse apostrophe Vient de te caufer quelque éfroi, Defpreaux, du Royaume fombre Il me femble entendre ton ombre Murmurer déja contre moi.
Mais c'eft en vain qu'elle s'irrite, Ne craint point un éloge faux, Ni qu'en célébrant ton mérite J'encenfe jufqu'à tes défauts; Que j'aprouve dans tes ouvrages Ces noms confacrés aux outrages Par un zèle outré du bon goût : Oui j'ofe en attefter tes manes, Toi-même aujourd'hui tu condamnes Ce que notre malice abfoût.
Heureux, que de fages fcrupules Retranchant ces traits féducteurs, Ton vers n'eût rendu ridicules Que les fautes, non les auteurs ; Qu'un nom quelquefois refpectable
D'un hemiftiche irrévocable N'eût pas fait l'injuste ornement: Rival de Tacite & d'Horace, Craignois-tu de manquer de grace Sans ce dangereux agrément.
C'en eft fait, ton ombre sévére Ne peut plus m'en defavoüer; Je fens qu'après ce trait fincére Il m'eft permis de te louer. C'est à ton cœur irréprochable, A ton amitié fecourable,
Que font dûs les premiers honneurs; Et dans la balance des fages
Le prix des plus rares ouvrages Ne s'eftime qu'au poids des mœurs.
Du fel piquant de l'ironie Egayant tes inftructions, A quoi t'a fervi ton génie Qu'à décrier les paffions; Qu'à peindre notre ame flottante, Et telle que dans la tourmente Un vaiffeau par les vents battu; Mais nous peignant tels que nous fommes, Tu ne ris du vice des hommes Que pour les rendre à la vertu.
Qu'à jamais les futures races Attentives à tes discours, Profitent des riantes graces Du Démocrite de nos jours. Le fiécle que ta plume honore,
En toi va leur tranfmettre encore Horace, Perfe & Juvénal; Plus vif dans leurs propres faillies,
Et de leurs graces embellies, Imitateur original.
Loin des baffeffes plagiaires, Ton goût prudemment généreux, Ne choifit les mêmes matiéres Qu'afin de mieux lutter contre eux; Mais ton poëtique courage Obtenoit en vain l'avantage, Tu n'ofois encor t'en flatter: Et méconnoiffant ta victoire Tu leur rendois toute la gloire Que tu venois de remporter.
Qui du droit fens de l'élégance Porta des jugemens plus sûrs; Vous trembliez à sa presence Ouvrages languiffans ou durs: Sublime, faux & puérile,
De grands mots richeffe ftérile, Froids ornemens hors de faifon; Idille orgueilleux ou ruftique, Tragique enflé, fade comique Que n'enfantoit pas la raifon.
Mais cenfeur aux autres fi rude, Pour toi quelle févérité! C'est de ta propre exactitude Que naiffoit ton authorité.
D'une veine toujours égale
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