Page images
PDF
EPUB

CHAPELA IN.

Ne replique point, je connois ton fatras. Combats fur ma parole, & tu l'emporteras, Dornant pour des cheveux ma Pucelle en échange, J'en vais chercher, barboüille, écri, rime, & nous venge.

[blocks in formation]

Ercé jufques au fond du cœur

D'une infulte imprévûë auffi bien que mortelle,
Miférable vengeur d'une fotte querelle,
D'un avare Ecrivain chétif imitateur,
Je de meure ftérile, & ma veine abbatuë
Inutilement fuë.

Si près de voir couronner mon ardeur,
O la peine cruelle!

En cet affront La Serre eft le tondeur,
Et le tondu, pere de la Pucelle.

Que je fens de rudes combats!

Comme ma Pension, mon honneur me tourmente,
Il faut faire un Poëme, ou bien perdre une rente,
L'un échauffe mon cœur, l'autre retient mon bras,
Réduit au trifte choix ou de trahir mon Maître,
Ou d'aller à Bicêtre;

Des deux côtez mon mal eft infini.
O la peine cruelle!

Faut-il laiffer un La Serre impuni?

Faut-il venger l'Auteur de la Pucelle ?

Auteur, Perruque, honneur, argent,
Impitoyable loi, cruelle tyrannie,
Je vois gloire perduě, ou penfion finie.
D'un côté je fuis lâche, & de l'autre indigent,
Cher & chétif efpoir d'une veine flatteuse,
Et tout ensemble gueuse,

Noir inftrument, unique gagne-pain,
Et ma feule reffource,

M'es.tu donné pour venger Chapelain?
M'es-tu donné pour me couper la bourse?

Il vaut mieux courir chez Conrard,

Il peut me conferver ma gloire & ma finance, Mettant ces deux Rivaux en bonne intelligence, On fçait comme en Traitez excelle ce Vieillard, S'il n'en vient pas à bout, que Sapho la Pucelle Vuide notre querelle.

Si pas un d'eux ne me veut fecourir

Et fi l'on me balotte,

Cherchons La Serre, & fans tant difcourir
Traitons du moins, & payons la Calotte.

Traiter fans tirer ma raifon!

Rechercher un marché fi funeste à ma gloire,
Souffrir que Chapelain impute à ma mémoire
D'avoir mal foûtenu l'honneur de fa toifon!
Refpecter un vieux poil, dont mon ame égarée
Voit la perte affûrée!

N'écoutons plus ce deffein négligent,

Qui pafferoit pour crime.

Allons, ma Main du moins fauvons l'argent:
Puis qu'auffi bien il faut perdre l'eftime.

Oui, mon efprit s'étoit déçû.

Autant que mon honneur, mon intérêt me presse,
Que je meure en rimant, ou meure de détreffe,
J'aurai mon ftile dur comme je l'ai reçu.
Je m'accufe déja de trop de négligence.
Courons à la vengeance.

Et tout honteux d'avoir tant de froideur,
Rimons à tire d'aîle,
Puifqu'aujourd'hui La Serre eft le tondeur,
Et le tondu Pere de la Pucelle.

[blocks in formation]

Sçais-tu que ce Vieillard fut la même vertu,
Et l'effroi des Lecteurs de fon tems? le fçais-tu ?

[blocks in formation]

Sçais-tu que je la tiens de lui feul?

Qué m'importe?

LA SERRE

CASSAIGN E.

A quatre vers d'ici je te le fais fçavoir.

LA SERRE

Jeune préfomptueux!

CASSAIGN E.

Parle fans t'émouvoir:

Je fuis jeune, il eft vrai: mais aux ames bien nées
Larime n'attend pas le nombre des années.

LA SERR E.

Mais t'attaquer à moi! qui t'a rendu fi vain,
Toi qu'on ne vid jamais une plume à la main?
C AS 5 A I G N E.

Mes pareils avec toi font dignes de combattre,

Et pour des coups d'effai veulent des Henris quatre.

LA SERRE.

Sçais-tu bien qui je fuis?

CASSAIGN E.

Oui, tout autre que moi
En comptant tes Ecrits pourroit trembler d'effroi.
Mille & mille papiers, dont ta table eft couverte,
Semblent porter écrit le deftin de ma perte.
J'attaque en téméraire un gigantefque Auteur;
Mais j'aurai trop de force ayant affez de cœur.
Je veux venger mon Maître, & ta plume indomtable
Pour ne fe point laffer n'eft point infatigable.

[blocks in formation]

Ce Phébus qui paroît aux difcours que tu tiens
Souvent par tes Ecrits fe découvrit aux miens,
Et te voyant encore tout frais forti de Claffe
Je difois, Chapelain lui laissera sa place.

Caffai

gne a fait un Poëme intitulé

Henri le

Grapda

Je fçai ta penfion, & fuis ravi de voir

Que ces bons mouvemens excitent ton devoir,
Qu'ils te font fans raifon mettre rime fur rime,
Etayer d'un Pédant l'agonifante eftime,
Et que voulant pour Singe un Ecolier parfait,
Il ne fe trompoit point au choix qu'il avoit fait.
Mais je fens que pour toi ma pitié s'intéreffe,
J'admire ton audace & je plains ta jeuneffe:
Ne cherche point à faire un coup d'effai fatal,
Difpenfe un vieux routier d'un combat inégal.
Trop peu de gain pour moi fuivroit cette victoire;
A moins d'un gros volume, on compofe fans gloire;
Et j'aurois le gret de voir que tout Paris

Te croiroit accablé du poids de mes Ecrits.

CASSAIGN E.

D'une indigne pitié ton orguëil s'accompagne:
Qui péle Chapelain craint de tondre Caffaigne.
LA SERRE.

[blocks in formation]

Vien, tú fais ton devoir. L'Ecolier eft un traître

Qui fouffre fans cheveux la tête de fon Maître.

[ocr errors]
« PreviousContinue »