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Pour avoir de l'encens donner une bataille,
Ne laiffer de fa bourfe échaper une maille,
Surtout fers-leur d'exemple, & reffouviens-toi bien
De leur former un ftile auffi dur que le tien.
CHAPELA IN.

Pour s'inftruire d'exemple en dépit de Liniére
Ils liront feulement ma Jeanne toute entiére:
Là dans un long tiffu d'amples narrations
Ils verront coinme il faut berner les Nations,
Duper d'un grave ton Gens de robe & d'armée,
Et fur l'erreur des fots bâtir fa renommée.
LA SERRE.

L'exemple de La Serre a bien plus de pouvoir;
Un Auteur dans ton Livre aprend mal fon devoir:
Et qu'a fait après tout ce grand nombre de pages
Que ne puiffe égaler un de mes cent Ouvrages?
Si tu fus grand flatteur, je le fuis aujourd'hui,
Et ce bras de la Preffe eft le plus ferme apui.
Bilaine & de Sercy fans moi feroient des drilles;
Mon nom feul au Palais nourrit trente familles,
Les Marchands fermeroient leurs boutiques fans

moi;

Et s'ils ne m'avoient plus, ils n'auroient plus d'emploi.

Chaque heure, chaque inftant fait fortir de ma plume Cahiers deffus cahiers, volume fur volume.

Mon valet écrivant ce que j'aurois dicté

Feroit un Livre entier marchant à mon cô té;
Et loin de ces durs vers qu'à mon ftile on préfére,
Il deviendroit Auteur en me regardant faire.
CHAPELA IN.

Tu me parles en vain de ce que je connoi;
Je t'ai vu rimailler & traduire fous moi:

1

Si j'ai traduit Gufman, fi j'ai fait fa Préface,
Ton galimathias a bien rempli ma place.
Enfin pour épargner ces difcours fuperflus,
Si je fuis grand flateur, tu l'es & tu le fus ;
Tu vois bien cependant qu'en cette concurrence
Un Monarque entre nous met de la différence.
LA SERRE.

Ce que je méritois tu me l'as emporté.

CHAPELA IN.

Qui l'a gagné fur toi l'avoit mieux mérité.
LA SERRE.

Qui fçait mieux compofer en eft bien le plus digne.
CHAPELAIN.

En être refusé n'en est pas un bon figne.
LA SERRE.

Tu l'as gagné par brigue étant vieux courtisan.
CHAPELA IN.

L'éclat de mes grands vers fut mon feul partisan.
LA SERRE.

Parlons-en mieux: le Roi fait honneur à ton âge.
CHAPELA I N.

Le Roi, quand il en fait, le mefure à l'Ouvrage.
LA SERRE.

Et par-là je devois emporter ces ducats.

CHAPELA IN.

Qui ne les obtient point ne les mérite pas.
LA SERRE.

Ne les mérite pas, moi?

CHAPELA IN.

Toi.

LA SERRE.

Ton infolence,

Téméraire vieillard, aura fa récompense.

Il lui arrache fa perruque.

CHAPELA I N.

Achève & prend ma tête après un tel affront,
Le premier dont ma Mufe a vû rougir fon front.
LA SERRE.

Es que penfes-tu faire avec tant de foibleffe?
CHAPELAIN.

O Dieux! mon Apollon en ce besoin me laisse.
LA SERRE.

Ta perruque eft à moi, mais tu ferois trop vain,
Si ce fale trophée avoit foüillé ma main.

Adieu; fais lire au peuple, en dépit de Liniére,
De tes fameux travaux l'histoire toute entiére:
D'an infolent difcours ce jufte châtiment
Ne lui fervira pas d'un petit ornement.
CHAPELA IN.

Rend-moi donc ma perruque.

LA SERRE.

Elle est trop malhonnête.

De tes lauriers facrez va te couvrir la tête.

CHAPELA I N.

Rend la calotte au moins.

LA SERRE.

Va, va, tes cheveux d'ours

Ne pourroient fur ta tête encore durer trois jours.

S CENE 1 I.

CHAPELA IN feul.

Rage! defefpoir! & Perruque mamie!

N'as-tu donc tant vécu que pour cette in famie? N'as-tu trompé l'espoir de tant de Perruquiers,

Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers?
Nouvelle penfion fatale à ma calotte!
Précipice élevé qui te jette en la crotte,
Cruel reffouvenir de tes honneurs paffez,
Services de vingt ans en un jour effacez!
Faut-il de ton vieux poil voir triompher La Serre;
Et te mettre crottée ou te laiffer à terre?
La Serre, fois d'un Roi maintenant régalé;
Ce haut rang n'admet pas un Poëte pelé,
Et ton jaloux orguëil par cet affront infigne,
Malgré le choix du Roi, m'en a fçû rendre indigne
Et toi de mes travaux glorieux inftrument,
Mais d'un efprit de glace inutile ornement,
Plume jadis vantée, & qui dans cette offense
M'as fervi de parade & non pas de défense,
Va, quitte deformais le dernier des humains,
Paffe, pour me venger, en de meilleures mains.
Si Caffaigne a du cœur, & s'il eft mon ouvrage,
Voici l'occafion de montrer fon courage;
Son efprit eft le mien, & le mortel affront,
Qui tombe fur mon chef, rejaillit fur fon front.

SCENE

I I I.

CHAPELAIN, CASSAIGNE.
CHAPELA IN.

Affaigne, as-tu du cœur?

CA

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L'éprouveroit fur l'heure.

CHAPELA IN.

Ah! c'eft comme il faut être.
Digne

Digne reffentiment à ma douleur bien doux !
Je reconnois ma verve à ce noble courroux.
Ma jeuneffe revit en cette ardeur fi prompte.
Mon difciple, mon fils, viens réparer ma honte.
Viens me venger.

C AS S A IGN E.
De quoi?

CHAPELA IN.

D'un affront fi cruel

Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel
D'une infulte.... Le traître eût payé la perruque
Un quart d'écu du moins fans mon âge caduque.
Ma plume que mes doigts ne peuvent foûtenir
Je la remets aux tiens pour écrire & punir.

Va contre un infolent faire un bon gros Ouvrage,
C'eft dedans l'encre feul qu'on lave un tel outrage:
Rime, ou créve. Au furplus,pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter;
Je l'ai vû fort poudreux au milieu des Libraires
Se faire un beau rempart de deux mille exemplaires
CASSAIGN E.

Son nom? C'eft perdre tems en difcours fuperflus.
CHAPELA IN.

Donc pour te dire encor quelque chofe de plus : Plus enflé que Boyer, plus bruyant qu'un tonnerra C'est....

CA S S A I G N E.

De grace achevez.

CHAPELA IN.

Le terrible La Serre.

C A S S A I G N E.

Le...

P

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