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Auffifon cœur pour Toi, brûlant d'un fi beau feu,
N'en fit point dans le monde un lâche defaveu;
Et fon zèle hardi, toûjours prêt à paroître,
N'alla point fe cacher dans les ombres d'un Cloître.
Va le trouver, ma Sœur: à ton augufte nom,
Tout s'ouvrira d'abord en sa fainte Maison:
Ton vifage eft connu de fa noble famille;
Tout y garde tes loix, Enfans, Sœur, Femme, Fille
Tes yeux d'un feul regard fçauront le pénétrer:
Et pour obtenir tout, tu n'as qu'à te montrer.
Là s'arrête Thémis. La Piété charmée

Sent renaître la joïe en fon ame calmée.

Elle court chez Arifte, & s'offrant à fes yeux:
Que me fert, lui dit-elle, Arifte, qu'en tous lieur
Tu fignales pour moi ton zèle & ton courage,
Şi la Difcorde impie à ta porte m'outrage?
Deux puiffans Ennemis, par elle envenimez,
Dans ces murs, autrefois fi faints, fi renommez,
A mes facrez Autels font un profane insulte,
Rempliffent tout d'effroi, de trouble & de tumulte.
De leur crime à leurs yeux va-t-en peindre l'horeur;
Sauve-moi, fauve-les de leur propre fureur.

Elle fort à ces mots. Le Héros en priére
Demeure tout couvert de feu & de lumiére.
De la célefte Fille il reconnoît l'éclat,

Et mande au même inftant le Chantre & le Prélat.

Mufe, c'eft à ce coup, que mon Efprit timide

Dans fa courfe élevée à befoin qu'on le guide,
Pour chanter par quels foins, par quels nobles tra-

vaux,

Un Mortel fçût fléchir ces fuperbes Rivaux.

Mais plûtôt, Toi qui fis ce merveilleux ouvrage Arifte, c'est à toi d'en inftruire notre âge,

Seul tu peux révéler, par quel art tout puiffant
Tu rendis tout à-coup le Chantre obéïssant.
Tu fçais par quel confeil raffemblant le Chapitre,
Lui-même, de fa main, reporta le Pupitre,
Et comment le Prélat, de fes refpects content,
Le fit du banc fatal enlever à l'inftant.

Parle donc: c'eft à Toi d'éclaircir ces merveilles.
Il me fuffit pour moi d'avoir fçû par mes veilles,
Jufqu'au fixiéme Chant pouffer ma fiction,

Et fait d'un vain Pupitre un fecond Ilion.
Finiffons. Auffi bien, quelque ardeur qui m'infpire
Quand je fonge au Héros qui me refte à décrire,
Qu'il faut parler de Toi, mon Efprit éperdu
Demeure fans parole, interdit, confondu.
Arifte, c'eft ainfi qu'en ce Sénat illuftre,
Où Thémis,par tes foins, reprend fon premier luftre,
Quand la premiére fois un Athléte nouveau
Vient combattre en champ clos aux joûtes du Bar

reau,

Souvent fans y penfer, ton augufte prefence,
Troublant par trop d'éclat fa timide éloquence,
Le nouveau Cicéron tremblant, décoloré,
Cherche en vain fon Difcours fur fa langue égaré:
En vain,pour gagner tems,dans fes tranfes affreufes
Traine d'un dernier mot les fyllabes honteufes;
Ilhéfite, il bégaye, & le trifte Orateur -
Demeure enfin muet aux yeux du Spectateur.

Fin du Lutrin.

ODES,

EPIGRAMMES,

ET AUTRES POËSIES.

DISCOURS

L

SUR L'ODE.

'ODE fuivante a été composée à l'occafion de ces étranges Dialogues, qui ont paru depuis quelque-tems, où tous les plus grands Ecrivains de l'Antiquité font traitez d'Efprits médiocres, de gens à être mis en parallèle avec les Chapelains & avec les Cotins;

où voulant faire bonneur à notre fiécle, on l'a en quelque forte diffamé, en faisant voir qu'il s'y trouve des Hommes capables d'écrire des chofes fi peu fenfées. Pindare eft des plus maltraitez. Comme les beautez de ce Poëte font extrêmement renfermées dans fa Langue, l'Auteur de ces dialogues, qui vrai-semblablement ne fçait point de Grec, & qui n'a la Pindare que dans des Traductions Latines affez défectueuses, a pris pour galimat bias tout ce que la foibleffe de fes lumiéres ne lui permettoit pas de comprendre. Il a fur tout traité de ridicule ces endroits merveilleux, où le Poëte, pour marquer un esprit entiérement hors de foi, rompt quelquefois de deffein formé la fuite de fon difcours; & afin de mieux entrer dans la Raifon fort, s'il faut ainfi parler, de la Raifon même, évi- . tant avec grand foin cet ordre méthodique & ces exactes liaisons de fens, qui ôteroient l'ame à la Poëfie Lyrique. Le Cenfeur, dont je parle, n'a pas pris garde qu'en attaquant ces nobles bardieffes de Pindare,

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