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Et par un Dogme faux dans nos jours enfanté,
Des devoirs du Chrétien raïer la Charité!
Si j'allois confulter chez Eux le moins févére,
Et lui difois: Un Fils doit-il aimer fon Pere?
Ah! peut-on en douter, diroit-il brufquement?
Et quand je leur demande en ce même moment :
L'Homme, ouvrage d'un Dieu feul bon, & feul ai-
mable,

Doit-il aimer ce Dieu fon Pere véritable?
Leur plus rigide Auteur n'ofe le décider,
Et craint en l'affirmant de fe trop hazarder.
Je ne m'en puis défendre; il faut que je t'écrive
La Figure bizarre, & pourtant affez vive,
Que je fçûs l'autre jour employer dans fon lieu,
Et qui déconcerta ces Ennemis de Dieu.
Au fujet d'un Ecrit, qu'on nous venoit de lire,
Un d'entr'eux m'infulta, fur ce que j'ofai dire,
Qu'il faut, pour être abfous d'un crime confeffé;
Avoir pour Dieu du moins un Amour commencé.
Ce Dogme, me dit-il, eft un pur Calvinifme.
O Ciel! me voilà donc dans l'Erreur,dans le Schifme
Et partant réprouvé. Mais, pourfuivis-je alors,
Quand Dieu viendra juger les Vivans, & les Morts,
Et des humbles Agneaux, objet de fa tendreffe,
Séparera des Boucs la troupe péchereffe,
A tous il nous dira, févere ou gracieux,
Ce qui nous fit impurs ou justes à les yeux.
Selon vous donc, à moi réprouvé, bouc infame,
Va brûler, dira-t'il, en l'éternelle flame, [mer:
Malheureux, qui foûtins, que l'Homme dut m'ai-
Et qui fur ce fujet, trop promt à déclamer,
Prétendis, qu'il falloit, pour fléchir ma Justice,

Que le Pécheur touché de l'horreur de fon vice,
De quelque ardeur pour moi fentit les mouvemens,
Et gardât le premier de mes Commandemens.
Dieu, fi je vous en croi, me tiendra ce langage.
Mais à vous, tendre Agneau, fon plus cher héritage,
Orthodoxe Ennemi d'un Dogme fi blåmé,
Venez, vous dira-t'il, Venez, mon Bien-aimé ;
Vous, qui dans les détours de vos raifons fubtiles
Embaraffant les mots d'un des plus Saints Conciles,
Avez délivré l'homme, O l'utile Docteur!
De l'importun fardeau d'aimer fon Créateur.
Entrez au Ciel, Venez, comblé de mes loüanges,
Du befoin d'aimer Dieu defabufer les Anges.
A de tels mots, fi Dieu pouvoit les prononcer,
Pour moi je répondrois, je croi, fans l'offenfer,
O! que, pour vous mon cœur moins dur, &-moins
farouche,

Seigneur, n'a-t'il, hélas! parlé comme ma bouche?
Ce feroit ma réponse à ce Dieu fulminant.

Mais, vous, de fes douceurs objet fort furprenant,
Je ne fçai pas comment, ferme en votre Doctrine,
Des ironiques mots de fa bouche divine

Vous pourriez fans rougeur, & fans confufion,
Soûtenir l'amertume, & la dérifion.

L'audace du Docteur, par ce difcours frapée,
Demeura fans replique à ma profopopée.
Il fortit tout à coup, & murmurant tout bas
Quelques termes d'aigreur que je n'entendis pas,
S'en alla chez Binsfeld, ou chez Bafile Ponce, f
deffen- Sur l'heure, à mes raifons, chercher une réponse.

+ Deux

feurs de

la faufe Attri

tiona

Fin des Epitres. .

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POETIQUE

EN VER S

AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR des Remarques, fur l'Art Poëtique.

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'Eft à Monfieur Defpreaux principalement que la France eft redevable de cette justesse & de cette folidité qui fe font remarquer dans les Ouvrages de nos bons Ecrivains. Ce font fes premiéres productions qui ont le plus contribué à bannir l'affectation & le mauvais goût. Mais c'étoit peu pour lui d'avoir corrigé les Poëtes par fa Critique, s'il ne les avoit encore inftruits par fes préceptes. Dans cette vûë il forma le dessein de compofer un Art Poëtique.

Le célébre Mr. PATRU, à qui il communiqua fon deffein, ne crut pas qu'il fût poffible de l'exécuter avec fuccès. Il convenoit qu'on pouvoit bien expliquer les régles générales de la Poëfie, à l'exemple d'Horace; mais pour les régles particulières, ce détail ne lui paroiffoit pas propre à être mis en vers François, & il eut affez mauvaise opinion de notre Poëfie, pour la croire incapable de fe foûtenir dans des matieres auffi féches que le font de fimples préceptes.

Néanmoins, les difficultez que ce judicieux Critique prévoyoit, bien loin d'effrayer notre jeune Poëte, ne · fervirent qu'à l'animer, & à lui donner une plus grande idée de fon entreprife. Il commença dès-lors à travailler à fon Art Poëtique, & quelque tems après il en alla reciter le commencement à fon Ami, qui voyant la noble audace avec laquelle notre Auteur entroit en matiére, changea de fentiment, & l'exhorta bien férieufement à continuer.

Ce fut en ce même tems qu'il mit la derniére main à fon Poëme du Lutrin qui étoit déja bien avancé: de forte

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