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Tu ne t'en peux bannir que l'orphelin ne crie:
Que l'oppreffion ne montre un front audacieux;
Et Thémis pour voir clair a besoin de tes yeux.
Mais pour moi de Paris Citoyen inhabile,
Qui ne lui puis fournir qu'un rêveur inutile,
Il me faut du repos, des prez & des Forêts.
Laiffe moi donc ici, fous leurs ombrages frais,
Attendre que Septembre ait ramené l'Automne,
Et que Cerès contente ait fait place à Pomone.
Quand Bacchus comblera de fes nouveaux bien fait
Le Vendangeur ravi de ployer fous le faix,
Auffi-tôt ton Ami redoutant moins la Ville,
T'ira joindre à Paris, pour s'enfuir à Baville.
Là, dans le feul loifir que Thémis t'a laiffé,
Tu me verras fouvent à te fuivre empreffé,
Pour monter à cheval rappellant mon audace,
Aprentif Cavalier galoper fur ta trace.

Tantôt fur l'herbe affis au pié de ces côteaux, *Fontai- Où Polycrene* épand fes libérales eaux,

ne à une

demie (5) LAMOIGNON, nous irons libres d'inquiétude, lieuë de Difcourir des vertus dont tu fais ton étude :

Baville,

ainfi Chercher quels font les biens véritables ou faux: nommée Sil'honnête homme en foi doit fouffrir des défauts: par feu

Mr. le Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide premier Ou la vaste science, ou la vertu folide.

Prefident

de La C'eft ainfi que chez toi tu fçauras m'attacher. moignon.

(5) Horace, en parlant de fes occupations à la Campagne à Lib. II. Sat. VI. vf. 72.

quod magis ad nos
Pertinere & nefcire malum eft, agitamus, utrùm
Divitiis homines, an fint virtute beati :

Quid-ve ad amicitias, ufus, rectumne trahať nos
Et quæ fit natura boni, fummmúmque quid ejus.

Heureux! fi les Fâcheux promts à nous y chercher,
N'y viennent point femer l'ennuieuse tristesse.
Car dans ce grand concours d'hommes de toute ef-
péce,

Que fans ceffe à Baville attire le devoir;
Au lieu de quatre Amis qu'on attendoit le foir,
Quelquefois de Fâcheux arrivent trois volées,
Qui du parc à l'inftant affiégent les allées.
Alors fauve qui peut, & quatre fois heureux,
Quifçait pour s'échaper quelque antre ignoré d'eux.

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A Monfieur RACINE.

Ue tu fçais bien, RACINE, à l'aide d'un Acteur,
Emouvoir, étonner, ravir un Spectateur!
Jamais Iphigénie en Aulide immolée,

N'a coûté tant de pleurs à la Gréce affemblée,
Que dans l'heureux fpectacle à nos yeux étalé,
En a fait fous fon nom verfer la* Chanmeflé.
Ne croi pas toutefois, par tes fçavans ouvrages,
Entraînant tous les cœurs gagner tous les fuffrages
Si-tôt que d'Appollon un génie inspiré,
Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré,
En cent lieux contre lui les cabales s'amaffent,
Ses Rivaux obfcurcis autour de lui croaffent,
(1) Et fon trop de lumiére importunant les yeux,
(1) Horace, Liv. II. Ep. 1. 12. en parlant d'Hercule.
Comperit invidiam fupremo fine domari.
Writ enim fulgore fuo qui prægravat artes
Infra fe pofitas ; exstinétus amabitur idēm.

*Famer Se Altri

ce.

De fes propres amis lui fait des envieux.
La mort feule ici bas en terminant sa vie,
Peut calmer fur fon nom l'injustice & l'envie,
Faire au poids du bon fens pefer tous fes écrits,
Et donner à fes vers leur légitime prix.
Avant qu'un peu de terre obtenu par priére,
Pour jamais fous la Tombe eût enfermé Moliére,
Mille de ces beaux traits aujourd'hui si vantez,
Furent des fots Efprits à nos yeux rebutez.
L'ignorance & l'erreur à fes naiffantes pièces,
En habits de Marquis, en robes de Comteffes,
Venoient pour diffamer fon chef-d'œuvre nouveau,
Et fecoüoient la tête à l'endroit le plus beau.
Le Commandeur vouloit la fcene plus exacte.
Le Vicomte indigné fortoit au fecond Acte.
L'un défenfeur zelé des Bigots mis en jeu,
Pour prix de fes bons mots, le condamnoit au feu.
L'autre, fougueux Marquis, lui déclarant la guerre
Vouloit vanger la Cour immolée au Parterre.
Mais fi-tôt, que d'un trait de fes fatales mains,
La Parque l'eût ravi du nombre des humains;
On reconnut le prix de fa Mufe éclipsée.
L'aimable Comédie avec lui terraffée,
En vain d'un coup fi rude efpéra revenir,
Et fur fes brodequins ne put plus fe tenir.
Tel fût chez nous le fort du Théatre Comique.
Toi donc, qui t'élevant fur la Scène Tragique,
Suis les pas de Sophocle, & feul de tant d'Efprits,
De Corneille vieilli fçais confoler paris,
Ceffe de t'étonner, fi l'envie animée,

Attachant à ton nom fa roüille en venimée,
La calomnie en main quelque fois te poursuit.

En cela, comme en tout, le Ciel qui nous conduit,

RACINE, fait briller fa profonde fageffe.
Le mérite en repos s'endort dans la pareffe:
Mais par les Envieux un génie excité,

Au comble de fon art eft mille fois monté. Plus on veut l'affoiblir, plus il croit & s'élance. Au Cid perfecuté Cinna doit sa naissance, Et peut-être ta plume aux Cenfeurs de Pyrrhus, Doit les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus. Moi-même, dont la gloire ici moins répanduë Des pâles envieux ne bleffe point la vûë, [mis, Mais qu'une humeur trop libre, un efprit peu fou De bonne heure a pourvû d'utiles Ennemis: Je dois plus à leur haine, il faut que je l'avouë, Qu'au foible & vain talent dont la France me loue. Leur venin qui fur moi brûle de s'épancher, Tous les jours enmarchant m'empêche de broncher Je fonge à chaque trait que ma plume hazarde, Que d'un œil dangereux leur troupe me regarde. Je fçais fur leurs avis corriger mes erreurs, Et je mets à profit leurs malignes fureurs. Si tôt que fur un vice ils penfent me confondre, C'eft en me guériffant que je fçais leur répondre: Et plus en criminel ils penfent m ériger; Plus croiffant en vertu je fonge à me venger. Imite mon exemple: & lors qu'une cabale, Un flot de vains Auteurs follement te ravale, Profite de leur haine, & de leurs mauvais fens Ris du bruit paffager de leurs cris impuiffans. Que peut contre tes vers une ignorance vaine ? Le Parnaffe François ennobli par ta veine, Contre tous ces complots fçaura te maintenir, Et foulever pour toi l'équitable Avenir. Et qui, voyant un jour la douleur vertueufe,

De Phèdre malgré foi perfide, inceftueufe,
D'un fi noble travail juftement étonné,
Ne benira d'abord le fiécle fortuné,

Qui rendu plus fameux par tes illuftres veilles, Vit naître fous ta main ces pompeufes merveilles? Cependant laiffe ici gronder quelques Cenfeurs, Qu'aigriffent de tes vers les charmantes douceurs, (2) Et qu'importe à nos vers que Perrin les admire, Corras, Que l'Auteur du Jonas s'empreffe pour les lire? dont Mr. Qu'ils charment de Senlis le Poěte idiot, preaux, Ou le fec Traducteur du François d'Amyot. parle Pourvû qu'avec éclat leurs rimes debitées

Def

ailleurs.

[tées ;

Soient du Peuple, des Grands, des Provinces goût-
Pourvû qu'ils puiffent plaire au plus puiffant des
Rois.:

Qu'à Chantilli Condé les fouffre quelquefois :
Qu'Enguien en foit touché,que Colbert & Vivonne,
Que la Rochefoucaut, Marfiac & Pompone,
Et mille autres qu'ici je ne puis faire entrer,
A leurs traits délicats se laiffent pénetrer.
Et plût au Ciel encor, pour couronner l'ouvrage
Que Montauzier voulût leur donner fon fuffrage.
C'est à de tels Lecteurs que j'offre mes écrits.
Mais pour un tas groffier de frivoles Efprits,
Admirateurs zèlez de toute œuvre infipide,
+ Fa. Que non loin de la place où Brioché † préfide,
Sans chercher dans les vers ni cadence ni fon,
Il s'en aille admirer le fçavoir de Pradon.

meux

joueur de

Marionnetes, lo

gé proche
(2) Horace, Lib. I. Sat. X. vf. 78.
les Co-
médiens. Men'moveat cimex Pantilius ?

Plotius, & Varius, Mecœnas, Virgiliufque ,
Valgius, & probet hæc Octavius opimus, atque
Fufcus : & hæc utinam Vifcorum laudet uterque.

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