Page images
PDF
EPUB

N'avoit par fes bienfaits fignalé la journée.
Le cours ne fut pas long d'un empire fi doux.
Mais où cherchai - je ailleurs ce qu'on trouve
chez nous ?

GRAND ROI, fans recourir aux hiftoires anti

ques,

Ne t'avons-nous pas vû dans les plaines Belgiques,
Quand l'ennemi vaincu defertant fes remparts,
Au-devant de ton joug couroit de toutes parts,
Toi-même te borner au fort de ta victoire,
Et chercher dans la paix une plus jufte gloire ?
Ce font-là les exploits que tu dois avoüer:
Et c'eft par-là, GRAND ROI, que je te veux loüer.
Affez d'autres, fans moi, d'un ftile moins timide,
Suivront aux champs de Mars ton courage rapide:
Iront de ta valeur effrayer l'Univers,

Et camper devant Dole au milieu des hyvers. Pour moi, loin des combats, fur un ton moins terrible,

Je dirai les exploits de ton régne paisible.
Je peindrai les plaifirs en foule renaiffans,
Les opreffeurs du peuple à leur tour gémiflans.
On verra par quels foins ta fage prévoyance,
Au fort de la famine entretint l'abondance..
On verra les abus par ta main réformez,
La licence & l'orgueil en tous lieux réprimez,
Du débris des Traitans ton épargne groffie,
Des fubfides affreux la rigueur adoucie,
Le foldat dans la paix fage & laborieux,
Nos Artifans groffiers rendus industrieux;
Et nos voisins fruftrez de ces tributs ferviles,
Que payoit à leur art le luxe de nos villes.
Tantôt je tracerai tes pompeux bâtimens,

Du loifir d'un Héros nobles amusemens.
J'entens déja frémir les deux Mers étonnées,
De voir leurs flots unis au pié des Pyrénées.
Déja de tous côtez la Chicane aux abois,
S'enfuit au feul afpect de tes nouvelles lois.
O que ta main par-là va fauver de pupilles !
Que de fçavans plaideurs deformais inutiles !
Qui ne fent point l'effet de tes foins généreux?
L'Univers fous ton régne a t-il des malheureux?
Eft-il quelque vertu dans les glaces de l'Ourse,
Ni dans ces lieux brûlez où le jour prend fa fource
Dont la triste indigence ofe encore aprocher,
Et qu'en foule tes dons d'abord n'aillent chercher?
C'est par toi qu'on va voir les Mufes enrichies,
De leur longue difette à jamais affranchies.

(1) GRAND Ro, poursui toûjours, affure leur repos;

Sans elles un Héros n'eft pas long-tems Héros. Bien-tôt, quoi qu'il ait fait, la mort d'une ombre noire,

Envelope avec lui fon nom & fon hiftoire.

En vain pour s'exempter de l'oubli du cercueil,
Achille mit vingt fois tout Ilion en deüil,
En vain malgré les vents aux bords de l'Hefpérie,
Enée enfin porta fes Dieux & fa patrie.
Sans le fecours des vers, leurs noms tant publiez,
Seroient depuis mille ans avec eux oubliez

(1) Horace, Liv. IV. Od. 9. vf. 25.

Vixere fortes ante Agamemnona

Multi, fed omnes illachrymabiles ♪

Urgentur ignotique longâ

Nocte, carent quia vate facre.

Non, à quelques hauts faits que ton deftin t'apelle,
Sans le fecours foigneux d'une Mufe fidelle,
Pour t'immortalifer tu fais des vains efforts,
Apollon te la doit: ouvre lui tes trefors.
En Poëtes fameux rend nos climats fertiles.
Un Augufte aifément peut faire des Virgiles,
Que d'illuftres témoins de ta vaste bonté,
Vont pour toi dépofer à la poftérité !

Pour moi, qui fur ton nom déja brûlant d'écrire »
Sens au bout de ma plume expirer la Satire,
Jen'ofe de mes vers vanter ici le prix.
Toutefois, fi quelqu'un de mes foibles écrits,
Des ans injurieux peut éviter l'outrage,
Peut-être pour ta gloire aura-t-il fon ufage:
Et comme tes exploits étonnant les Lecteurs,
Seront à peine crûs fur la foi des Auteurs;
Si quelque Esprit malin les veut traiter de fables,
On dira quelque jour, pour les rendre croyables,
Boileau, qui dans fes vers pleins de fincérité,
Jadis à tout fon fiécle a dit la vérité:

Qui mit à tout blâmer fon étude & fa gloire,
A pourtant de ce Roi parlé comme l'histoire.

[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small]

Penfes-tu qu'aucun d'eux veüille fubir mes loix,
Ni fuivre une raifon qui parle par ma voix ?
O le plaifant Docteur, qui fur les pas d'Horace,
Vient prêcher, diront-ils, la réforme au Parnaffe!
Nos écrits font mauvais, les fiens valent-ils mieux ?
(1) J'entens déja d'ici Liniére furieux,

Qui m'apelle au combat, fans prendre un plus long terme.

De l'encre, du papier, dit-il, qu'on nous enferme.
Voyons qui de nous deux plus aisé dans fes vers
Aura plûtôt rempli la page & le revers;

Moi donc qui fuis peu fait à ce genre d'escrime;
Je le laiffe tout feul verfer rime fur rime,
Et fouvent de dépit contre moi s'exerçant,
Punir de mes defauts le papier innocent.

Mais toi qui ne crains point qu'un Rimeur te noirciffe,

Que fais-tu cependant feuken ton Bénéfice?

Attens-tu qu'un Fermier payant, quoi qu'un peu

tard,

De ton bien, pour le moins, daigne te faire part ?

(1) Horace, Lib. 1. Sat. IV. vf. 14.

Crifpinus minimo me provocat : accipe, fi vis,
Accipe jam tabulas, detur nobis locus, hora,
Cuftodes: videamus uter plus fcribere pof.

Vas tu, grand défenfeur des droits de ton Eglife,
De tes moines mutins réprimer l'entreprise?
Croy-moi, dût Aufanet t'affurer du fuccès,
Abbé, n'entrepren point même un juste procès.
N'imite point ces fous dont la fotte avarice
Va de fes revenus engraiffer la Justice,

Qui toûjours affignant, & toûjours affignez,
Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnez.
Soûtenons bien nos droits : Sot eft celui qui donne:
C'eft ainfi devers Caën que tout Normand raifonne,
Ce font-là les leçons dont un pere Manceau
Inftruit fon fils novice au fortir du berceau.
Mais pour toi qui nourri bien en deça de l'Oife,
As fucé la vertu Picarde & Champenoife,
Non, non, tu n'iras point, ardent Bénéficier,
Faire enrouer pour toi Corbin ni le Mazier.
Toutefois, fi jamais quelque ardeur bilieufe
Allumoit dans ton cœur l'humeur litigieufe;
Confulte-moi d'abord ; & pour la réprimer,
Retien bien la leçon que je te vais rimer.

Un jour dit un Auteur,n'importe en quel chapitre, Deux Voyageurs à jeun rencontrérent une huître. Tous deux la conteftoient, lors que dans leur che

min

La Juftice paffa, la balance à la main.

Devant elle à grand bruit ils expliquent la chofe,
Tous deux avec dépens veulent gagner leur caufe.
La juftice pefant ce droit litigieux,

Demande l'huître, l'ouvre, & l'avale à leurs yeux,
Et par ce bel arreft terminant la bataille:
Tenez voila, dit-elle, à chacun une écaille;

Des fottifes d'autrui nous vivons au Palais : [paix.
Meffieurs, l'huitre étoit bonne. Adieu. Vivez en

« PreviousContinue »