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J'ai prêté dans mes vers une ame allégorique.
Fui, va chercher ailleurs tes Patrons bien aimez
Dans ce païs par toi rendus fi renommez,

Où l'Orne épand fes eaux, & que la Sarthe arrofe
Ou fi plus fürement tu veux gagner ta cause,
Porte-la dans Trevoux à ce beau Tribunal,
Où de nouveaux Midas un Sénat Monachal †,
Tous les Mois, apuyé de ta Sœur l'Ignorance,
Pour juger Apollon, tient, dit-on, fa feance.

t Les Fefuites, Auteurs des Mémoires pour l'Hiftoire des Sciences & des beaux Arts, qu'ils publient à Trevoux tous les Mois depuis l'Année 1701,

SONNET A MONSIEUR DESPREAUX, Sur fa Satire contre l'Equivoque.

Left vrai, tu l'as dit, le Démon qui t'inspire

IA ta bile cauftique ajoutant fes noirceurs,

T'a dicté cette indigne & dernière Satire,
L'oprobre de fon Pere, & l'horreur de fes Sœurs
Peut-on fans foinmeiller achever de la lire,
Et t'y voir aux dépens de trop benins Lecteurs,
Promener d'àge en àge, & d'Empire en Empire
L'Equivoque femant fes maux & fes erreurs?

On nous dit toutefois, que fur les rives fombres
Arnaud fe fait plaifir d'en régaler les Ombres,
Et que Chapelain même en vante la beauté.

Mais, éloges fufpects! Arnaud la trouve belle
Par les traits qu'elle lance à la Société ;

Et Chapelain, par l'air qu'elle a de la Pucelle.

Par Monfieur de Nantes, Avocat de
Vienne en Dauphiné.

AUX RE'VE'RENDS PERES JESUITES,

Auteurs du Journal de Trevoux.

EPIGRAM ME.

Es Révérends Péres en Dieu,

MEt mes Confréres en Satire,

Dans vos Ecrits en plus d'un lieu,
Je vois qu'à mes dépens vous affectez de rire.
Mais ne craignez-vous point que pour rire de vous
Relifant Juvénal, refeuilletant Horace,

Je ne ranime encor ma Satirique audace?
Grands Ariftarques de Trévoux,

N'allez point de nouveau faire courir aux armes
Un Athléte tout prêt à prendre fon congé;

Qui par vos traits malins au combat rengagé,
Peut encor aux Rieurs faire verfer des larmes.
Apprenez un mot de Regnier,
Notre célébre Devancier;
Corfaires attaquant Corfaires
Ne font pas, dit il, leurs affaires.

AUX MEMES,

Sur fon Epitre de l'Amour de Dieu.

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EPIGRAMM E.

Non, pour montrer que Dieu doit être aimé de

nous,

Je n'ai rien emprunté de Perfe ni d'Horace,
Et je n'ai point fuivi Juvénal à la trace. [vous,
Car bien qu'en leurs Ecrits ces Auteurs mieux que

Attaquent les erreurs dont nos ames font yvres.}
La néceffité d'aimer Dieu

Ne s'y trouve jamais prêchée en aucun lieu,
Mes Péres, non plus qu'en vos livres.

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EPITAPHE

De M. ANTOINE ARNAULD, Docteur de Sorbonne.

A

U pied de cet Autel de ftructure groffiére, Git fans pompe enfermé dans une vile Biére Le plus fçavant Mortel qui jamais ait écrit, ARNAULD, qui fur la Grace instruit par Jesus. Christ,

Combattant pour l'Eglife, a dans l'Eglife même,
Souffert plus d'un outrage & plus d'un anathême.
Plein du feu qu'en fon cœur fouffla l'Esprit divin,
Il terraffa Pélage, il foudroïa Calvin,

De tous les faux Docteurs confondit la Morale.
Pour tout fruit de fon zèle on l'a vû rebuté
En cent lieux opprimé par leur noire cabale,
Il fut errant, banni, trahi perfécuté;
Et même par fa mort leur fureur mal éteinte
N'auroit jamais laiffé fes cendres en repos,
Si Dieu lui-même ici de fon ouaille fainte,
A ces loups dévorans n'avoit caché les os.

SATIRE

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N

SATIRE XIII.

On je ne ferai pas ce qu'on veut que je faffe
En dûffai-je fouffrir ce dont on me menace:
Dûffent tous mes parens me priver de leur bien:
On me veut marier, & je n'en ferai rien.
J'eftime mon repos, plus que mon héritage,
Et pour mieux l'affurer, je fuis le Mariage.
C'est un lien fatal à nôtre liberté,

Le plus heureux Epoux eft toûjours maltraité:
L'hymen avec la joye a tant d'antipathie,

Qu'on n'a que deux bons jours, l'entrée & la fortie:
Si l'on en trouve plus, c'est par un cas fortuit,
L'on a cent mauvais jours pour une bonne nuit.
La plus grande douceur qu'on trouve au mariage;
Ne vient que de l'efpoir qu'on conçoit du veuvage.
Et rien ne doit jamais y faire confentir,
Que pour avoir un jour le plaifir d'en fortir.
Quoi, s'attacher toûjours à la même perfonne!
Ne la pouvoir quitter fi la mort ne l'ordonne:
Attendre fon bonheur d'un funefte trépas,
Et voir inceffamment ce que l'on n'aime pas !
Nourir mille chagrins, mille remors dans l'ame,.
Et mourir de dépit de voir vivre une femme!
J'aime trop mon repos pour vouloir m'expofer,
A toutes les douleurs qu'un Hymen peut caufer.
Un contrat me déplaît, on fait mieux fon affaire,
Şans l'avis d'un Curé, ni le feing d'un Notaire,
Quand on a prononcé ce malheureux Oui,
Le plaifir de l'amour est tout évanoui.

F

1

Nous nous laffons bien tôt quand une chofe eft due,
L'on s'empreffe bien mieux pour une défenduë,
Et quand le nom d'amant fe change en nom d'E-
poux,

L'amour perd auffi-tôt ce qu'il a de plus doux:
Veut-on fe faire aimer & fe faire careffe,

Qu'on en demeure au nom d'amant & de maîtreffe,
Lors que l'on fait l'amour on veut toujours fe voir,
Et l'on aime bien plus par choix que par devoir.
Le légitime enfin ne fait point mon affaire,
Et le nom de mari ne peut me fatisfaire:
J'eftime cent fois mieux vivre fur le commun,
Que m'aller enrôler fous un joug importun.

Au moins l'on peut quitter alors que bon nous, semble,

Et l'on eft pas contraint de demeurer ensemble.
L'on n'a pas ces Contrats qui peuvent engager,
Et fi l'on n'eft pas bien, l'on peut au moins changer.
A-t'on quelque défaut, on fait tout fon poffible,
Lors que l'on fait l'amour, pour le rendre invisible,
Mais eft-on marié, l'on ne fe contraint plus,
Et tous ces petits foins paffent pour des abus.
On devient négligé dès la premiérè année.
C'est une belle fleur qui s'eft bien-tôt fanée.
Tous ces ajustemens ne faifoient pas un pli,
Et rendoient en un mot un galant accompli,
Il ne lavoit fes mains qu'avec de l'eau d'ange,
Sa perruque & fes gants n'étoient que fleur d'O-
range,

Et celui qui n'étoit que Civette & qu'Iris,

Sent maintenant le bouc, au lieu de l'ambre gris.
Il femble avoir toûjours mille procès en tête,
Et ce galant efprit eft devenu tout bête,

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