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fur une chofe qui n'en vaut pas la peine. Le 1773. marquis Vial ou Viale eft marchand et banqueroutier en fon propre nom de marquis. C'est lui qui écrivit à mes artiftes; c'eft lui feul qui se chargea des effets à lui seul envoyés : et s'il a fait banqueroute avec quelques affociés, il en eft feul la véritable caufe. M. de Spinola s'eft encore trompé en vous disant que le marquis ne s'était point abfenté : le marquis eft à Naples, et c'eft notre miniftre à Gènes qui me mande tout cela. C'eft une affaire dans laquelle on ne peut agir ni par conciliation ni par la voie de l'autorité; on ne peut y employer que la vertu de la réfignation. J'exhorte à présent mes pauvres artistes à la patience, et je tâche de profiter moi-même de mon fermon, dans plus d'une affaire. Ceux qui difent que la patience n'eft que la vertu des ânes, ont grand tort; elle doit être, furtout à préfent, la vertu des philofophes et de ceux qui aiment les bons vers.

Vous favez que nous avons à préfent, à Laufane, là moitié de la France et la moitié de l'Allemagne. Monfieur l'évêque de Noyon eft dans la maifon qui m'a appartenu neuf

ans.

Monfieur l'évêque de Noyon

Eft à Laufane, en ma maifon,

Avec d'honnêtes hérétiques.

Il en est très-aimé, dit-on,

1773.

Ainfi que des bons catholiques.
Petits embryons frénétiques

De Loyola, de Saint-Médard,
Qui troublâtes long-temps la France,
Apprenez tous, quoiqu'un peu tard,
A connaître la tolérance.

Comment fe porte 'madame d'Argental? a-t-elle befoin de la vertu de la patience? J'embraffe mon cher ange le plus tendrement du monde.

Dieu veuille que l'homme à qui vous avez prêté la Crète n'ait point donné la chose à examiner à des gens qui auront été effrayés de tout ce qui l'accompagne !

Les notes, et certains petits traités fubféquens, pourraient bien éveiller les Cerbères.

$773.

LETTRE X X V I.

A MADAME

LA MARQUISE DU DEFFANT.

30 de juillet.

Vous avez fans doute, Madame, trouvé

fort mauvais que je ne vous aye point écrit, et que je ne vous aye point remercié de m'avoir fait connaître M. Delisle qui, par fon efprit et fon attachement pour vous, méritait bien que je me hâtaffe de vous faire fon éloge. Ce n'eft pas que la foule des princes et des princeffes de Savoie et de Lorraine, ou de Lorraine et de Savoie, qui étonnent la Suiffe par leur affluence, m'ait pris mon temps; ce n'eft pas que Genève, encore plus étonnée que le refte de la Suisse, m'ait vu à fes bals et à fes fêtes vous fentez bien que tout ce fracas n'eft pas fait pour moi; mais je n'ai pas eu un inftant dont je pusse disposer, et je veux vous dire de quoi il eft queftion.

Les parens de M. de Lalli, qui fe trouvent dans une fituation très-équivoque et trèsdéfagréable, fe font imaginés que je pourrais rendre quelques fervices à fa mémoire. Ils

m'ont

m'ont envoyé leurs papiers: il m'a fallu étudier ce procès énorme qui a duré trois ans, et qui a fini enfin d'une manière fi funefte.

J'ai trouvé qu'il n'y avait pas plus de preuves contre lui que contre les Calas; et que les affaffins du chevalier de la Barre avaient à fe reprocher le fang de Lalli, tout autant que celui de cet infortuné jeune homme.

Mais fachant très-bien que le public ne fe foucierait point du tout aujourd'hui du procès de Lalli, que tout s'oublie, qu'on ne s'intéreffe ni à Louis XIV, ni à Henri IV, et qu'il faut toujours piquer la curiofité de nos Velches par quelque chofe de nouveau, j'ai fait un petit précis des révolutions de l'Inde, à la fin duquel la catastrophe de Lalli s'eft trouvée naturellement.

Voilà, Madame, ce qui m'a occupé jour et nuit; et quoique j'aye près de quatre-vingts c'eft le travail qui m'a le plus coûté dans

ans, ma vie.

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Peut-être, dans l'indifférence où vous paraiffez être pour les chofes de ce monde, vous ne vous intéreffez point du tout à ce qui s'eft paffé dans l'Inde et dans le parlement; nos fottifes et nos défaftres à Pondichéri et dans Paris peuvent fort bien ne vous pas toucher; auffi je me garderai bien de vous envoyer cette petite hiftoire que j'ai composée Correfp. générale. Tome XV. F

1773.

pourtant pour le petit nombre de perfonnes 1773. qui ont le fens droit comme vous, et qui

aiment comme vous la vérité.

Je me fuis mis à juger les vivans et lès morts. J'ai fait un précis historique du procès de M. de Morangiés; et je ne fuis pas plus de l'avis du bailli du palais que je n'ai été de l'avis du parlement dans tout ce qu'il a fait depuis le temps de la fronde, excepté quand il a renvoyé les jéfuites. Mais foyez bien sûre que vous n'aurez ni Morangiés ni Lalli, à moins que vous ne l'ordonniez positivement.

J'oferais mettre encore dans mon marché que je voudrais que vous penfaffiez comme moi fur ces deux objets; mais ce ferait trop demander. Il faut laiffer une liberté toute entière aux perfonnes qu'on prend pour juges, et ne les point révolter par trop d'enthou fafme.

Il eft bon d'avoir votre fuffrage, mais je veux l'avoir par la force de la vérité; et je ne vous prierai pas même d'avoir la plus légère complaifance. Tout ce que je crains, c'eft de vous ennuyer; mais, après tout, les objets que je vous préfente valent bien tous les rogatons de Paris, et tous les miférables journaux que vous vous faites lire pour attraper la fin de la journée.

Il me femble qu'il y a un roman intitulé

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