Page images
PDF
EPUB

J'ai toujours dit encore que les faux témoins 1773. qui ont dépofé contre lui, ayant eu le temps de fe concerter et de s'affermir dans leurs iniquités, triompheraient de l'innocence imprudente.

[ocr errors]

Voilà une affaire bien fingulière et bien malheureufe. Elle doit apprendre à toute la nobleffe de France à n'avoir jamais affaire avec des ufuriers, et à ne jamais connaître madame de la Refource: mais on ne corrigera point nos officiers du bel air. J'ai peur qu'il ne foit difficile de faire modérer la fentence par le parlement, et impoffible d'en changer le fond, à moins que quelqu'un des fripons qui ont gagné leur procès ne meure inceffamment, et ne demande pardon à DIEU et à la juftice de fes manoeuvres criminelles. Toute cette aventure fera long-temps un grand problème. Il ne faut compter dans ce monde que fur votre belle ame et fur votre amitié courageufe; mais daignez compter auffi, Madame, fur la très tendre et très-refpectueufe reconnaiffance de ce pauvre malade du mont Jura. club on sj, sarsha M, zlol ob z Voltaire. c1190) skiroq 30normal al el enquit, tulog purvolup alb crucjunt del tigenrolt ob wellid asb list ob

[ocr errors]
[merged small][ocr errors][ocr errors]

1773.

LETTRE X V.

A M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.

al sh A Ferney, 4 de juin.

EN vérité, Monfeigneur je ne fais fi je dois pleurer ou rire de ce que vous me mandez dans votre lettre du 28 de mai; mais quand un comédien fait une tracafferie à M. le maréchal de Richelieu, il faut rire, et c'eft fans doute ce que vous avez fait. loff

J'admire feulement votre bonté de daigner m'écrire, lorsque les autres tracafferies de Bordeaux pour du pain, qui ont été, dit-on, fuivies d'une fédition meurtrière, attiraient toute votre attention. Siqcetsorage eft paffé, permettez-moi de vous parler d'abord d'une chofe qui m'intéreffe beaucoup plus que tous lés fpectacles de Fontainebleau et de Verfailles; c'eft du petit voyage dont vous m'aviez flatté. L'état cruel où je fuis ne m'au rait certainement pas empêché d'être à vos ordres; il n'y a que la mort qui eût pu me retenir à Ferney; mais je vois que tout eft rompu, et c'eft-là ce qui me fait pleurer. J'avais tout arrangé pour cette petite course ; il ne m'appartient pas d'avoir une dormeuse,

mais j'avais une voiture que j'appelais une 1773. commode. Il faut s'attendre aux contre-temps jusqu'au dernier moment de fa vie.

Quant à l'article des spectacles, mon héros eft engagé d'honneur à protéger mon hiftrionage. J'ignore quel eft le goût de la cour, j'ignore l'efprit du temps préfent; mais je compterai toujours fur votre indulgence pour moi, et fur votre protection nécessaire à ma jeunesse.

Je vous ai fupplié, et je vous supplie encore, d'honorer d'une place dans votre lifte le roi de Suède, fous le nom de Teucer, malgré toutes les différences qui fe trouvent entre ces deux perfonnages.

Je vous demande votre protection pour Mairet, qui eft mort il y a environ six-vingts ans, et qui était protégé par votre grandoncle: il ne tient qu'à vous de le refsusciter. Minos et Sophonisbe font deux pièces nouvelles; toutes deux, et furtout les Lois de Minos, forment des fpectacles où il y a beau ya coup d'action. On dit que c'eft ce qu'il faut aujourd'hui, car tout le monde a des yeux, et tout le monde n'a pas des oreilles.

Je vous réitère donc ma très-humble et trèsinftante prière, de vouloir bien ordonner à noffeigneurs les acteurs de jouer ces deux pièces fur la fin de votre année. J'aurai le

temps de les rendre moins indignes de vous, fi je fuis en vie.

Je quitte le cothurne pour vous parler de ma colonie. Vous qui gouvernez une grande province, vous fentez quelles peines a dâ éprouver un homme obscur, sans pouvoir fans crédit, avec une fortune affez médiocre, en établissant des manufactures qui demandaient un million d'avances pour être bien affermies. Il a fallu changer un miférable hameau en une espèce de ville floriffante, bâtir des maisons, prêter de l'argent, faire venir les artistes les plus habiles, qui font les montres que les plus fameux horlogers de Paris vendent fous leur nom. Il a fallu leur procurer des correfpondances dans les quatre parties du monde je vous réponds que cela eft plus difficile à faire que la tragédie des Lois de Minos, qui ne m'a pas coûté huit jours. Les plus petits objets, dans une telle entreprise, ne font pas à négliger. Ma colonie était perdue, et expirait dans fa naissance, fi M. le duc de Choifeul n'avait pas pris et payé, au nom du roi, plufieurs de nos ouvrages, et fi l'impératrice de Ruffie n'en avait pas fait venir pour environ vingt mille écus.

Les deux montres que M. le duc de Duras voulut bien accepter pour le roi, au mariage

1773.

de madame la dauphine, avaient un grand 1773. défaut. Un miférable peintre en émail, qui croyait avoir un portrait reffemblant de madame la dauphine, la peignit fort mal fur les boîtes de ces montres. Je n'ofe vous propofer de les renvoyer. Si vous pouvez pouffer vos bontés jufqu'à faire payer les fieurs Ceret et Dufour de ces deux montres, je vous aurai beaucoup d'obligation, ils font les moins riches de la colonie. Daignez faire dire un mot à monsieur Hébert, et un frère de Ceret, qui est son correfpondant à Paris, ira chercher l'argent.

[ocr errors]

Je vous demande bien pardon d'entrer dans de tels détails avec le vainqueur de Mahon et le défenfeur de Gènes; mais enfin mon héros daigne quelquefois s'amufer de bagatelles: On n'eft pas toujours à la tête d'une armée; il faut bien defcendre quelquefois aux niaiferies de la vie civile,

A propos de niaiferies, fouvenez-vous bien, je vous en prie; que je vous ai envoyé dans Patras un acteur qui deviendrait en trois mois égal à le Kain en bien des chofes, et très fupérieur à lui par le don de faire répandre des larmes. Je m'y connais, je fuis du métier. J'ai joué Cicéron et Lufignan, avec un prodigieux · fuccès; mais ce n'était pas le Cicéron du bar- ́ bare Crébillon. Ad ove

J'envoie Patras à l'impératrice de Ruffie

« PreviousContinue »